Comment écouter ce qu’on n’entend pas ?

Les sujets abordés lors des processus délibératifs ont souvent un impact sur la vie des non humains et ceux qui ne sont pas présents, dont les voix sont par conséquent ignorées. Dans le domaine des innovations démocratiques, on s’y intéresse de plus en plus. A Missions Publiques, nous proposons un élément transformateur pour les assemblées citoyennes : des dialogues avec les générations futures et les systèmes vivants non humains.

Le réseau KNOCA (Knowledge Network on Climate Assemblies) a organisé un atelier(1) sur l’écoute des « sans voix », des « inaudibles » lors des assemblées climatiques. Praticiens et universitaires(2) y ont partagé leurs inspirations et leurs expériences en expérimentant des méthodes visant à améliorer la capacité des processus délibératifs à prendre en compte les générations futures et la nature non humaine.  Voici notre contribution au sujet(3).

L’expérience de Missions Publiques à travers 25 ans d’assemblées citoyennes locales et transnationales révèle une dure réalité. Malgré la diversité des origines socioculturelles des participants, les mêmes questions et le même cadrage produisent des réponses et des propositions similaires sur le climat. Alors que se passe-t-il si on change le cadrage ? Nous proposons ici un élément transformateur pour les assemblées de citoyens : des dialogues avec les générations futures et les systèmes vivants non humains. Nous avons expérimenté différentes manières d’intégrer ces processus dans la délibération démocratique, et nous continuons à les tester et à les améliorer.

 

Elargir le champ de réflexion, décentrer l’ici et maintenant

Ces efforts ne prétendent pas parler au nom ou représenter ces entités. Notre objectif est d’élargir le champ de réflexion des membres de l’assemblée : en décentrant l’ici et maintenant, les participants introduisent de nouveaux arguments et de nouvelles priorités. Cela aide les membres à clarifier les questions vertigineuses : qu’est-ce que nous valorisons vraiment ? Quoi et pourquoi sommes-nous prêts à changer, à abandonner, à créer, pour notre avenir collectif ?

Nous avons également été inspirés par la sagesse Haudenosaunee de Seventh Generation Insight. Nous réfléchissons à l’impact de nos décisions sur la vie de la septième génération à venir, qui aura 30 ans dans 210 ans. Nous invitons les membres de l’assemblée à entrer dans un dialogue non fictif avec des humains fictifs de cette génération future. Nous encourageons les participants à formuler des questions qui les touchent profondément en relation avec le sujet de l’assemblée. Nous les guidons ensuite vers une conversation virtuelle avec un couple de futurs êtres humains. Après cette conversation, ils reviennent au présent et apportent leurs messages clés dans la délibération. Il s’agit d’une visualisation guidée, qui dure au moins une heure, idéalement plus.

 

Considérer la nature, reconnaître son caractère individuel

La nature n’est pas un paysage ou une ressource. La flore et la faune ne sont pas de simples objets ou prestataires de services écosystémiques. La reconnaissance du caractère individuel de la nature a modifié les décisions des tribunaux et les constitutions. Pourquoi ne devrait-elle pas inspirer des changements dans nos démocraties et influencer les politiques publiques ? Notre expérience nous a montré qu’en trouvant de nouveaux liens et liens émotionnels avec le système vivant dans une assemblée citoyenne, de nouveaux arguments et visions sont générés.

Une approche que nous avons testée consiste à inviter les participants à se connecter visuellement à un lieu naturel qu’ils apprécient et à entamer une conversation. En prenant 30 minutes pour un tel moment, les membres reviennent avec de nouvelles idées, et une vision différente des critères de justice, dont la justice pour le système vivant.

Nous avons également expérimenté le jeu de rôle : des cartes personnages représentant des entités non humaines sont utilisées pour diversifier les points de vue. Nous l’avons utilisé dans la conception d’une assemblée en France sur la gestion de l’eau, et cela a fourni une vision renouvelée des conflits dans les programmes de gestion de l’eau.

Les citoyens sont prêts. Les décideurs sont-ils suffisamment ouverts pour introduire ces nouvelles perspectives dans leur leadership ? L’expérimentation est le meilleur moyen de développer la prochaine génération d’Assemblées citoyennes !

Yves Mathieu et Judith Ferrando, Missions Publiques

Dans sa version originale sur Déliberative Democracu Digest


(1) Voir la vidéo de l’événement : https://www.youtube.com/watch?v=FV88SnGT9VQ
(2) Parmi les contributeurs : Martina Francesca et Sara Bigi (La Prossima Cultura) et Tatsuyoshi Saijo (Université des sciences avancées de Kyoto)
(3) Voir l’intégralité du texte dans sa version originale en anglais sur Déliberative Democracu Digest

 

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