Missions Publiques : Pourquoi organiser un dialogue sur la coopération transfrontalière franco-allemande ?
Timo Peters : Nous voulons aborder avec les participant-e-s les leçons que la région allemande et l’amitié franco-allemande peuvent tirer de la pandémie de Covid-19 en matière de coopération et de cohésion. « Comment vivez-vous actuellement votre quotidien dans la région frontalière ? Et comment la région devrait-elle se développer selon vous ? » sont les questions auxquelles ils et elles doivent répondre lors de 4 sessions virtuelles. C’est l’occasion pour les citoyens et citoyennes d’apprendre à connaître leurs voisins, d’exprimer leurs craintes et espoirs qui seront entendues dans le processus politique. Je pense que cela peut renforcer aussi le fait que les gens des deux côtés se rencontrent, même virtuellement, et apprennent beaucoup de choses sur leur culture et leurs personnalités respectives. A la frontière, la coopération entre Allemand.e.s et Français.e.s est cruciale, voire même vitale dans bien des cas.
Muriel Temme : Plus on intègre d’acteur-trice-s dans un processus de réflexion, plus on travaille de manière coconstruite, plus les résultats sont riches. Les citoyen-ne-s sont écouté-e-s et se sentent légitimes. C’est aussi une opportunité de s’informer et de s’engager en politique, ce qui est primordial pour un bon fonctionnement démocratique. Pour les acteurs politiques, administratifs et privés, ces dialogues servent à vérifier si les politiques sont efficaces et si elles atteignent leurs objectifs grâce à l’expertise d’usage des citoyens. Cela leur permet de savoir comment les faire évoluer. Organiser ce type de dialogue au niveau transfrontalier aide à faire rencontrer des citoyens des deux côtés de la frontière qui ne se fréquenteraient pas dans la vie de tous les jours. Il est important de renforcer la participation citoyenne à l’échelle transfrontalière, car il s’agit d’un bassin de vie partagé et donc les citoyens doivent avoir leur mot à dire sur le développement de ce territoire et contribuer à rendre les politiques des deux côtés du Rhin plus cohérentes. Les dialogues participent également à la prise de conscience du fonctionnement de la coopération transfrontalière qui est encore très méconnu, même chez les frontaliers.
"Une consultation n’est pas suffisante, il faut que les citoyen-ne-s puissent co-dessiner les politiques et devenir acteur-trice-s du changement.
Photo : D.R./Strasbourg Écologiste et Citoyenne
Muriel Temme
Chargée de mission coopération transfrontalière à la Région Grand Est
Missions Publiques : Comment imaginez-vous la coopération transfrontalière et la participation citoyenne dans les années à venir ?
Muriel Temme : Je pense qu’il est essentiel que la Région Grand Est implique les citoyens de manière de plus en plus systématique dans ses politiques. Les outils développés tels que « Ma Région Demain » ont vocation à évoluer et le travail du Conseil régional des jeunes peut encore mieux être pris en compte dans l’élaboration de stratégies. Quatre sujets qui me semblent fondamentaux pour l’avenir : le changement climatique (mobilité, énergie, biodiversité, adaptation, etc.), la tolérance et le vivre-ensemble, l’amélioration de la participation citoyenne et le marché du travail et la formation.
Timo Peters : Depuis dix ans, le Bade-Wurtemberg met l’accent sur le dialogue public. Depuis lors, nous impliquons également les citoyen-ne-s sur les questions transfrontalières. Comme Muriel vient de le mentionner, je pense que l’ensemble des questions peut être discuté avec les citoyen-ne-s. Je crois que nos dialogues transfrontaliers deviendront un élément central de la coopération transnationale.
Muriel Temme : J’ai l’impression que le sujet de la participation citoyenne est en plein essor actuellement. De multiples démarches et projets voient le jour. A l’avenir, il sera important de ne pas seulement proposer des évènements ponctuels de participation citoyenne, mais d’aller vers une co-construction des politiques, c’est-à-dire d’associer les citoyen-ne-s le plus en amont possible des projets politiques. Une consultation n’est pas suffisante, il faut que les citoyen-ne-s puissent co-dessiner les politiques et devenir acteur-trice-s du changement. Pour cette réelle prise en compte de la parole citoyenne, il y a encore un long chemin à parcourir, mais j’ai de l’espoir.
Timo Peters : Je suis optimiste, je dirais que le projet d’institutionnaliser les process délibératifs au sein des grandes instances de décision, qu’elles soient en France ou en Allemagne, est déjà en ordre de marche. Que ce soit avec la Convention citoyenne pour le climat en France ou le Dialogue sur l’avenir de l’Allemagne dans le monde, les politiques publiques ont montré leur appétit pour plus de process délibératifs, et ce n’est que le début. J’espère que dans 30 ans, nous aurons une participation citoyenne institutionnalisée.
* Quatre dialogues entre les deux régions sont prévus. Le premier s’est tenu en décembre 2020. Missions Publiques et Particip’Action en sont les animateurs. Les résultats seront publiés à la fin de la démarche.