"L'Europe doit faire un pas vers ses citoyen-ne-s"

Marie Caillaud est présidente des Jeunes Européens-France, la section française des Jeunes Européens fédéralistes (1) dont l’objectif est de rassembler celles et ceux désireux d’agir en faveur de la construction européenne. La Conférence sur l’avenir de l’Europe est, selon elle, une opportunité pour mobiliser plus largement les jeunes autour des enjeux démocratiques.

Missions Publiques. A l’heure où les débats sont très polarisés, souvent caricaturaux et où l’Europe semble de moins en moins faire rêver, quels sont les leviers sur lesquels vous vous appuyez pour organiser un débat apaisé ?

Marie Caillaud. Je suis assez en désaccord avec l’une des affirmations de la question : l’Europe telle qu’on la connait aujourd’hui traverse une crise mais ce n’est pas pour autant qu’elle nous fait moins rêver. Au contraire, elle nous oblige à nous questionner sur l’Europe que l’on souhaite. Ce n’est pas parce qu’on remet en cause le fonctionnement actuel de l’Europe qu’on remet en cause le projet européen. Simplement, il faut que l’on se questionne sur ce qui nous convient à nous Européens, si le projet démocratique est suffisant et s’il fonctionne bien. Aujourd’hui, pour nous, la réponse est non. Pour nous, la marge d’amélioration est grande, pour ce faire il faut qu’ensemble, nous mettions en place des mécanismes pour que l’Europe soit plus démocratique. Surtout, on doit réfléchir à un moyen de remettre les citoyen-ne-s au cœur de l’Europe.

Si son modèle ne fait pas rêver, le projet européen en tant que tel se présente comme l’une des solutions pour construire un avenir meilleur, et c’est bien normal au vu des crises que l’on traverse. En revanche, il est vrai que les débats restent polarisés même si l’on constate une certaine évolution dans le débat européen. Il y a quelques années, on était pour ou contre l’Europe, aujourd’hui, c’est moins le cas. L’option d’une sortie sur le modèle du Brexit par exemple n’est pas quelque chose en France qui fait consensus. On se questionne davantage sur le modèle que l’on souhaite pour une Europe des nations ou une Europe plus intégrée. Le vrai débat est là. Quel est le modèle que l’on souhaite ? Quel est le projet que l’on veut pour l’Europe ? L’Europe souffre parfois de débats caricaturaux « c’est la faute à Bruxelles » ou du phénomène de fake news. Pour un débat apaisé, on doit lutter contre ces fausses informations en démêlant le vrai du faux. L’association Jeunes Européens organise des interventions pédagogiques auprès d’un public jeune, pour que chacun puisse se faire son avis, posséder les clés de lecture et devenir un-e citoyen-ne actif-ve sur ces questions.

Nous souhaitons toucher tous les citoyen-ne-s jeunes : pas uniquement celles et ceux qui sont déjà dans la bulle européenne. Nous avons un programme pédagogique qui s’appelle Europe par les jeunes, qui vise à sensibiliser à la citoyenneté européenne et à montrer, comment l’Europe est présente dans le quotidien du citoyen. Ces interventions permettent de mettre en place des débats et des prises de position éclairées. Ce sera notre enjeu pendant la Conférence sur l’Avenir de l’Europe : donner la capacité au citoyen de se forger sa propre opinion.

« L’Europe telle qu’on la connait aujourd’hui traverse une crise mais ce n’est pas pour autant qu’elle nous fait moins rêver. Au contraire, elle nous oblige à nous questionner sur l’Europe que l’on souhaite.

Marie Caillaud

Présidente des Jeunes Européens-France

Missions Publiques. Quelles propositions portez-vous chez les Jeunes Européens ?

Marie Caillaud. Nous portons des propositions qui visent à remettre au cœur du dispositif européen. Nous, Jeunes Européens, nous avons trois grandes propositions : nous voulons que les citoyen-ne-s disposent d’un pouvoir législatif, que le Parlement européen dispose du droit de convoquer un jury de citoyens représentatifs et consultatifs tirés au sort pour favoriser la démocratie participative. En plus d’évaluer et de débattre des politiques publiques et d’associer les citoyen-ne-s aux prises de décision, cela permettrait aux citoyen-ne-s de prendre conscience aussi du processus décisionnel européen Aujourd’hui, c’est encore très flou pour la majorité des Français-e-s. Troisième enjeu : l’européanisation des partis politiques nationaux pour qu’il y ait une meilleure lisibilité de leur affiliation par rapport aux partis européens. On aurait ainsi une intégration de la dimension européenne au sein des partis politiques.

« Nous, Jeunes Européens, nous avons trois grandes propositions : nous voulons que les citoyen-ne-s disposent d’un pouvoir législatif, que le Parlement européen dispose du droit de convoquer un jury de citoyens représentatifs et consultatifs tirés au sort pour favoriser la démocratie participative. (…) Troisième enjeu : l’européanisation des partis politiques nationaux pour qu’il y ait une meilleure lisibilité de leur affiliation par rapport aux partis européens.

Missions Publiques. Vous avez été élue présidente des Jeunes européens (en septembre 2019) à 24 ans. Comment toucher vous les jeunes ? Comment les mobilisez-vous autour de questions qui souvent sont perçues comme étant loin de leur quotidien ?

Marie Caillaud. Depuis un an, les défis sont de plus en plus nombreux. Ils sont à la fois économiques, politiques, sécuritaires, environnementaux, migratoires. Au niveau européen, nous portons deux principaux défis qui correspondent aussi à une sensibilité d’une génération. Il s’agit des enjeux environnementaux et démocratiques. Personnellement, je suis convaincue que la première chose à faire, c’est rendre cette Union européenne un peu plus « sexy ». Aujourd’hui, quand on parle de l’Europe, on se sent obligé d’avoir des débats techniques, idéologiques et très portés sur le droit de l’Union européenne, ce qui exclut de facto des gens qui n’y connaissent rien. L’Europe doit faire un pas vers ses citoyens en faisant un effort de communication et de pédagogie, et en traitant des sujets qui intéressent des jeunes éloignés des questions européennes. Si les jeunes se sentent plus concernés, alors ils porteront plus d’intérêt à la question européenne.

Concrètement, nous choisissons toujours des thématiques qui parlent au public, en adaptant les questions. Nous intervenons par exemple dans des collèges de quartiers prioritaires. Il est évident que nous n’allons pas commencer par expliquer le triangle institutionnel de l’Union européenne. En revanche, si nous abordons la thématique du football en expliquant le rapport entre le football et l’Union européenne, nous captons leur attention et nous pouvons entamer les discussions. Par cette analogie, ils comprennent que la Cour de Justice des Communautés européennes a permis une révolution dans le milieu du football en autorisant à de nombreuses équipes, anglaises notamment, à dépasser le quota de trois joueurs de nationalités européennes différentes.

Missions Publiques. La Conférence sur l’avenir de l’Europe qui offre une palette de modalités de participation (plateforme numérique, Panels citoyens européens, assemblée plénière, événements locaux et nationaux). Quelles sont les conditions de réussite de ce processus ?

Marie Caillaud. A partir de la consultation en ligne et des délibérations, la Conférence doit amener à des changements. Si demain, les citoyen-ne-s s’entendent sur une révision des traités, alors il faudra respecter cet avis citoyen. Il faut également tirer les leçons de la Convention citoyenne pour le climat, dont le processus a été une réussite sur bien des points mais dont l’impact final a été décevant pour la jeune génération. C’est aussi à nous, Jeunes Européens, de faire un effort pour les mobiliser.

La traduction immédiate dans toutes les langues des propositions qui sont déposées sur la plateforme, est très intéressante car cela permet aussi à des jeunes qui n’ont pas l’opportunité de discuter avec l’ensemble des Européen-ne-s des 27 pays. Cet effort de traduction instantanée est important pour que les jeunes se sentent acteur-trice-s du processus. Le risque selon moi, c’est que les pro-européens ne se mobilisent pas et laissent le terrain aux europhobes. Mais j’ai envie de croire qu’il s’agit là d’un véritable exercice démocratique.

Pour aller plus loin :
(1) Les jeunes européens fédéraliste est une association qui regroupe les adhérent-e-s de moins de 35 ans du Mouvement européen.
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