Archives des Convention citoyenne - Missions Publiques https://missionspubliques.org/tag/convention-citoyenne/ Wed, 24 Jan 2024 09:26:26 +0000 fr-FR hourly 1 https://missionspubliques.org/wp-content/uploads/2020/02/favicons.png Archives des Convention citoyenne - Missions Publiques https://missionspubliques.org/tag/convention-citoyenne/ 32 32 Retour sur la Convention citoyenne pour le climat et la biodiversité de Bourgogne-Franche-Comté https://missionspubliques.org/retour-sur-la-convention-citoyenne-pour-le-climat-et-la-biodiversite-de-bourgogne-franche-comte/ Wed, 24 Jan 2024 09:26:26 +0000 https://missionspubliques.org/?p=9750 L’article Retour sur la Convention citoyenne pour le climat et la biodiversité de Bourgogne-Franche-Comté est apparu en premier sur Missions Publiques.

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Concertations citoyennes et cabinets privés : et si on se posait les bonnes questions ? https://missionspubliques.org/concertations-citoyennes-et-cabinets-prives-et-si-on-se-posait-les-bonnes-questions/ Mon, 11 Apr 2022 10:22:09 +0000 https://missionspubliques.org/?p=6543 L’article Concertations citoyennes et cabinets privés : et si on se posait les bonnes questions ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

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Convention citoyenne locale pour le climat d’Est Ensemble : le regard de Matthieu Sanchez https://missionspubliques.org/convention-citoyenne-locale-pour-le-climat-dest-ensemble-le-regard-de-matthieu-sanchez/ Wed, 09 Feb 2022 10:22:30 +0000 https://missionspubliques.org/?p=5867 L’article Convention citoyenne locale pour le climat d’Est Ensemble : le regard de Matthieu Sanchez est apparu en premier sur Missions Publiques.

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La Convention citoyenne pour le climat d’Est Ensemble : le pari du local https://missionspubliques.org/la-convention-citoyenne-pour-le-climat-dest-ensemble-le-pari-du-local/ Thu, 09 Sep 2021 06:30:54 +0000 https://missionspubliques.org/?p=4478 L’article La Convention citoyenne pour le climat d’Est Ensemble : le pari du local est apparu en premier sur Missions Publiques.

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L’Etablissement public territorial (EPT) Est Ensemble est une « jeune » collectivité qui porte d’ambitieux projets pour construire une Métropole du Grand Paris durable. Dans cette optique, Est Ensemble lance en septembre une convention citoyenne locale pour le climat réunissant 100 habitant-e-s tiré-e-s au sort. Ce territoire, qui regroupe neuf villes de Seine-Saint-Denis (1), fait face à des problématiques complexes en termes d’inégalités sociales et de densité de population. Patrice Bessac, président de l’EPT et maire de Montreuil, revient sur les motivations et les objectifs de la démarche.

Missions Publiques. L’Etablissement public territorial Est Ensemble lance sa Convention citoyenne locale pour le climat. Après les polémiques sur la CCC nationale, qu’est-ce qui vous a convaincu d’organiser cette démarche au format ambitieux ?

Patrice Bessac. L’urgence d’abord. Face aux crises démocratiques et écologiques auxquelles nous sommes confrontés, nous devons agir. Agir vite et agir ensemble. C’est la double condition pour que nos sociétés s’engagent – tant qu’il est encore temps – dans un aggiornamento climatique fondamental qui ne laisse personne sur le bord du chemin. La responsabilité, ensuite. Celle de défendre les habitantes et les habitants d’un territoire populaire, doublement marqué par les inégalités sociales et écologiques ; un territoire – le plus dense d’Île-de-France après Paris – dans lequel 30% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté et qui ne compte que 6m2 d’espaces verts par habitant contre 12 à l’échelle métropolitaine. L’expérience enfin. Certes, la Convention citoyenne nationale n’a pas rempli – loin de là – toutes ses promesses démocratiques mais pour autant, l’expérience nouvelle qu’elle a constituée, la tentative de mise en pratique d’une démocratie plus inclusive, d’une participation plus active des citoyens est à saluer car c’est là, je crois, que se situe le gage de l’efficacité d’une action publique conforme à l’intérêt général. Avec lucidité sur la façon dont le processus national a été conduit et – on peut le dire – dévoyé, nous faisons à Est Ensemble, le pari de dupliquer cette expérience au niveau local en en tirant toutes les leçons. A titre d’exemple, je me suis personnellement engagé à ce que l’ensemble des propositions des citoyens soit, à l’issue des travaux, intégralement soumis au vote du Conseil de territoire.

"C’est en agissant ensemble, à toutes les échelles et sur tout le spectre des politiques publiques (logement, plan d’urbanisme, mobilités, consommation d’énergie, alimentation, déchets...) que nous pourrons réellement faire levier.

Portrait Patrice Bessac ©Gaël Kerbaol pour Est Ensemble

Patrice Bessac

Président de l’EPT
et maire de Montreuil,

Missions Publiques. La Seine-Saint-Denis va accueillir (et construire) une partie des infrastructures pour les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024. Est Ensemble a été labellisé « Terre de jeux » et est une collectivité hôte des JOP, puisque le stade nautique Maurice Thorez de Montreuil est un site d’entraînement. L’opportunité économique est immense mais comment peut-elle être compatible avec les ambitions écologiques et climatiques portées par votre territoire ?

Patrice Bessac. Il n’y aura pas de justice climatique sans justice sociale. Les JOP sont un grand moment de sport et de cohésion à l’échelle planétaire. Il est impératif que cet événement mondial ait des retombées positives pour les territoires qui l’accueilleront. Paris 2024 a fait de l’exemplarité environnementale un des axes clefs de sa candidature et Est Ensemble s’inscrit comme partenaire et co-acteur de cette ambition dont les habitants de la Seine Saint Denis devront, eux-aussi, bénéficier. La sobriété énergétique, avec la Rénovation de la piscine Thorez à Montreuil soutenue par la SOLIDEO, le réemploi d’un bassin olympique pour la future piscine de Bagnolet après les JOP, le développement des pistes cyclables en lien avec le département pour relier les sites olympiques et la création d’une boucle sportive et renaturée de 42km entre les neuf villes du territoire, avec la métropole et le dispositif Héritage de Paris 2024… voilà quelques-uns des projets principaux qui concrétisent l’opportunité que représentent ces JOP en matière de transition écologique pour Est Ensemble, mais aussi la contribution de notre collectivité, avec les 9 villes qui la composent, pour faire réellement de ces Jeux, le premier grand événement sportif et populaire à contribution positive pour le climat. J’y suis et j’y serai extrêmement vigilant.

Lire aussi

L’interview d’Eric Duverger, initiateur de la Convention citoyenne des entreprises pour le climat

L’interview de Grégoire Fraty, un des 150 citoyens tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat

L’interview de Carole Delga, presidente de la Région Occitanie sur la démarche de Convention citoyenne régionale

Missions Publiques. Un autre défi est sans doute celui d’embarquer les 9 villes de Seine-Saint-Denis qui composent l’EPT, un territoire encore jeune et sans doute méconnu de ses habitant-e-s. L’enjeu est-il suffisamment important pour dépasser les clivages politiques ? Pourquoi l’EPT est-il selon vous la bonne échelle pour faire levier sur les questions climat / biodiversité ?

Patrice Bessac. Nous sommes toutes et tous confrontés à une même réalité. Quel que soit le type de société dans lequel nous nous projetons, quels que soient les choix politiques que nous privilégions pour son organisation, nul ne peut plus ignorer désormais la menace que font porter le dérèglement climatique et ses effets sur l’Humanité toute entière.  Au regard des enjeux, au regard des fragilités sociales et écologiques du territoire j’ai proposé au Conseil territorial dès le début du mandat, que nous placions les enjeux de transition écologique au cœur des politiques publiques de la collectivité. L’ensemble des exécutifs municipaux – au premier rang desquels les maires – étant déjà engagés et mobilisés sur le sujet, je dois dire que l’unanimité a été naturelle. Depuis, des choix politiques et budgétaires importants ont été réalisés en lien avec nos compétences pour concrétiser cette nouvelle orientation : élaboration d’un plan « zéro déchet » avec comme objectif de réduire de 25 000 tonnes par an la production de déchets sur le territoire, renaturation et apaisement de 42 km d’espaces publics continus pour relier nos neuf villes. Et enfin de créer un îlot de fraîcheur territorial et inscription dans le plan pluriannuel d’investissements de la collectivité de 30 millions d’euros sur les 6 prochaines années pour donner vie à ces projets. Evidemment ces efforts vont être faits en lien étroit avec les villes du territoire. Nos compétences sont complémentaires. Personne n’a seul la solution. Nos villes sont responsables de 70% des émissions de gaz à effet de serre. C’est en agissant ensemble, à toutes les échelles et sur tout le spectre des politiques publiques (logement, plan d’urbanisme, mobilités, consommation d’énergie, alimentation, déchets…) que nous pourrons réellement faire levier. Nous avons toutes et tous un rôle à jouer : citoyens, acteurs publics, associatifs et privés.

« C’est en agissant ensemble, à toutes les échelles et sur tout le spectre des politiques publiques (logement, plan d’urbanisme, mobilités, consommation d’énergie, alimentation, déchets…) que nous pourrons réellement faire levier.

Missions Publiques. Avec près de 430 000 habitant-e-s, Est-Ensemble fait face à des problématiques complexes en termes d’inégalités sociales et de densité de population. Quelle serait, pour vous, une des clés de réussite de la démarche ? Et projetons-nous un peu : nous sommes quelques mois après la fin de la Convention, à quoi jugerez-vous son succès ?

Patrice Bessac. La clef essentielle de la réussite de cette démarche se résume pour moi en deux mots : sincérité et confiance. Nous nous engageons dans cette aventure démocratique avec le souhait que celle-ci puisse être productrice d’une action publique transformatrice. En faisant le choix de travailler avec Missions Publiques dont l’expertise est largement reconnue, en faisant le choix de créer un Comité des protecteurs/protectrices (2) et de faire appel à la Commission Nationale du débat public pour assurer l’indépendance des débats, en prenant l’engagement que toutes les propositions des conventionnels soient soumises au vote du Conseil territorial, nous avons, je crois, réuni les conditions pour permettre aux travaux de la Convention de se dérouler dans les meilleures conditions et qu’émergent des solutions nouvelles, cohérentes avec les expériences et les attentes des habitants du territoire. A titre personnel, je serais heureux que les propositions soumises au vote, suscitent parmi les élus et les citoyens du territoire du débat, qu’elles nous interrogent toutes et tous sur les efforts que nous sommes prêts, individuellement et collectivement, à faire pour répondre aux enjeux sociétaux posés par les conséquences du réchauffement climatique.

(1) Bagnolet, Bobigny, Bondy, Les Lilas, Le Pré Saint-Gervais, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin et Romainville
(2) Les protecteurs et les protectrices de la Convention sont des garant-e-s qui veillent à la neutralité et au bon déroulement des débats.
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La Convention citoyenne locale pour le climat d’Est Ensemble

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L’inclusion citoyenne est une invitation à renverser notre regard https://missionspubliques.org/linclusion-citoyenne-est-une-invitation-a-renverser-notre-regard/ Wed, 10 Mar 2021 14:53:55 +0000 https://missionspubliques.org/?p=3381 L’article L’inclusion citoyenne est une invitation à renverser notre regard est apparu en premier sur Missions Publiques.

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Quels sont les défis politiques pour habiter la France de demain ? C’était la thématique du webinaire organisé par le ministère de la Transition écologique. De nombreux intervenant-e-s sont venu-e-s apporter leur éclairage sur comment préparer la ville et des territoires sobres, résilients, inclusifs et productifs. Notre co-directrice Judith Ferrando était invitée en tant que grand témoin. Voici son intervention.

L’inclusion peut apparaitre comme un mot valise, très novlangue. C’est pourtant une ambition noble : inclure c’est le contraire d’exclure. Un territoire inclusif, c’est un territoire où chacun-e a sa place, quelles que soient son origine, ses ressources, ses capacités, et peut prendre part à la vie sociale, politique, culturelle et économique. Ce n’est pas simplement une vision corrective ou réparatrice, c’est une invitation à renverser notre regard sur l’aménagement : ce ne sont plus aux habitant-e-s de se conformer à leur environnement, mais à l’environnement de s’adapter aux besoins et qualités de chacun-ne. C’est aussi un territoire et plus largement une société qui reconnait à chacun-e une place, qui lui accorde de la considération, qui s’enrichit de la diversité.

Un territoire, une production immatérielle

L’inclusion citoyenne et politique est une des clés puissantes pour habiter la France de demain. Se donner les moyens de l’inclusion politique et citoyenne est indispensable pour avoir des territoires à forte vitalité démocratique, où les habitant-e-s se sentent citoyen-ne-s de plein droit et non de seconde zone, où les individus et les institutions sont capables de traiter les conflits et de trouver des solutions pacifiques. C’est urgent dans le moment de tension sociale et de creusement des inégalités que nous vivons. Ce n’est pas rien au moment où la France vient d’être classée comme démocratie défaillante par l’Index 2020 de la Démocratie (1).

Un territoire, une ville, ce n’est pas uniquement un ensemble de construction, de routes, d’infrastructures, de zones réglementaires, d’activité économique. C’est une production immatérielle. C’est un espace partagé par des êtres humains qui y ont des activités plurielles : ils y vivent (de passage ou toute leur vie), s’y baladent (en faisant un footing, en marchant avec une poussette, un chien ou un déambulateur), y font leur course, y travaillent, s’y instruisent, font des claquettes, jouent à la belotte dans des club sénior, trainent, se rencontrent, militent, font des enfants, vieillissent, se soignent, etc. Les territoires, ce sont un ensemble de modes de vie, d’usages, de relations sociales et d’émotions.

La transition écologique nécessite des modifications de ces modes de vie. Cela ne peut se faire que si les individus ont une part active dans la réalisation de notre société post-carbone.

La transition écologique oui, mais avec les habitant-e-s

La transition écologique nécessite des modifications de ces modes de vie : une évolution de nos manières de nous déplacer, de manger, de produire, de faire nos achats, de nous loger, de travailler, de penser nos choix de vie.  Cela ne peut se faire que si les individus ont une part active dans la réalisation de notre société post-carbone. Cela nécessite d’arriver à se projeter ensemble dans un monde commun, pour paraphraser Pierre Rosanvallon de tricoter récit individuel et récit collectif. Comme l’a rappelé Franck Boutté (2), il faut construire la désirabilité de la sobriété ; et comme l’a également affirmé Pierre Velz (3), l’économie productive et sobre doit être une économie centrée sur l’humain et c’est une trajectoire à construire, qui n’est ni le verdissement de l’économie actuelle ni forcément l’économie de la déconnexion.

Demain, un territoire plus frugal et plus convivial

A quoi ressemblerait un territoire résilient, inclusif, productif, sobre, pensé et fait avec les habitant-e-s? Ce serait une ville où être dehors est un plaisir, en toute sécurité : une ville pensée pour que les plus fragiles (les enfants, les femmes, les personnes âgées, les personnes à mobilité réduite, les sans-abri) puissent s’y balader et reposer sans risque (donc une place de la voiture revue), où les centres-villes ou centres bourgs soient vivants et proposent des logements adaptés, accessibles financièrement et modulaires pour s’adapter à l’évolution de la taille des ménages, des lieux de rencontre intergénérationnels sans obligation de consommer, où des services publics soient présents, regroupés, et pas que numériques. Ce qui implique une évolution des pratiques d’aménagement du territoire, davantage ville du quart d’heure (4) que logique de métropolisation : un accès aux besoins essentiels : se loger/ se nourrir/ ne pas être isolé. Ce serait un territoire nourricier, un territoire avec des zones de gratuité pour des trocs et de la mise en commun d’outils.  Mais aussi des toilettes publiques gratuites, de l’art dans les rues. Et un rapport à la nature non domestiquée. Ce serait ensuite un territoire où dans le même ensemble d’habitation, il y aurait une crèche, une maison de retraite et des logements pour famille. Enfin, ce territoire aurait un modèle de développement qui profite aux producteur-trice-s locaux-les et avec une place du travail revue : l’activité plutôt que le travail ? Un temps de travail moindre pour avoir du temps pour des activités au bénéfice des autres ? Une reconnaissance du temps domestique ? Un revenu universel ? Des métiers du lien revalorisés ?

Les territoires de demain sont en train d’émerger, plus frugaux, mais aussi plus conviviaux. Et souvent ils sont pensés et mis en œuvre avec les habitant-e-s.

Entendre les désirs des citoyen-ne-s

Utopie ? Rêve de bobo ? Hélas non, ce sont les aspirations majoritaires que j’entends dans de très nombreuses démarches que j’ai accompagné depuis des années, de Haute Garonne Demain (démarche de prospective territoriale participative), aux conférences citoyennes régionales du Grand Débat National, en passant par la Convention citoyenne de Nantes Métropole sur la crise Covid. Des études internationales montrent le désir des gens de ralentir leurs rythmes de vie et de vivre davantage en proximité (5). Et c’est déjà en partie à l’œuvre : les territoires de demain sont en train d’émerger, plus frugaux, mais aussi plus conviviaux. Et souvent ils sont pensés et mis en œuvre avec les habitant-e-s. On peut parler des jardins partagés en ville cultivés par des migrant-e-s et des sans-abris à Rome, des habitant-e-s des quartiers prioritaires à Gap, dans le sud de la France, qui s’embarquent dans une démarche zéro déchet et y retrouvent du pouvoir d’achat et de la fierté, des habitant-e-s en précarité économique ont fait des propositions pour accélérer la transition énergétique lors du grand débat de Nantes métropole sur l’accélération de la transition énergétique, des habitant-e-s et des mairies s’organisent  en milieu rural pour transformer des lieux délaissés en café associatif inter-âge, les jeunes des quartiers populaires de Seine-Saint-Denis ont mis en place de l’aide aux personnes âgées du quartier lors des confinements, sans attendre l’appui des villes et des grandes associations, le projet vegetalcity porté par l’architecte Luc Schuiten propose des habitats de qualité, éco-construits et en harmonie avec la nature pour des sans-abris ou encore les expériences d’urbanisme tactique, d’aménagement transitoire, de construction réversible. Questionnons-nous sur notre capacité à entendre ces désirs et à les transformer en trajectoires, accélérations et actions.

Les plafonds de verre, entraves à l’accélération souhaitée

Rendre un territoire inclusif, ça ne se décrète pas. Encore moins pour des populations qui ont le sentiment que tout se joue ailleurs, sans eux. Arrêtons dans un premier temps de saucissonner la démocratie : on va sur-solliciter les habitants des quartiers populaires en concertation ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine), bailleurs sociaux, projet urbain, PLU (plan local d’urbanisme), SCoT (schémas de cohérence territoriale) ou par instances consultatives catégorielles ou en silo (conseils citoyens, conseils des ainé-e-s, conseils des jeunes). Dans un deuxième temps, arrêtons de techniciser et de sur-rationnaliser : revenons au désir de vivre en commun, aux enjeux politiques. Comment voit-on ce territoire où on vit ? Comment s’y sent on bien ? A quelles conditions essentielles ? Qu’est-ce qui compte pour nous ? Cessons de vouloir faire entrer au chausse pied les citoyen-ne-s dans des procédures réglementaires d’une complexité ubuesque parfois, bardées d’acronymes, et revenons aux questions essentielles, cela fera du bien à tout le monde, y compris aux décideur-euse-s public-que-s et aux professionnel-le-s de l’aménagement.

Notre débat démocratique a besoin de radicalité, au sens de revenir à la racine des problèmes et des choix à faire.

Ne pas craindre la radicalité

Puis, créons les conditions de la confiance : règles du jeu claires, retours sur les impacts sur les décisions, être prêt-e-s aussi à revoir sa vision d’un projet, à travailler avec des acteurs associatifs locaux notamment en lien avec les habitant-e-s, aller vers… Il est bon de rompre avec notre imaginaire de la ville et de faire advenir un autre imaginaire de l’aménagement moins fonctionnel, moins mécanique. Redonnons-nous les moyens de la mixité sociale : en termes de production de logements, de scolarisation mais aussi de lieux pratiqués en commun dans la ville. Et surtout, faisons avec et pas pour : nourrissons la culture du dialogue, du projet en commun, du faire ensemble, dès l’école ; stimulons l’action collective de manière coopérative et non pas en mettant en concurrence (comme dans les budgets participatifs) ; pensons autrement l’implication des habitant-e-s, comme une ressource du projet pas une contrariété réglementaire de plus, les voir comme en capacité d’être co-créateur-trice-s de la ville ; accueillons les émergences, la colère, la rugosité, la différence dérangeante (comme l’orchestre du café social de Nantes Métropole ou la contestation des Gilets Jaunes). Osons affronter les sujets compliqués : la transition écologique est un impératif si on ne veut pas complétement bousiller la planète, le vivant, l’humanité. Expliquer le coût de l’inaction comme le suggère Magali Reghezza-Zitt (6) est indispensable. Nos choix démocratiques se font sous contrainte des faits. Notre débat démocratique a besoin de radicalité, au sens de revenir à la racine des problèmes et des choix à faire.

(1) Le rapport publié par The Economist est téléchargeable gratuitement à partir de leur site, après avoir rempli un formulaire.
(2) Franck Boutté, consultant Conception et ingénierie environnementale, était également grand témoin.
(3) Pierre Velz, ingénieur, sociologue et économiste, était le 3e grand témoin de cette journée.
(4) La ville du quart d’heure a été conceptualisée par l’urbaniste Carlos Moreno. L’idée : que l’on puisse trouver près de chez soi tout ce qui est essentiel à la vie : faire ses courses, travailler, s’amuser, se cultiver, faire du sport et se soigner.
(5) Modes de vie et mobilité, une approche par les aspirations, enquête internationale réalisée par l’institut de recherche Forum Vies Mobiles, janvier 2015-mai 2016
(6) Magalie Reghezza-Zitt est géographe, directrice du centre de formation sur l’environnement et la société à l’ENS. Elle était grand témoin lors de ce webinaire.
Crédit photo : Istock (D.R.)

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« Une claque climatique et démocratique » https://missionspubliques.org/une-claque-climatique-et-democratique/ Wed, 10 Mar 2021 14:13:55 +0000 https://missionspubliques.org/?p=3363 L’article « Une claque climatique et démocratique » est apparu en premier sur Missions Publiques.

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Grégoire Fraty est un des 150 tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat. 18 mois de travaux qui l’ont fait passer de citoyen ordinaire à citoyen militant. Un engagement « marathon » qu’il compte bien faire fructifier désormais dans sa vie de tous les jours, et pourquoi pas en politique. Il revient pour nous sur son livre (1) et la dernière session de la Convention.

Missions Publiques : Dans votre livre, vous dites « une convention citoyenne ne doit pas être un séminaire abrutissant, elle doit au contraire être vivante, en mouvement, pour répondre aux injonctions de la vie démocratique citoyenne ». Pourtant, les membres de la Convention ne se sont pas beaucoup affranchis du mandat. Comment l’expliquez-vous ?

Grégoire Fraty : Nous sommes tout de même parvenus à nous extirper un petit peu du mandat en décrochant notamment des temps de travail sur l’éducation, ce qui n’était pas prévu. Le plus compliqué a été d’obtenir des temps de travail sur la Constitution alors que les mesures qui en découlent n’ont pas un impact direct sur les émissions de gaz à effet de serre. Nous aurions aussi souhaité traiter de biodiversité, sans succès sur ce point. La vraie complexité résidait dans la présence d’un comité de gouvernance très fort et face à cela, une absence de collectif citoyen organisé permettant de porter une voix commune. Les citoyennes et les citoyens présents au sein du comité de gouvernance étaient tirés au sort, leur légitimité était donc très fragile vis-à-vis des autres. Pour s’extirper du mandat, c’était un vrai combat ! C’est pour cela que nous avons demandé à avoir des temps internes aux 150, sans animateur ni comité de gouvernance. Puis, l’idée de créer l’association des 150 a émergé pour porter une parole collective citoyenne. Là encore, c’est une sortie de route puisque la question du suivi ne figurait pas dans le mandat. En réalité, nous avons eu 9 mois de Convention, et 9 mois de suivi. La moitié s’est donc réalisée hors mandat. C’est notre outil, notre identité, notre propre voix.

Missions Publiques : « Nous faisions de la politique malgré nous » dites-vous. L’association des 150 n’est-elle pas une association politique, au sens où elle entend peser sur la société par ses actions, suivre les mesures, soutenir des démarches au local etc. ? N’est-il pas temps de tourner la page de « conventionnel » ?

Grégoire Fraty : Elle est plutôt non partisane. Quand j’ai co-fondé l’association, nous avons fait inclure une ligne qui précise que cette association ne pourra jamais soutenir un parti ou un candidat. L’idée était d’éviter d’en faire une énième force militante mais une base citoyenne. Alors oui, nous faisons de la politique mais au sens noble du terme et nous rencontrons tous les courants, de Valérie Pécresse à François Rufin, de la CGT au Medef… Pour moi, le temps du collectif est fini. Je suis pour que nous retournions à notre vie de citoyen, à notre vie quotidienne, pour parler à nos voisines et voisins. Certain-e-s vont s’engager dans l’associatif, d’autres vont s’investir en politique dans les prochaines semaines… très à gauche, chez les Verts mais aussi à droite.

Au travers des votes de la dernière session, j’ai ressenti un certain clivage entre les citoyennes et citoyens qui ont pris une posture politique, celles et ceux qui ont pris une posture factuelle, d’autres plus d’engagés. Cette dernière session n’était pas une session joyeuse, c’était une session âpre, pleine d’amertume et de confrontations. Preuve que l’exercice a fait son temps. 18 mois, c’est très long et forcément ça « change » la ou le citoyen lambda tiré au sort. Je suis contre la professionnalisation du citoyen, il faut donc faire attention à la longueur de ces démarches.

L’investissement de la France sur cette convention citoyenne a été de former 150 personnes pour qu’elles deviennent des citoyennes et des citoyens éclairés.

Missions Publiques : Citoyen tiré au sort, bénévole associatif, militant de la cause climatique… le retour à la « normalité » est-il vraiment ce que vous envisagez ?

Grégoire Fraty : Nous avons fait de la politique pendant 18 mois, nous avons été noyés dans les institutions républicaines. Nous avons beaucoup appris sur l’aspect climatique, mais aussi énormément sur l’aspect démocratique, voire autant. C’est pour cela que je parle de double claque dans mon livre. Nous nous sommes formés : sur le rôle des institutions, sur l’aspect médiatique, sur comment parler aux expert-e-s, aux élu-e-s, pendant les réunions publiques. L’investissement de la France sur cette convention citoyenne a été de former 150 personnes pour qu’elles deviennent des citoyennes et des citoyens éclairés. J’ai l’impression que je dois faire fructifier cette expérience. Mon engagement en tout cas est de continuer à titre personnel. Ce n’était pas du tout dans ma nature. Avant la Convention, mes loisirs étaient la lecture, les jeux vidéo et le piano. Pas une seule fois le week-end, je donnais du temps à une association. Mon investissement, c’était mon travail (2). Aujourd’hui, je suis prêt à passer mes week-ends à m’engager au service du climat. Je ne veux pas m’arrêter.

Missions Publiques : Comment toucher plus largement ? Comment passer des 150 aux 67 millions de Français ? Vous dites « regretter » que la France ait la culture du plébiscite mais pas du référendum. Est-il, à vos yeux, un outil pour permettre ce changement d’échelle ?

Grégoire Fraty : Une partie de nos mesures vont dans ce sens. Par exemple, nous avons préconisé deux heures d’environnement et de développement durable toutes les semaines au collège et au lycée. Mais un des mesures qui permet de s’adresser plus largement aux Françaises et Français, c’est le référendum sur l’article 1 de la Constitution (3). Il pourrait y avoir un grand basculement sociétal à ce moment-là avec un grand débat climatique au niveau national, avec les « pour », les « contre », des spots télévisés afin que toutes et tous puissent avoir ce débat dans les maisons… Sur le volet de la formation professionnelle, nous demandons la création d’une journée par an consacrée aux gestes écoresponsables, comme pour le secourisme au travail. Je ne suis pas un expert mais je suis quelqu’un d’informé et de sensibilisé. J’ai bien conscience que nos 149 mesures seront acceptables pour des citoyennes et citoyens informés et sensibilisés comme je l’ai été.

Concernant le référendum, j’aimerais bien prouver qu’il ne s’agit pas ici de référendums plébiscitaires. Les Français-e-s ne sont pas habitué-e-s à ce qu’on leur demande leur avis, en dehors des périodes électorales comme cela peut se faire en Suisse par exemple. A mon avis, les citoyen-ne-s seraient prêt-e-s à se déplacer tous les 6 mois ou une fois par an pour répondre à 2/3 grandes questions (4). Mais ce n’est pas dans notre ADN institutionnel. Rien que pour modifier l’article 1, c’est un chemin de croix avec le Sénat alors qu’il s’agit d’une question consensuelle.

Missions Publiques : La Convention a proposé « seulement » trois mesures à référendum. Vous avez remis vos propositions aux mains des élus. C’est un signe de confiance dans les institutions ?

Grégoire Fraty : C’est finalement rassurant ce vote renvoyant la responsabilité sur les institutions nationales. Il y a des membres de la Convention qui ne votaient pas avant et qui se présentent aujourd’hui sur des listes électorales. Avec le recul, cela fait sens notamment par rapport à la critique sur notre légitimité. Nous ne l’avons pas conçue en opposition à celles des élu-e-s et nous avons tout de suite compris que la Convention avait sa place dans les institutions et non pas dans la confrontation. Notre mandat le stipulait par ailleurs : une place entre le Gouvernement et le Parlement. Il aurait été plus simple d’ailleurs d’avoir une place « à côté ».  Mais cette place, nous l’avons trouvée. Aujourd’hui, les parlementaires s’adressent à nous sur le fond. C’est un vrai plaisir de démarrer une audition à l’Assemblée nationale sans avoir à justifier qui je suis, d’où je parle etc.

Missions Publiques : Revenons à la dernière session de la Convention qui a voté sur la prise en compte des propositions par le Gouvernement. Sur les six grands thèmes, aucune mesure n’a obtenu la moyenne (5). D’un côté, un petit nombre de membres avait décidé de voter zéro à tout et de l’autre, une des rares mesures reprise « sans filtre » (à savoir la modification de la Constitution) a obtenu la note de 6/10. Comment analysez-vous cela ?

Grégoire Fraty : Il y a en effet une vingtaine de personnes qui ont joué le jeu du tout ou rien et ont décidé d’utiliser l’expérience. Elles ont donc voté sans prendre en compte les heures que nous avions eu au préalable avec le groupe d’appui, où nous avions relevé qu’une dizaine de mesures avaient été reprises et étaient en vert dans notre tableau de suivi. La modification de l’article 1 n’a obtenu que la note de 6/10 alors que c’était mot pour mot notre mesure… C’est une réponse politique donc que je ne juge mais qui ne répond pas à la question posée. En votant entre 0 et 6, et si la note finale est de 3,3, c’est donc la moyenne. Voilà l’analyse que j’en fait. Si nous avions eu un véritable vote, factuel, nous aurions quand même obtenu des mauvaises notes, mais elles auraient été analysables. Aujourd’hui, les politiques vont s’en dédouaner car ces notes n’ont pas de valeur. Encore une preuve que la Convention citoyenne est terminée et que le temps politique a repris ses droits.

A la question « la Convention citoyenne pour le climat a-t-elle été utile », la note a été de 2/10. A la question « Faut-il d’autres Conventions citoyennes », le résultat est de 7/10 ! C’est incohérent. Les citoyen-ne-s savent pertinemment qu’ils/elles n’ont pas servi-e-s à rien. Au début de la Convention, nous étions à 90% pessimistes. Aujourd’hui, une dizaine de mesures sont passées. Il aurait été plus utile d’organiser un vote en début de Convention pour juger des attentes, et à la fin de les analyser plutôt qu’organiser un vote sur notre niveau de satisfaction du Gouvernement. Nous avons été très ambitieux-se-s. Je vais même aller plus loin : aucun-e d’entre nous n’avaient l’espoir que nos 149 propositions passent. Le « sans filtre » a été interprété différemment mais comme le dit Sylvain (un autre citoyen), il a été notre « poison » pendant les débats.

Nos mesures n’ont pas de date de péremption, elles vont continuer à vivre !

Missions Publiques : Selon l’Observatoire des multinationales (6), les lobbies industriels ont mené « une guerre de l’ombre » contre la Convention et l’auraient donc sabotée. Qu’en pensez-vous ?

Grégoire Fraty : Nous avons écouté tout le monde : de l’artisan qui militait pour rénover à la paille à la fédération française des bâtiments, qui nous alertait sur le manque de paille etc. Nous leur avons donné un poids, nous ne pouvons pas reprocher au Gouvernement de le faire aussi. En revanche, il me semble que certains arbitrages ne sont pas justes. Certaines mesures ont été détricotées pour de funestes raisons comme la mesure sur la régulation de la publicité. A l’avenir, je souhaiterais bien voir une vraie régulation de la publicité, une nouvelle loi Evin : une loi forte qui permettrait de changer le quotidien des Français-e-s et leurs modes de consommation. Mais nos mesures n’ont pas de date de péremption, elles vont continuer à vivre !

Missions Publiques : Au vu de votre engagement tout au long de ces 18 mois, vous êtes favorable à la reconnaissance d’un statut de citoyen participant (7)… et quelles futures conventions citoyennes imaginez-vous ?

Grégoire Fraty : Je considère que les citoyennes et les citoyens doivent avoir les moyens de remplir leur mandat dans ce type d’exercices, qu’ils soient à un niveau national ou régional, comme la Convention citoyenne Occitanie par exemple. Derrière ce mandat, il y a des droits et des devoirs. Certains membres ont travaillé nuit et jour, y ont passé des week-ends entiers. Sur les 18 mois, j’ai pris 3 semaines de congé sans solde et je ne compte pas le temps pris sur ma vie personnelle. En étant cadre et en télétravail, je pouvais le faire et j’étais content de le faire. C’est illogique en revanche que des personnes qui ont un cadre de travail plus contraint, moins d’aisance financière ou des employeurs moins compréhensifs ne puissent pas le faire. Ce statut permettrait tout simplement de répondre à une commande publique.

Je verrais bien des futures conventions citoyennes sur la fin de vie ou le 4e âge, qui engloberait des questions de retraite, d’euthanasie, de prise en charge ; pourquoi une convention sur la légalisation du cannabis avec la place des drogues et de l’économie souterraine et enfin une convention sur le travail avec tous les sujets autour de l’emploi, de la manière dont on conçoit les contrats, la place des syndicats etc. Des conventions citoyennes sur des grands sujets de société qui donnent l’occasion à l’intelligence citoyenne de s’épanouir. Le climat, c’était parfait.

(1) « Moi, citoyen, l’aventure de la Convention citoyenne pour le climat vue de l’intérieur », Grégoire Fraty en collaboration avec Ondine Khayat, éditions First, février 2021.
(2) Grégoire Fraty travaille dans l’insertion et la formation professionnelle.
(3) Une des mesures de la Convention est de modifier l’article 1 de la Constitution en ajoutant « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ».
(4) Voir notre interview d’Hélène Landemore qui décrit la démocratie du 21e siècle
(6) Lire le rapport de l’Observatoire des multinationales publié par le journal Reporterre
Crédit photo : Katrin Baumann

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« En ces moments de crise, la démocratie participative ne doit pas s’arrêter » https://missionspubliques.org/en-ces-moments-de-crise-la-democratie-participative-ne-doit-pas-sarreter/ Mon, 09 Nov 2020 12:14:37 +0000 https://missionspubliques.org/?p=2984 L’article « En ces moments de crise, la démocratie participative ne doit pas s’arrêter » est apparu en premier sur Missions Publiques.

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Nantes Métropole lance une Convention citoyenne à l’échelle de son territoire. 80 habitant.e.s issu.e.s des 24 communes sont invités à échanger sur les conséquences de la crise sanitaire. Leurs préconisations nourriront le projet de mandat de la métropole. Johanna Rolland, maire de Nantes, revient sur la nécessité de cet exercice démocratique qu’elle a choisi de maintenir – en ligne – malgré le confinement.

Missions Publiques : Nantes Métropole a une forte tradition de dialogue citoyen dans laquelle les élus s’engagent à rendre des comptes de l’usage des contributions citoyennes dans la décision. Lors de vos précédents mandats, vous avez notamment organisé 3 grands débats sur les enjeux métropolitains. Comment inscrivez-vous cette Convention dans cette tradition et pourquoi ce format ?

Johanna Rolland : A Nantes, l’innovation est au cœur de toutes nos politiques publiques. A l’heure d’un changement de modèle plus soucieux des humains et de la planète qui s’impose, nous devons compter sur la mobilisation et l’engagement de toutes et tous. Cette métamorphose passe par une vision et une pratique de gouvernance ouverte, en dialogue permanent avec les citoyen.ne.s, les associations et les expert.e.s. Ce dialogue citoyen est une innovation publique tout à fait majeure qui permet de travailler au plus près des besoins et des attentes, à l’échelle d’une métropole, d’une ville, d’un quartier, d’une rue ou d’un immeuble.

Ces derniers mois, à Nantes, se sont structurées des initiatives solidaires, une plateforme d’entraide et une multitude de projets portés par des associations, des entreprises, etc. Des initiatives citoyennes majoritairement soutenues et accompagnées par la collectivité, qui témoignent de la capacité des actrices et acteurs de tous bords à collaborer et à se mobiliser pour trouver des solutions ensemble. Et à l’heure de répondre aux attentes fortes des citoyen.ne.s et de tirer des enseignements de cette crise sanitaire sans précédent, c’est grâce à une convention citoyenne que nous le ferons.

 

Missions Publiques : Vous avez choisi d’axer la convention citoyenne sur les conséquences de crise sanitaire. A votre avis, qu’est-ce que cela peut permettre de révéler ? Quelle peut-être la plus-value d’une Convention sur ce sujet ?

Johanna Rolland : D’abord, il nous est apparu évident de maintenir la convention malgré le confinement. La démocratie participative ne doit être arrêtée en ces moments de crise. Le point de vu des citoyen.ne.s est essentiel, pour venir compléter d’autres formes de diagnostic. Concrètement, la convention va travailler sur 4 week-end de novembre à février, ce temps est nécessaire pour approfondir et donner aux citoyens des bonnes conditions pour produire un avis robuste. Evidement les conditions sanitaires, nous obligent à repenser les modalités. La première session se déroulera en ligne et nous avons à cœur que cela ne soit pas excluant, et nous y veillons en mettant en place une médiation numérique renforcée.

Ensuite viendra le temps des réponses. Que faut-il accélérer ? Que faut-il réinventer pour mieux vivre ensemble ? Pour répondre à ces questions, nous avons décidé de lancer cette démarche citoyenne inédite en France pour tirer les premiers enseignements de la crise sanitaire collectivement. Les premières conséquences auxquelles nous pensons sont évidemment les conséquences en termes de vie sociale et de bouleversements du quotidien. Nous ne vivons plus pareil aujourd’hui qu’en février. Nous avons dû nous adapter, apprendre à vivre avec le masque, à limiter nos contacts, à restreindre nos visites aux aîné.e.s. Mais les conséquences sociales, ce sont évidemment aussi les conséquences directes et indirectes de la crise économique : avec des emplois menacés, des emplois perdus, du chômage, notamment chez les jeunes. Ces conséquences sociales parlent aussi précarité, fragilisation du pouvoir d’achat, instabilité financière pour des milliers de gens.

Face à cette réalité sociale, économique, et en tant qu’élu.e.s locaux.ales, nous savons que notre responsabilité est immense. Nous mesurons aisément quels seront les enjeux demain pour mettre en œuvre des politiques publiques justes, efficaces, pour lutter contre toutes les conséquences de cette crise. Il sera donc indispensable de se poser pour comprendre, car pour agir, il nous faut comprendre.

"Pour lutter contre toutes les conséquences de cette crise, en tant qu’élu.e.s locaux.ales, nous savons que notre responsabilité est immense (…) il est donc indispensable de se poser pour comprendre, car pour agir, il nous faut comprendre.

Crédit photo : Martial Ruaud

Johanna Rolland

Maire de Nantes

Missions Publiques : Replongez-vous il y a 6 ans. Qu’est-ce que vous n’auriez pas imaginé possible et qui s’est réalisé grâce à ces dialogues citoyens ?

Johanna Rolland : Dialogue citoyen et partage sont indispensables pour penser et faire la ville autrement : c’est mon intime conviction qui forge mon engagement politique. Cette nouvelle approche qui place les citoyen.ne.s au coeur des projets est un guide pour l’action à Nantes depuis plusieurs années et doit continuer d’ouvrir de nouveaux espaces de participation.

Ce renouvellement des pratiques passe par des élu.e.s conscient.e.s que l’intérêt général est un bien commun. Un bien commun à partager, et sans doute davantage. La mobilisation de Nantes, l’ambition pour Nantes, ne sont pas le fait de nos seules institutions locales. Et heureusement. Elles dépendent évidemment des acteur.trice.s, des citoyen.ne.s, des habitant.e.s qui s’investissent pour notre ville. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’à Nantes, ils sont nombreux ! Mon rôle de maire est donc de faciliter toutes ces initiatives portées en-dehors de nos institutions, en donnant plus de pouvoir d’agir aux citoyen.ne.s

Sur ce sujet, nous avons beaucoup avancé en 6 ans, grâce aux 200 démarches de dialogue citoyen et aux grands débats. Ce n’était qu’un début et ce mandat sera celui de l’épanouissement de ces démarches. Je vous le disais, nous lancerons la convention citoyenne dans les prochains jours. Nous poursuivrons, avec les assises des nouvelles solidarités et celles de la mobilité durable, parce que sur tous ces sujets du quotidien, les citoyen.e.s doivent être au cœur des réflexions. À l’instar de la création du Conseil des générations futures, composé de citoyen.ne.s tiré.e.s au sort et d’un droit d’interpellation citoyenne, afin d’ouvrir un espace de démocratique directe en Conseil municipal. Et pour ne citer qu’un seul exemple : de 2017 à 2018, citoyen.e.s, riverain.e.s, associations et collectifs ont imaginé ensemble des projets pour réinventer 15 bâtiments municipaux et espaces verts en friche mis à disposition par la Ville. Aujourd’hui voient le jour des projets qui répondent aux attentes des habitant.e.s et qui sont nés dans la tête de collectifs de citoyen.e.s engagé.e.s pour faire bouger les lignes.

 

Missions Publiques : Vous êtes sur une île déserte. Vous ne pouvez emporter qu’une chose (matérielle). Laquelle ?
Johanna Rolland : Une boussole. Pour ne jamais perdre son cap.

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« Tout citoyen est compétent » https://missionspubliques.org/tout-citoyen-est-competent/ Tue, 27 Oct 2020 10:14:52 +0000 https://missionspubliques.org/?p=2946 L’article « Tout citoyen est compétent » est apparu en premier sur Missions Publiques.

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Edgar Morin est intervenu – en visio – le 26 septembre devant les 100 membres de la Convention citoyenne Occitanie. Le sociologue et philosophe a touché les participant.e.s par son message résolument optimisme et par ses encouragements à poursuivre ces démarches de démocratie participative. En voici quelques extraits.

« Tout citoyen est compétent pour des questions d’intérêts collectifs, ou s’il n’est pas compétent, il doit essayer d’être compétent et de participer à la vie collective (…) Je suis partisan de compléter la démocratie représentative par une démocratie participative. Les avis doivent être pris au sérieux (par les autorités gouvernementales ou régionales).

« L’intelligence collective n’est pas la somme des intelligences individuelles »

Notre démocratie représentative est insuffisante, elle connait des carences. Pourquoi ? Parce que beaucoup de partis se sont sclérosés et décomposés. Dans le fond, il y a une vacuité de pensée politique au sein du monde parlementaire et les gouvernants planent au-dessus de la vie quotidienne sans avoir conscience de la vie du citoyen dit normal. (…) La vraie crise est malheureusement universelle. Il convient de traduire ces aspirations, les hiérarchiser et les mettre en ordre pour une formulation politique.

Le cadre de la démocratie participative est le cadre où se créer l’intelligence collective par l’échange et notre éducation des uns et des autres. L’intelligence collective n’est pas la somme des intelligences individuelles mais le produit synthétique de leur combinaison.

« Il faut concilier l’esprit et le cœur »

Notre système d’éducation normale ne donne pas assez d’éléments aux esprits pour affronter la complexité du monde, ses interactions (…). L’un de mes projets à l’Université de Montpellier est de constituer une sorte d’université populaire où l’on enseigne un bagage pour que chaque citoyen soit embarqué.

Le cœur : actuellement, nous sommes gouvernés par des chiffres, par des PIB et le calcul de la croissance. Mais il ne connait jamais la vie humaine, ni l’amour ni la peur ni la haine ni tout ce qui nous fait vivre. Le mot de calcul est une rationalité froide et insuffisante. La rationalité ne se réduit pas au calcul. (…) Depuis des dizaines d’années, la politique s’est mise à la remorque d’une économie dominante, comme si le profit allait régler tous les problèmes. Il y a un adage qui dit que plus les riches seront riches, plus l’argent ruissellera. Mais non, la politique s’est dégradée en économie. La politique manque de cœur (…). Il faut savoir concilier l’esprit et le cœur (…) car la politique du cœur est celle qui compose.

« Poursuivre la désintoxication des villes »

Parmi les grandes décisions à prendre : on doit poursuivre la désintoxication des villes qui sont polluées et développer leurs transports publics propres pour le bien-être des habitants, l’agriculture biologique, l’alimentation de proximité… Cette intoxication est responsable de la mort des villages car les bistrots ont disparu, l’épicier a disparu, il faut redonner vie à ces villages, remettre les bureaux de poste là où ils ont été supprimés. Il faut revitaliser les villages et les bourgs. Tout ceci s’inscrit dans une régénération politique.

Si l’Occitanie se met à l’avant-garde de ce projet, je serai très heureux et malgré mes forces, j’y apporterai mon concours.

« Faire du doute un pari »

 La solidarité dort malheureusement trop souvent mais quand arrive le défi, elle se réveille (…). Ce n’est pas parce qu’on est devant une tâche immense qu’il faut renoncer, au contraire, il faut se lancer ! Toute décision dans la vie est un pari, et la question est de parier pour les forces bénéfiques. Il faut transformer le doute en parti. Toute décision dans la vie est un pari. La question est de parier pour les forces bénéfiques et non pour les forces de destruction et les conflits ».

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« En tant qu’élu.e.s, il faut savoir se remettre en cause » https://missionspubliques.org/en-tant-quelu-e-s-il-faut-savoir-se-remettre-en-cause/ Tue, 22 Sep 2020 17:55:45 +0000 https://missionspubliques.org/?p=2816 L’article « En tant qu’élu.e.s, il faut savoir se remettre en cause » est apparu en premier sur Missions Publiques.

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La région Occitanie a lancé sa convention citoyenne mi-septembre[1]. 100 citoyen.ne.s tiré.e.s au sort travaillent à des propositions – qui seront soumises à une votation citoyenne – pour construire un territoire plus juste et plus durable. Cette concertation s’inscrit dans un plan plus large de relance économique et de transformation le « Green New Deal ». La présidente de la Région, Carole Delga, revient pour nous sur cet acte politique fort.

Missions Publiques : Une partie des citoyens se sent peu considérée et/ou mal représentée par leurs élus. Par définition, le tirage au sort reconnaît une place à chacun. Avec l’organisation de cette convention citoyenne, toute personne vivant en Occitanie est donc « présumée compétente ». Pour aller plus loin, quelles seraient pour vous les prochaines étapes pour encore mieux reconnaître les compétences de chacun ? Que diriez-vous aux élus, peu convaincus par ces démarches, pour les convaincre de reconnaître politiquement cette intelligence collective ?

Carole Delga. Qu’il est temps d’arrêter l’infantilisation des citoyens ! Que les citoyens ne sont pas un problème, mais souvent la solution. Qu’un élu ne perd pas de temps à les consulter, mais que cela garantit au contraire de mettre en place des politiques publiques justes, adaptées, correspondant à la réalité telle qu’elle est vécue au quotidien.

Pour moi, cette démocratie citoyenne – qui est tout le contraire de la démocratie d’opinion – peut revivifier la démocratie locale et surtout rétablir la confiance perdue avec la démocratie représentative. J’ai une grande confiance envers les habitants d’Occitanie. Ma conviction profonde que chacun d’eux est en quelque sorte un « expert » de son quotidien, de sa vie et qu’ils doivent avoir voix au chapitre. Nos concertations citoyennes sur le nom de la Région, les transports, l’alimentation, le lycée de demain, nos budgets participatifs, nos Parlements de la Montagne et de la Mer en témoignent.

Notre nouvelle initiative, une première en région, est inspirée de la Convention citoyenne pour le climat qui a réuni  à l’échelle nationale 150 personnes. En Occitanie, nous avons réuni une centaine de citoyen.ne.s tirées au sort[1] incarnant la diversité d’âges, de départements et de parcours de vie d’un territoire de 6 millions d’habitants, pour contribuer à notre Green New Deal, notre Plan de transformation et de développement. Cette convention n’est pas un acte isolé : elle s’intègre dans une logique participative bien ancrée. Car je crois à la force du collectif.

Les prochaines étapes ne sont pas au conditionnel : elles se vivent déjà, nos concitoyen.ne.s ayant toute leur place dans le processus de décision publique. Et les élus ne sont pas extérieurs à cette intelligence collective, ils en sont pleinement partie-prenante. Beaucoup sont d’ailleurs associés à nos démarches. Ils ne peuvent pas se sentir menacés par plus et mieux de démocratie.

"Pour moi, cette démocratie citoyenne – qui est tout le contraire de la démocratie d’opinion - peut revivifier la démocratie locale et surtout rétablir la confiance perdue avec la démocratie représentative.

Crédit photo : Philippe Grollier / Région Occitanie

Carole Delga

Présidente de la Région Occitanie

Il y a un climat de méfiance, pour ne pas dire de défiance, installé depuis des années entre les citoyens et les institutions représentatives. Avec la convention citoyenne, vous faites le pari du contraire. Quel est pour vous l’accomplissement politique le plus important que vous aimeriez voir réalisé ?

Refaire société. C’est-à-dire que, par la parole, le dialogue, l’échange, nous puissions ensemble trouver des solutions. Je ne supporte plus, comme bon nombre de Français, ces joutes hystériques, cette violence verbale qui nous sert hélas de débat politique.

En tant qu’élus, c’est-à-dire représentants du peuple, il ne faut jamais l’oublier, il faut savoir se remettre en cause et proposer des modes d’expression nouveaux aux citoyens, en-dehors du temps du vote. C’est ce que Dominique Rousseau appelle « la démocratie continue » et que je veux faire vivre en Occitanie avec la Région citoyenne.

Ce que j’appelle de mes vœux, c’est une véritable République des territoires, car ils sont compétents pour décider de leur présent et de leur avenir, ils savent innover et se réinventer. C’est sans doute la grande leçon de la crise sanitaire que nous traversons : elle a revalorisé la proximité, montré qu’il fallait préserver nos savoir-faire, relocaliser, et qu’une gestion purement verticale et descendante avait ses limites.

 

Au fil des dialogues internationaux que nous avons menés depuis 20 ans, nous nous sommes rendu compte que, quel que soit l’endroit d’où les citoyens parlaient, ils se sentaient avant tout « citoyens du monde ». Quelle place l’Occitanie veut-elle jouer à l’échelle mondiale ?

L’Occitanie a une longue tradition de terre d’accueil, l’ouverture aux autres fait partie de notre ADN. À l’heure des tentations de repli identitaire, nous devons donc plutôt observer nos interdépendances, flagrantes en temps de pandémie, et nous attacher à construire un nouvel ordre mondial plus juste, plus résilient et plus solidaire. Il y a urgence ! À la tête de la Région, j’ai tissé et entretenu de nombreux liens économiques et culturels avec d’autres pays (Japon, Espagne, Allemagne, Italie, États-Unis…). Parce que je crois, dans le moment de l’histoire du monde que nous traversons, qu’il faut chaque jour tisser des liens, entre les gens, les pays, les cultures. C’est l’ignorance qui permet le racisme, la peur de l’autre. S’ouvrir, c’est connaître et reconnaître l’autre. L’accepter. L’Occitanie, je la vois comme une région positive au sens plein du terme.

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Convention citoyenne Occitanie : portraits de citoyen.ne.s https://missionspubliques.org/convention-citoyenne-occitanie-portraits-de-citoyen-ne-s/ Thu, 17 Sep 2020 09:36:21 +0000 https://missionspubliques.org/?p=2768 L’article Convention citoyenne Occitanie : portraits de citoyen.ne.s est apparu en premier sur Missions Publiques.

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Mise à jour : 27 septembre à 15:30
La Convention citoyenne Occitanie a débuté mi-septembre. Une centaine de citoyen.ne.s ont été tiré.e.s au sort pour réfléchir à un territoire plus juste et plus durable. Ce territoire, c’est une vaste région. Une terre contrastée qui rassemble 13 départements, deux grandes villes – Toulouse et Montpellier -, un littoral méditerranéen et des zones rurales peu peuplées. Les participant.e.s de la Convention sont issus de milieux différents, représentent toutes les catégories socio professionnelles, tous les âges… Nous vous proposons ici quelques portraits qui illustrent la richesse et la complexité de cette terre. 
« Je suis là pour être le garant du monde agricole.

Jérome

44 ans, paysan

Jérôme est un paysan de 44 ans, un homme qui « travaille avec le sol » et avec tout un écosystème : les animaux (poules, cochons, brebis), les arbres fruitiers et les légumes. Marié, père de 4 enfants, Jérôme a hésité avant de dire oui. Avec le Covid, son chiffre d’affaires, qui reposait à 80% sur les foires, a très fortement chuté. Mais, référencé sur un site de la Région comme agriculteur en vente direct, il a pu assurer des livraisons notamment aux hôpitaux. Après l’épidémie, participer à la convention lui permettait aussi de se « rouvrir » et c’est donc en « garant du monde agricole et pour défendre l’image écornée des agriculteurs » qu’il a finalement accepté. Mais pas que. L’égalité sociale et la précarité sont des sujets qui le touchent particulièrement, personnellement même, puisque Jérôme l’a côtoyée de très près il y a 15 ans. Cet « accident de vie » a été un tournant majeur : changement de métier et de région pour descendre dans l’Aude. « Je suis à l’aise là où je suis aujourd’hui » et malgré des revenus plus que justes et des journées de près de 20 heures, « je ne regrette rien. L’avenir de la planète passe par des exploitations agricoles comme les miennes.

Jérôme est interpellé par un certain nombre de citoye.ne.s. Il explique patiemment la différence des prix entre les producteurs indépendants et les supermarchés, mais aussi la PAC (Politique agricole commune) et la chasse. Des sujets complexes et sujets à tension. « J’essaie aussi de réfléchir aux autres propositions. Et là, c’est très intéressant intellectuellement ». La convention citoyenne n’est pas une démarche qui suscite l’adhésion dans son entourage ; ce serait donc pour lui une réussite si une dizaine de propositions sont réellement portées et ont une conséquence directe pour les habitant.e.s d’Occitanie dans leur vie de tous les jours ». 

« Je ne me suis jamais autant senti citoyen.

Arnaud

36 ans, quincailler indépendant

Arnaud est quincailler indépendant pour les professionnels. Il habite avec sa femme, infirmière et ses deux enfants, dans un village près de Rodez dans l’Aveyron. A 36 ans, il a toujours vécu en Occitanie et hormis les considérations logistiques à gérer par rapport à sa charge de travail et à la garde de ses enfants, il n’a pas hésité une seule seconde à s’engager dans la démarche : « j’y ai vu l’occasion de me réinvestir. Alors que plus jeune je faisais partie d’un conseil municipal pour enfants, je me suis progressivement éloigné de la politique ». Arnaud avait aussi pas mal d’idées à défendre : la transition énergétique, les problèmes de garde d’enfants quand on a des horaires décalés et les déserts médicaux.

De nature expressive, il a échangé, débattu, évolué sur certains sujets comme le recyclage et a noué des liens amicaux avec des personnes inattendues pour lui. « Alors que j’avais des idées reçues à l’encontre des professeurs à la retraite, je bois des coups tous les soirs avec eux ! Des barrières sont tombées » s’amuse Arnaud. Le mandat confié aux citoyen.ne.s par la Région est à son avis un peu vague et entraîne quelques confusions mais la convention citoyenne est, à ses yeux, déjà une réussite : « il y a ici 100 personnes qui ne se sont jamais autant senties citoyennes et concernées. L’autre réussite sera s’il ressort de nos idées une application qui contribue au bien-être du plus grand nombre ». 

« J’ai été enrichie par les idées des autres.

Eva

55 ans, agente immobilière

Eva, 55 ans, vit dans un petit village de l’Ariège. Elle exerce la profession d’agente immobilière et se lance depuis peu dans la création de sa propre entreprise. Elle vient « des îles », du Vanuatu  plus précisément où son père était régisseur de la prison et sa mère secrétaire administrative. La famille est arrivée en métropole en 1979 quand ce petit Etat d’Océanie est devenu indépendant. Concernant son application dans la convention citoyenne Occitanie, elle s’est « immédiatement sentie concernée. De par mon métier, je suis confrontée aux problèmes de logement et les gens réclament aujourd’hui un bon environnement ». Eva est aussi venue à la convention nourrie par son expérience de vie, et avec des objectifs très clairs : un environnement plus favorable aux personnes âgées, parler d’éducation et de scolarité mais aussi de sujets touchant l’alimentation et la vie saine en générale. 

« J’ai pu m’exprimer mais j’ai été enrichie par les idées des autres. D’une manière générale, il y a du partage et du respect et toutes les idées sont bonnes à prendre ». Elle a trouvé certains exercices fastidieux mais au final, elle a apprécié être « poussée dans ses retranchements ». Par la suite, Eva se voit comme une « ambassadrice » de la convention « j’ai la chance de défendre des idées pour tous, il me tarde de rencontrer les élu.e.s de mon village ». Ce qu’elle redoute ? Que la votation citoyenne ne mobilise pas les habitant.e.s d’Occitanie. Son souhait ? Que la moitié des propositions des citoyen.ne.s de la convention soient appliquées par la Région. 

« J’essaie de parler au nom de tous et pas que de moi.

Ahmed

47 ans, auto-entrepreneur

Ahmed est un « nouvel » arrivant en Occitanie. Originaire de banlieue parisienne, il est descendu il y a 3 ans dans le sud avec femme et enfants – 4 – en répondant à l’annonce suivante « école cherche enfants ». Atterrissage donc en Lozère. En été, Ahmed est primeur sur les marchés, dans les villages vacances et les campings. Le reste de l’année, il propose des couscous, tajines et pâtisseries orientales à domicile. A 47 ans, il considère que « c’est une chance de fou » d’avoir été tiré au sort avec en ligne mire une volonté de rencontrer les agent.e.s de la Région et sa présidente Carole Delga. Ses attentes ? Témoigner de la complexité de se déplacer et d’implanter des commerces en zone rurale. Ahmed s’est fait le relai des habitant.e.s de son village de 200 habitants « si vous avez quelque chose à dire, faites le moi savoir ; j’essaie de parler au nom de tous et pas que de moi ». Il a beaucoup apprécié les propositions « on est dans le réel » et les liens qui se créent entre les participant.e.s.

Après la 1re session, Ahmed a tenu au courant de sa participation le maire de sa commune, très réceptif à la démarche. Actif et particulièrement concerné par la vie locale, Ahmed résume sa conception de la politique à « celui qui reste dans son coin n’arrive jamais à rien ». La convention est, pour lui, déjà une réussite, la prise en compte et la réalisation de certaines propositions par la Région constitueront la cerise sur le gâteau.

« Fière de dire ‘j’y ai participé’.

Lydie

43 ans, auto-entpreneure

A 43 ans, Lydie se qualifie de « paysanne », c’est-à-dire une enfant du Gers, son pays. Sans emploi après des ennuis de santé, elle créé depuis 7 ans des objets de décoration qu’elle vendait, jusqu’à l’épisode Covid-19, sur les marchés. Issue d’une famille d’agriculteurs, elle vit dans un village de campagne avec son compagnon et ses  3 enfants. C’est encouragée par son entourage qu’elle s’est rendue à la convention citoyenne. Un choix qu’elle ne regrette pas, bien au contraire « avant, j’étais timide, introvertie. J’ai franchi des barrières qui me semblaient auparavant infranchissables comme parler devant un groupe, à des journalistes et dans un micro ! ».

Pour elle, la convention sera une réussite si certaines propositions sont retenues et appliquées « je serai fière de dire ‘j’y ai participé’ ». Après la 1ère session, Lydie a expliqué la démarche, le tirage au sort et certaines de ses propositions à des habitant.e.s de son village « j’ai ressenti de l’intérêt pour les mêmes sujets de préoccupation ». En véritable porte-parole, elle encourage ses concitoyen.ne.s à participer à la votation citoyenne organisée à partir de 16 octobre. Peu intéressée par la chose politique, Lydie n’avait jamais imaginé s’impliquer autant « je vais m’inscrire sur la liste électorale de mon village. Avec la convention, toutes les portes se sont ouvertes ».

« Ici, je comprends le point de vue des gens.

Llona

21 ans, en formation

Llona habite Nîmes. Après un bac littéraire et un CAP hôtellerie, Llona change de voie et suit désormais une formation de décoratrice d’intérieur. A 21 ans, cette fille d’un père commerçant et d’une mère appartenant aux gens du voyage, se sent décalée par rapport à ses ami.e.s qui ne semble pas avoir les mêmes inquiétudes sur l’avenir, l’environnement et l’écologie. Quand elle a reçu l’appel pour participer à la convention citoyenne, elle a donc immédiatement dit oui. Pas par mimétisme avec la Convention citoyenne pour le climat dont elle n’avait pas entendue parler mais parce qu’elle y a vu « une opportunité pour s’exprimer ».

« Ce que j’aime dans ce processus, c’est qu’on demande aux gens ce qu’ils veulent et qu’on arrête de penser à leur place ». Surprise par les points de convergences avec des participant.e.s pourtant très éloigné.e.s d’elle et son quotidien, Llona ne voit « que du positif » dans cette confrontation bienveillante : « on n’est peut-être pas d’accord sur tout mais c’est ça qui est enrichissant. Ce qui est sûr, c’est qu’on a tous exprimé la même envie de changement ». 

« Ce sera positif si les conventions citoyennes perdurent et se multiplient.

Colette

66 ans, enseignante à la retraite

Colette habite l’Ariège et sa montagne depuis toujours. A 66 ans, cette enseignante à la retraite, spécialisée dans les enfants en difficultés, sportive, joueuse de saxophone et bénévole à la Croix-Rouge a repris des études et obtenu un master en aménagement du territoire. Enthousiaste à l’idée d’avoir été tirée au sort, cette ancienne militante de l’éducation populaire à la Ligue de l’enseignement n’a pas hésité à participer à la Convention citoyenne de sa région avec pour objectif de départ de « défendre la juste place des associations ainsi que celle des élu.e.s du territoire ».

Après la première session, elle est un peu réservée sur le contenu des propositions : « on a joué les bons élèves. En lisant la liste des premières propositions (230 !), je trouve qu’on n’a pas eu l’occasion d’exprimer ce qu’on avait au plus profond, et beaucoup de propositions me semblent déjà avoir été réalisées ou en cours. J’attends de voir la suite ». En revanche, Colette juge la démarche innovante et souligne le mérite de la Région d’organiser la rencontre de ces citoyen.ne.s venus d’univers très différents et d’ancrer les réflexions dans le quotidien des habitant.e.s : « Chapeau d’arriver à ce que tous ces échanges se déroulent dans un tel esprit de convivialité, avec aussi peu d’accrochages et beaucoup de bienveillance. C’est très fort et je peux dire que j’ai progressé dans l’écoute des autres ». Pour Colette, la démarche sera un succès, si des conventions ou consultations « perdurent et se multiplient ». A suivre.

« La convention sera une réussite si 20% de nos propositions sont effectives d’ici 1 ou 2 ans.

Francis

70 ans, gendarme à la retraite

Francis, 70 ans, est un ancien gendarme. Il habite un petit village du Gers où il distille de l’armagnac. Comme beaucoup de citoyen.ne.s tiré.e.s au sort pour participer à la Convention citoyenne Occitanie, Francis a tout d’abord cru à un canular. Vérification auprès de la Région, petit délai de réflexion et puis c’est oui. La Convention citoyenne pour le climat ? « C’est rien du tout ! » affirme Francis, pour qui « le climat n’est pas l’affaire des êtres humains, c’est une question de cycle». Très sceptique sur le climat certes, mais ni sur le tirage au sort qu’il juge « juste » ni sur le principe de la convention « utile » à ses yeux  « puisqu’on n’est pas là pour voter pour une personne ». L’échelle régionale prend tout son sens et c’est cette proximité avec le quotidien des Occitan.ne.s qui rend Francis optimiste sur le processus. Après une première journée dense en informations et interventions (mais pas assez pédagogiques à son goût), les participant.e.s ont commencé à rentrer dans le dur des propositions.

La co-construction semble avoir été une révélation pour Francis, très enthousiaste après avoir débattu avec ses camarades de table. « Ce que j’apprécie particulièrement, c’est qu’on aboutit toujours à une solution valable. On cherche le consensus ». Quant à la votation citoyenne qui débute le 12 octobre, Francis espère que les habitantes et habitants d’Occitanie seront nombreux.ses à voter sur les propositions issues de la Convention. Lui s’en fera le relai, c’est certain. 

“Je sens que je peux apporter ma pierre à l’édifice.

Nacera

24 ans, chargée d’affaires
professionnelles en banque

Nacera travaille dans la banque à Nîmes. Elle est chargée d’affaires professionnelles. A 24 ans, elle se dit chanceuse d’avoir été tirée au sort. Oui, elle a fait le parallèle avec la Convention citoyenne pour le climat sans véritablement appréhender la démarche. Ce qui la motive ? Aborder des sujets qui touchent « aux besoins primaires » : se loger, se nourrir, consommer. « Je me suis dit : moi aussi, je peux apporter ma pierre à l’édifice ». Pour l’instant, la convention citoyenne Occitanie tient ses promesses, c’est-à-dire « écouter sans orienter », une des craintes de Nacera. Ses préoccupations principales sont l’emploi pour les jeunes diplômés, l’éducation et logement et aussi tout ce qui a trait au « bien-vivre » : manger bio et local, la mobilité douce…

A l’écoute, Nacera aime dialoguer avec des personnes dont elle ne partage pas les points de vue. « Je me sens impliquée. Au début, je comprenais mal les objectifs et comment corréler toutes ces thématiques avec le Green new deal. Maintenant, c’est clair » grâce entre autres au speed-dating organisé avec les agent.e.s de la Région pour mieux comprendre ses champs de compétences. Nacera se dit enthousiaste à l’idée de proposer des pistes concrètes aux habitant.e.s d’Occitanie, appelés à voter sur les propositions de la convention mi-octobre.  

« Les propositions de la Convention citoyenne ne doivent pas rester au stade d’utopie.

John

30 ans, commercial dans la
rénovation de l’habitat

John a 30 ans et vient d’un village dans le Gard, près de Nîmes. Depuis 5 ans, il exerce la profession de commercial dans la rénovation de l’habitat, une entreprise familiale créée dans les années 60 par son père. Avec sa femme, ils proposent également des chambres d’hôtes si bien que John s’intéresse autant aux sujets touchant l’écologie et la transition énergétique qu’aux enjeux du tourisme. Lors de la première session, John a apprécié plancher « sur des choses plus grandes que nous » et confronter ses idées avec des personnes « qu’il n’aurait pas eu l’occasion de côtoyer ». Une richesse qui lui permet « d’évoluer ». « J’essaie de m’intéresser à d’autres sujets et j’en profite pour me cultiver : j’ai même décidé de lire Nietzsche ! ».

Ce qu’il souhaite, c’est que cette convention régionale ne fasse pas polémique contrairement à la Convention citoyenne pour le climat réduite à « 3 propositions et puis, plus rien ». Les propositions ne sont pas encore assez précises. A l’issue des trois sessions, John souhaiterait que la convention citoyenne Occitanie aboutisse à des propositions concrètes « bien ficelées qui intègrent le projet, la solution et les moyens de la Région ». A ses yeux, la votation citoyenne permettra aux habitant.e.s du territoire de dégager des priorités. Pour que toutes ces propositions ne restent pas au stade de « l’utopie ».  

“Ça me redonne du baume au cœur de ressentir cette cohésion.

Lucille

26 ans, comédienne

Lucille est une comédienne de 26 ans originaire de Toulouse. Elle cumule plusieurs emplois, prof de théâtre et ouvreuse, pour pouvoir vivre de sa passion. Comme beaucoup de participant.e.s tiré.e.s au sort, elle a d’abord cru à une blague mais a néanmoins très vite accepté « j’ai la sensation qu’on a toutes et tous un rôle citoyen à jouer dans la région ». Défendre la culture, mieux expliquer ses contours et ses enjeux au-delà des questions de patrimoine, voilà ce qu’avait en tête Lucille avant la première session de la convention citoyenne. « Malgré nos métiers différents, on a tous des revendications communes : assurer le bien-être des citoyen.ne.s et prendre soin de notre lieu de vie et de notre planète. Alors que je me sentais très seule après le confinement, ressentir cette cohésion m’a redonné du baume au cœur ».

La rencontre avec les agent.e.s de la région l’a un peu déçue car trop axée sur l’existant, celle avec les acteur.trice.s du territoire en revanche a été une expérience « assez forte » par l’étendue des projets et la « radicalité » de certaines initiatives. Ses attentes ? Que les mesures travaillées par les 100 citoyen.ne.s soient entendues et appliquées. Lucille se qualifie peut-être de « grande pessimiste » mais, avec cette convention, « on peut aspirer à un changement global ».  

L’article Convention citoyenne Occitanie : portraits de citoyen.ne.s est apparu en premier sur Missions Publiques.

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