Le débat citoyen sur la protection sociale initié par APF France handicap vient de s’achever. Cette aventure, qui a rassemblé 34 adhérent-e-s de l’association et 24 citoyen-ne-s tous tiré-e-s au sort, s’est clôturée par une journée de restitution de l’avis au musée des Arts Forains à Paris. C’est la première fois que les citoyens se voyaient en vrai et rencontraient les facilitateurs des débats, à la fois des professionnels mais aussi des membres de l’association formés pour l’occasion. Présents le jour J, Aude, responsable du développement associatif ; Pascal, directeur territorial des actions associatives (Essonne, Seine et Marne et Val de Marne) et Claudine, cheffe de projet Ressources, ont répondu à nos questions.
Missions Publiques. Que retenez-vous de cette démarche ?
Aude. L’hybridation entre citoyens lambdas et adhérents de l’association est super intéressante et importante pour nous. Avec cette démarche, salariés, adhérents et élus de l’APF ont pu s’approprier un apprentissage complet sur le rôle de facilitateur, notamment sur sa neutralité en animation. Il faut dire que ce n’est pas forcément simple quand on est justement une association militante. Mais nous avons été épaulés par l’expertise de Missions Publiques. Ce débat citoyen était important pour nous car l’objectif était de démontrer que notre association pouvait porter et organiser de la participation citoyenne sur des sujets plus larges que sur le handicap.
Pascal. Comme beaucoup, je suis un peu déçu que tout se soit passé en distanciel car cela affaiblit la possibilité d’avoir des temps de convivialité et de cohésion, de constitution d’un groupe. Cela étant, j’ai trouvé que c’était plutôt très bien animé y compris les alternances entre les plénières et les ateliers qui ont vraiment permis d’avancer et de construire l’avis final. Je suis plus dubitatif sur les apports extérieurs. Même si ce n’est pas l’avis de tous, je n’ai pas eu l’impression que ça nourrissait énormément les échanges. Au fur et à mesure de ces derniers, une image m’est venue : ce débat citoyen a fonctionné comme une imprimante 3D, c’est-à-dire qu’à chaque séance des couches de contributions se rajoutaient sur d’anciens points. J’ai bien envie que l’on s’inspire de ce type d’animation, de production collective, pour moderniser la manière dont on anime notre réseau militant.
Claudine. Je trouve que c’est une super initiative de notre association qui affiche une volonté d’expression démocratique forte en y associant la société civile. Cela a permis la création d’excellents moments de partages entre les personnes concernées par le handicap et les personnes qui ne le sont pas. Souvent, les gens ne se sentent pas concernés par cette situation et leur méconnaissance traduit des moments gênants comme le fait de ne pas oser se rapprocher de certaines personnes en situation de handicap. Localement, ça me donne envie d’appréhender de nouvelles initiatives : ne pas mettre que des personnes en situation de handicap dans la boucle mais élargir à des citoyens hors milieu. Grâce à cette démarche, j’ai beaucoup appris même si je ne suis pas encore experte de la facilitation.
La démarche s’inscrit aussi dans la volonté de l’association de renforcer son travail sur la participation citoyenne : comment permettre à des personnes en situation de handicap de participer aux orientations de l’association ? Comment participer au plaidoyer et aux actions de plaidoyer ? En ce sens, le débat citoyen a constitué une étape supplémentaire dans la réflexion en ouvrant le débat aux personnes non adhérentes.
« En matière d’inclusion, il n’y a rien de tel. Je pense que les participants de la société civile ont pris conscience que ce n’est pas parce qu’on rencontre des difficultés à s’exprimer (problème d’élocutions notamment…) que l’on n’a rien à dire.
Claudine
Cheffe de projet Ressources d'APF France Handicap
Missions Publiques. La démarche d’APF France handicap s’inscrit dans la volonté de l’association de renforcer son action de plaidoyer et de nourrir ses orientations. Pour vous, qu’à permis ce débat citoyen ?
Pascal. Une démarche participative comme celle-ci permet de proposer une forme de débat bienveillante donnant la parole à tout le monde. C’est cette liberté d’expression qui a permis à des avis minoritaires, parfois agressifs et extrémistes, de se faire une place importante au début des échanges. Mais le travail collectif des participants amène chacun d’entre-nous à revoir nos positions. Petit à petit, ces mêmes avis ont été marginalisés et les auteurs ont pu atténuer leurs propos.
Claudine. En matière d’inclusion, il n’y a rien de tel. Surtout lorsqu’on ouvre la participation au grand public. Dans notre cas, je pense que les participants de la société civile ont pris conscience que ce n’est pas parce qu’on rencontre des difficultés à s’exprimer (problème d’élocutions notamment…) que l’on n’a rien à dire. Il faut être à l’écoute de ceux qui n’osent pas prendre la parole.
Pour que ces objectifs soient atteints, je pense qu’il est important de se faire aider par des professionnels de la participation et de l’inclusion.
« Le travail est solide et bien construit, je sens que c’est compris, je sais que je vais le diffuser autour de moi.
Pascal
Directeur territorial des actions associatives
Missions Publiques. Que retenez-vous de l’avis citoyen final ?
Aude. En ce qui concerne les résultats, nous avons là une très belle synthèse de ce qu’on a pu entendre. Voir la réaction des personnes qui ont représenté ces contributions est bluffant.
A voir désormais ce que cela va donner avec les politiques : sont-ils capables de s’en saisir ? Pour le moment, ce sujet n’est pas une très grande réussite. Néanmoins, grâce à ce débat citoyen, nous montrons que nous avons la capacité de faire le lien entre les citoyens et les hommes/femmes politiques (ou personnes qui influent sur les politiques publiques).
Pascal. Le travail est solide et bien construit, je sens que c’est compris, je sais que je vais le diffuser autour de moi. Cependant, l’effet sur les candidats, je n’y crois pas du tout. Quand on voit les anciennes démarches plus importantes qui n’ont rien données… La période actuelle de campagne présidentielle est propice aux fausses promesses.
Claudine. Je suis très satisfaite du résultat mais pas sûre que nous soyons vraiment entendus. Il faut que tous les membres d’APF France handicap bousculent l’ensemble des acteurs politiques qu’ils connaissent et pas que le Président de la République. Il y a les départements, les mairies, les députés, les agglomérations, etc. Il faut continuer le combat.
Et elle entend bien utiliser la plateforme pour porter sa voix au sujet des violences envers les femmes… En 2019, le Conseil de sécurité de l’ONU avait adopté, par 13 voix et 2 abstentions (Russie et Chine), une résolution pour combattre le viol comme arme de guerre, mais en la vidant de sa substance. Sa résolution aujourd’hui : faire reconnaître par l’UE le viol comme arme de guerre. Son arrivée à Dublin, en Irlande, pour cette dernière session des Panels Citoyens est un souffle d’air pour « parler la langue que je chante, mais que je ne parle jamais ! ».