"Le temps des frontières est fini !"

Le dialogue citoyen franco-allemand sur le renforcement de la coopération transfrontalière dans le contexte du COVID-19 est une initiative de Missions Publiques qui vise à rassembler lors de sessions de travail des citoyen.ne.s de chaque côté de la frontière. Leur mission : aider à rendre les modalités de coopération plus résilientes aux crises. Le projet est soutenu par le Fonds Citoyen franco-allemand.
Nous avons rencontré 4 participant.e.s au Dialogue, qui témoignent de leur première expérience de participation citoyenne.
« Certains me disent que l’Allemagne leur fait peur, cette attitude doit changer ! Le temps des frontières est fini !

Lucas

20 ans, gestionnaire de maintenance
en systèmes informatiques

Lucas, 20 ans, est gestionnaire de maintenance en systèmes informatiques. Cet étudiant qui prépare son Bac+2 en alternance travaille à 15 minutes de la frontière allemande à Folschviller, à l’est du département de la Moselle. Il a déjà été amené à travailler avec des collaborateur.trice.s en provenance de l’autre côté du Rhin, sans pour autant maitriser l’allemand et sans que ses collaborateurs allemands ne parlent un mot de français, ni d’anglais.

Quand il a vu passer l’annonce pour le Dialogue franco-allemand sur la coopération transfrontalière sur les réseaux sociaux, il compare son inscription à une démarche réalisée par un membre de sa famille :

  • S’inscrire sur le site de la Nasa pour rejoindre l’équipe de découverte de Mars :

« On n’en attend pas grand-chose en retour, mais on n’a rien à perdre, autant tenter ! »

En tant que transfrontalier, il distingue quatre leviers pour améliorer la coopération entre les deux pays frontières :

  • Lever la barrière de la langue. Trop souvent, les gens sont retissant ou ont tout simplement peur de parler la langue de l’autre. Ils ne sont pas toujours ouverts aux tentatives, certes peu fructueuses, mais réelles de communiquer dans une langue que l’on ne maitrise pas.

« À l’école, on doit apprendre aux jeunes que l’apprentissage de l’allemand est une bonne chose », et qu’une vraie coopération passe par la compréhension de l’autre. « J’ai trop souvent entendu ‘L’Allemagne me fait peur’, cela doit changer! »

  • Développer la présence policière côté français qui n’est pas la même que côté allemand. Pourquoi ne pas accentuer, comme cela se fait déjà, les patrouilles franco-allemandes. « Les Allemands ont cette réputation de la rigueur que n’ont pas toujours les Français. »
  • Mettre un terme à la taxation des cartes de crédit étrangères en Allemagne, car pour lui « le temps des frontières est fini ! Il est possible de retirer de l’argent sans frais partout en Europe, alors pourquoi pas en Allemagne ? »
  • Développer encore davantage le réseau de transport en commun (bus, train, tram, etc…) entre la France et l’Allemagne afin d’améliorer la coopération entre les deux pays.
« En déménageant dans le Grand Est, je me suis dit que participer à un dialogue citoyen avec des habitant.e.s outre-Rhin ne serait que bénéfique pour voir ensemble comment mieux exploiter ce voisinage.

Geneviève

65 ans, technicienne d'étude clinique
à la retraite

Geneviève, 65 ans, est à la retraite depuis 2ans. Originaire de Nancy, elle a travaillé dans le milieu de la santé à Paris pendant des années avant de rentrer chez elle dans le Grand Est. 

En déménageant « la frontière se rapproche nettement ». Elle s’est donc dit que participer à un dialogue citoyen avec des habitant.e.s outre-Rhin ne serait que bénéfique pour voir ensemble comment mieux exploiter ce voisinage.

Pour elle, deux priorités s’imposent :  

  • En tant que technicienne d’étude clinique, elle a été étonnée de l’interaction transfrontalière en tant de Covid-19. Cette collaboration devrait être institutionalisée au-delà de
    la crise COVID-19 selon elle, qui pointe du doigt des inégalités en matière de soins des deux côtés du Rhin. Dans son entourage, des ami.e.s à elle ont souvent été amené.e.s à traverser la frontière pour se faire soigner dans des hôpitaux allemands, car les
    services spécialisés étaient moins développés en France pour certaines maladies comme celle de Lyme par exemple, délaissée par le corps médical français.
  • Hors période de Covid-19, Geneviève est une férue de spectacles. L’idée d’aller « de l’autre côté », et d’assister à un spectacle allemand lui donne le sourire, mais aucun transport ne dessert la périphérie de Nancy avec les villes allemandes. « S’il y avait les transports qu’il fallait, je n’hésiterais pas ! » Elle suggère donc une meilleure stratégie partenariale autour de la culture transfrontalière et de l’aménagement des transports.

Mais Geneviève ne compte pas s’arrêter au Dialogue citoyen pour développer la coopération transfrontalière ! Dès que les choses retournent à la normale, elle prévoit d’aller s’inscrire au comité de jumelage de sa ville pour avoir des discussions concrètes et ainsi promouvoir des relations sur le plan médical et culturel.

« Les citoyens ne connaissent pas la coopération transfrontalière, alors que cette coopération existe depuis des décennies. »

Olga

34 ans, comptable dans une société
de gestion immobilière

Olga a 34 ans et a étudié le commerce et l’administration. Aujourd’hui, elle travaille en tant que comptable dans une société de gestion immobilière en Allemagne. Elle se dit « toujours prête à apprendre quelque chose de nouveau, ouverte d’esprit, polie, amicale, positive et déterminée. » Quand nous lui demandons si elle est Allemande, elle nous répond fièrement « non, je suis une citoyenne de l’Union européenne ! ».

Pour Olga, le dialogue citoyen a été un moteur d’informations qui laisse dans l’ombre les habitant.e.s de la région n’ayant pas pu participer.

« Les citoyens ne connaissent pas la coopération transfrontalière, alors que cette coopération existe depuis des décennies. »

Selon elle, cette initiative délibérative est un moyen non seulement utile mais nécessaire pour saisir les implications qu’une telle coopération peut avoir à l’échelle locale.

Quand on lui demande comment susciter davantage l’intérêt de ses voisin-e-s pour l’engagement politique et social autour de sa région, elle nous renvoie à la réponse d’un autre participant de la session :

« En fait, il y a suffisamment d’informations, il suffit d’être intéressé.e. Mais je pense que l’on pourrait susciter encore plus d’intérêt et de participation active en faisant une publicité plus active pour ces process délibératifs pour qu’ils soient connus et reconnus par tout.es »

« Le dialogue citoyen est un bon signe global d’une prise de conscience européenne par-delà les frontières nationales

Johannes

26 ans, étudiant en
sciences politiques

Johannes a 26 ans et s’intéresse de près aux sciences politiques : il prépare actuellement un master en « Démocratie et gouvernance européenne » à l’université de Tübingen en Allemagne.

Pendant ses années de licence, Johannes étudie les différents formats de participation citoyenne sans jamais pouvoir passer de la théorie à la pratique. Le Dialogue citoyen est arrivé pour lui au bon moment, pour avoir une première expérience tangible de ce qu’il étudie depuis des années.

« Les dialogues transfrontaliers permettent de déouvrir des perspectives totalement nouvelles, notamment la façon dont notre propre pays est perçu par les autres ».

Mais Johannes vit la coopération transfrontalière autrement que professionnelle : « Je la vis aussi personnellement à travers ma relation avec une Française : tous les jours, je vois à quel point il peut devenir soudain compliqué de se rendre à nouveau visite ou de pouvoir rester dans l’autre pays pendant une période plus longue. A l’avenir, j’espère que les décisions et les actions bilatérales et internationales seront coordonnées de manière encore plus intensive. » Sa crainte ? La montée du nationalisme : « Le Covid-19 m’a montré que les gens retombent très vite dans des schémas de pensée nationaux. J’ai peur que ce soit de plus en plus le cas à l’avenir, surtout en cas de crise. » C’est la première fois qu’il « revivait activement les frontières intérieures de l’Europe ».

A cet égard, il considère le Dialogue Citoyen comme un « bon signe global d’une prise de conscience européenne par-delà les frontières nationales ».

Ce qui lui a particulièrement plu dans ce Dialogue citoyen a été la méthodologie employée et la familiarité installée entre participants : « A la fin de la première session, nous avons eu l’occasion de fixer librement nos propres priorités pour la session suivante et d’exprimer nos souhaits quant aux expert.e.s que nous aimerions entendre. Je trouve cela très inspirant comme méthode, et je me fais la réflexion à toutes les réunions. Une familiarité mutuelle s’est rapidement développée avec des personnes que vous ne connaissiez pas auparavant et que vous n’avez rencontrées qu’en ligne. De même, lors de conversations dans mon environnement personnel, je constate sans cesse à quel point ce format est apprécié. J’espère donc qu’un conseil des citoyen.ne.s franco-allemand aura également lieu à intervalles réguliers à l’avenir. »

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