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We, the Internet 2022, le Burkina Faso ouvre le bal

We, the Internet, ce sont des citoyennes et des citoyens qui délibèrent pour aider les décideurs à mieux appréhender le monde numérique de demain. En 2020, 80 pays avaient répondu à l’appel de Missions Publiques pour participer à un dialogue citoyen mondial sur les thématiques de désinformation, de la protection des données, de l’identité numérique et de la gouvernance d’Internet. Cette année, ce sera un dialogue citoyen autour du Pacte Numérique Mondial, un accord lancé par les Nations Unies entre gouvernements, entreprises, citoyens et autres parties prenantes, pour relever les défis en matière de droits humains en ligne, de connectivité et d’accès à Internet…

En mai, Internet Society Burkina Faso et leurs partenaires en collaboration avec Missions Publiques, ont organisé le tout premier dialogue pilote à Ouagadougou, capitale du pays. 200 citoyennes et citoyens ont répondu présent, nous avons rencontré trois d’entre eux…

Hadjar (24 ans) : « Beaucoup de gens ne savaient pas qu’il y avait eu un coup d’Etat à cause des coupures d’Internet »

Ce qui lui plaît à Hadjar, c’est de concevoir et créer des affiches pour des mariages, des cartons d’invitation, des posters d’événements. Et quand elle ne passe pas son temps libre à concevoir, imprimer et afficher ses créations sur « la place du marché », elle étudie les sciences de l’information appliquées à l’Université de Ouagadougou.

Elle a failli ne pas participer au dialogue citoyen We, the Internet. « Le dialogue lui-même aurait pu ne pas avoir lieu à cause d’une pluie torrentielle le matin même, parfois les pluies durent des jours et balaient tout sur leur passage. Les autorités nous déconseillent de sortir dans ce cas-là, mais j’avais envie de faire partie de ce débat. Donc j’ai bravé la tempête pour venir ! »

Ce qu’elle avait à partager ? Son expérience des coupures d’Internet pendant ses études ou pendant le coup d’Etat de janvier dernier (1).

« Après le coup d’Etat, on ne savait pas qui avait pris le pouvoir jusqu’à ce qu’ils fassent des communiqués quelques jours plus tard parce qu’il y avait une panne d’Internet. Une partie de la population ne savait même pas qu’il y avait eu un coup d’Etat, on était dans l’ombre. C’est pour ça que c’est important d’avoir un accès stable à Internet. »

Les coupures d’Internet, « ça peut arriver aussi pendant les cours« . Et quand ça arrive, chacun rentre chez soi. Mais beaucoup, comme elle, n’ont pas les moyens de suivre des cours en ligne. Au Burkina Faso, un abonnement à Internet par ADSL coûte environ 85 €, pour un salaire annuel par habitant d’environ 750 €, soit 60 € par mois. Si l’accès à Internet est devenu une quasi-norme dans la capitale, le coût de la connexion reste élevé pour que chacun puisse en bénéficier. « Et encore, quand on quitte Ouaga’ ou quand on va en périphérie, la connexion est bien plus difficile. »

Le vrai débat, pour elle, était de savoir quelle devrait être la priorité numéro 1 du Pacte numérique mondial lancé par le secrétaire général des Nations Unies. A sa table, « certains disaient que l’accès était primordial quand d’autres répondaient que si les données ne sont pas sécurisées, à quoi sert un accès libre ? Ils n’avaient pas tout à fait tort, car avant d’élargir Internet, il faut avoir la garantie que nos données sont confidentielles, sinon ça n’en vaut pas la peine. »

Fofana (40 ans) : « Un éveil des consciences des jeunes adolescents pour une meilleure utilisation des réseaux sociaux »

Directeur de systèmes d’informations de l’Office national de la sécurité routière à Ouagadougou (Burkina Faso), Fofana est aussi enseignant vacataire dans le supérieur. C’est à la fin d’un cours que l’un de ses étudiants l’informe d’un dialogue citoyen ayant lieu à Ouagadougou sur l’avenir d’Internet.

« Ce dialogue contribuera sans nul doute à l’éveil des consciences des jeunes pour une utilisation plus responsable des réseaux sociaux. Quels sont les bons usages à avoir avec Facebook et WhatsApp ? Quelles sont les sanctions existantes ? Les jeunes qui étaient présents posaient tellement de questions que l’on a débordé de plusieurs dizaines de minutes le temps qui nous avait été imparti. C’est rare et précieux de voir cet engouement chez des adolescents et jeunes adultes« . Cet engouement, il l’explique par une vaste campagne de sensibilisation burkinabée qui arrive à point nommé quelques jours avant le dialogue sur la confidentialité et l’intégrité, sur les informations que l’on altère et que l’on fait passer, sur le parcours numérique pour s’assurer de la fiabilité d’une source.

« Les jeunes pensent que tout est permis avec leur smartphone ! Je suis content de voir qu’ils sont sortis édifiés de cet échange parce qu’ils se sont rendus compte des usages dangereux qu’ils avaient l’habitude d’avoir avec WhatsApp particulièrement. »

Le pays, comme une trentaine d’autres sur le continent africain, dispose actuellement d’une loi sur la protection des données. Cette loi a été longuement discutée avec les participants, et la mise en application de la loi a fait l’objet de débats. « Moi qui suis enseignant, j’ai appris les plus récentes dispositions de la loi intitulée Protection des personnes à l’égard du traitement des données à caractère personnel, que je vais aussi pouvoir partager avec mes élèves. »

Quand Missions Publiques lui demande une photo pour illustrer ce portrait, Fofana nous répond avec ironie « Ma photo ? c’est une donnée à caractère personnel, mais je vous donne… mon consentement…  » Un dialogue instructif qui lui fait conclure que « Malgré le Ramadan et le Carême, on n’a pas senti le temps passer !« 

Sagnon (33 ans) : « Ce dialogue m’a rappelé l’arbre à palabres »

Sagnon a mis sa vie au service de la protection des jeunes sur les médias sociaux. Son rôle dans le dialogue citoyen ? Faciliter un groupe de 15 participants. Un défi qu’il relève pour la première fois « parce que quand vous dialoguez avec quelqu’un, vous faites du grand chemin. Et ce dialogue a été un moyen de faire bouger les idées, une belle lumière ! Le besoin était énorme.  » Fin connaisseur des réseaux sociaux et familier de la jeune génération burkinabée, Sagnon connaît les risques : « Les jeunes dévoilent des contenus sans savoir que ces mêmes contenus peuvent les rattraper au fur et à mesure qu’ils grandissent. »

Des témoignages jeunes qui sont d’autant plus nécessaires car l’enjeu de ce dialogue est pluriel : comprendre les besoins des citoyens par leur partage d’expériences, mais aussi informer et sensibiliser.

Aujourd’hui, « même ceux qui ne sont pas allés à l’école utilisent Internet, sans même connaître les lois. Les jeunes gens qui publient des photos sont innocents, souvent mineurs, ils ne savent pas que quand ils s’ouvrent au monde, ils s’exposent aussi à ses périls. Je pense que les jeunes qui ont participé au dialogue, les plus vulnérables, réfléchiront à deux fois avant de publier des photos sur Internet. » Il se félicite de la présence des parents, parce que « le parent n’est pas sensibilisé et peut se retrouver devant un enfant renfermé sur lui-même, renié de ses camarades et qui peut compromettre son éducation et son avenir« .

« Ce dialogue m’a rappelé l’arbre à palabres, avec la disposition des chaises. Chez nous, surtout en Afrique de l’Ouest, quand on a un problème qui nous tient à cœur, on trouve un arbre quelque part qui fait de l’ombre, on s’installe sous son feuillage et on discute ! »

Devant les vidéos (2) présentées au début de la session, Sagnon a été surpris de voir « que nous ne sommes pas les seuls à faire face à ces risques, ni à les faire savoir autour de nous. Ce n’est pas que dans nos pays en voie de développement, c’est une problématique planétaire. Internet c’est tout le monde, du petit commerçant au fonctionnaire ».

Pour devenir partenaire et rejoindre la coalition d’acteurs avec les Nations Unies, la World Wide Web Foundation entre autres, ou pour toute autre question sur le sujet, merci d’envoyer un mail à antoine.vergne@missionspubliques.com et maria.tazi@missionspubliques.com

(1) Trouvez l’ensemble des vidéos montrées aux participants sur notre chaîne Youtube We, the Internet de Missions Publiques.
(2) Le coup d’État de 2022 au Burkina Faso, qui commence le 23 janvier 2022 par une mutinerie de soldats, est une prise de pouvoir par des militaires qui renversent le président Roch Marc Christian Kaboré et le poussent à la démission. Source : Le Monde.fr
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