Archives des Recherche - Missions Publiques https://missionspubliques.org/tag/recherche/ Wed, 06 Jul 2022 07:56:23 +0000 fr-FR hourly 1 https://missionspubliques.org/wp-content/uploads/2020/02/favicons.png Archives des Recherche - Missions Publiques https://missionspubliques.org/tag/recherche/ 32 32 Guide pour questionner la diversité dans l’élaboration d’un panel citoyen https://missionspubliques.org/guide-pour-questionner-la-diversite-dans-lelaboration-dun-panel-citoyen/ Thu, 09 Jun 2022 08:16:14 +0000 https://missionspubliques.org/?p=6919 L’article Guide pour questionner la diversité dans l’élaboration d’un panel citoyen est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
On entend souvent parler de la diversité sans vraiment prendre le temps de la définir, ni de décrypter ce qui se cache derrière. C’est ce que nous vous proposons dans ce dépliant.
Ce guide propose une photographie de la notion de diversité. Il retrace les limite du tirage au sort par quotas et ouvre le regard sur d’autres pratiques dans notre quête de diversité.

Ce guide n’a pas pour vocation de vous donner la recette miracle de la diversité mais bien de vous amener à vous questionner en amont sur la définition des critères de diversité dans le recrutement des citoyen.ne.s. L’expérience de Missions Publiques a permis d’enrichir la réflexion.

L’article Guide pour questionner la diversité dans l’élaboration d’un panel citoyen est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
« Combiner un sujet émergent et des publics oubliés » https://missionspubliques.org/combiner-un-sujet-emergent-et-des-publics-oublies/ Mon, 30 May 2022 10:17:41 +0000 https://missionspubliques.org/?p=6900 L’article « Combiner un sujet émergent et des publics oubliés » est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
L’article « Combiner un sujet émergent et des publics oubliés » est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Concertations citoyennes et cabinets privés : et si on se posait les bonnes questions ? https://missionspubliques.org/concertations-citoyennes-et-cabinets-prives-et-si-on-se-posait-les-bonnes-questions/ Mon, 11 Apr 2022 10:22:09 +0000 https://missionspubliques.org/?p=6543 L’article Concertations citoyennes et cabinets privés : et si on se posait les bonnes questions ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
L’article Concertations citoyennes et cabinets privés : et si on se posait les bonnes questions ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Réalité virtuelle, un levier pour l’inclusion et la sobriété ? https://missionspubliques.org/realite-virtuelle-un-levier-pour-linclusion-et-la-sobriete/ Wed, 08 Dec 2021 17:56:33 +0000 https://missionspubliques.org/?p=5475 L’article Réalité virtuelle, un levier pour l’inclusion et la sobriété ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
L’article Réalité virtuelle, un levier pour l’inclusion et la sobriété ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
La réalité virtuelle et le metaverse vont-ils faire leur entrée dans les démarches participatives ? https://missionspubliques.org/la-realite-virtuelle-et-le-metaverse-vont-ils-faire-leur-entree-dans-les-demarches-participatives/ Fri, 29 Oct 2021 14:31:31 +0000 https://missionspubliques.org/?p=4790 L’article La réalité virtuelle et le metaverse vont-ils faire leur entrée dans les démarches participatives ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Le champ d’application de la réalité virtuelle s’élargit. Initialement conçue par et pour le monde des jeux vidéo, la réalité virtuelle et le metaverse (1) ne cessent d’attirer les acteurs professionnels de la culture, de l’éducation et même des transports. Quand et comment la réalité virtuelle va-t-elle gagner le monde de la participation citoyenne ? Peut-elle permettre de dépasser les limites des plateformes de dialogues en ligne actuellement utilisées ? Nous lançons une recherche-action sur ces évolutions technologiques avec l’Université de l’Etat d’Arizona et la Fondation Elyx.

Depuis le début de la crise Covid, nous nous sommes habitués aux dialogues citoyens en ligne tout en nous confrontant à leurs limites : les problèmes techniques, l’interaction réduite, les niveaux de concentration et d’énergie qui s’épuisent rapidement, le peu de place aux émotions et à la communication non verbale, qui implicitement nous relient.

Quels sont les compromis entre la délibération physique, en ligne et virtuelle ? Nous sommes là confrontés à un important dilemme moral et éthique sur les engagements envers des principes et valeurs clés tels que la responsabilité démocratique, la transparence, l’équité et la justice. C’est tout l’objet de cette recherche-action que nous menons avec le center for Sciences, Policy and Outcomes de l’Université d’Etat d’Arizona, et la Fondation Elyx. A ce stade, nous entrevoyons des pistes intéressantes pour la participation citoyenne. En voici cinq.

#1 Une expérience immersive et vivante  

Lors d’un dialogue citoyen européen sur les enjeux de la présence européenne dans l’espace, nous avons proposé une séquence qui s’appelait « l’espace, on vous y emmène ». C’était une puissante séquence, co-créée par notre réalisateur Lord Wilmore avec notre collègue Patrice Levallois, dans laquelle Claudie Haigneré, première spationaute française, racontait son expérience.

La même séquence en réalité virtuelle aurait permis aux participants non plus de voir les images racontées par Claudie Haigneré, mais de vivre ces images par l’immersion tout en étant accompagnés par la voix de la spationaute comme regarder par le hublot d’une navette spatiale, survolez les continents, voir la terre qui défile. La réalité virtuelle, et ses 3D, permet en effet de vivre une expérience plutôt que d’en être simplement spectateur.

"Ensemble, nous pouvons réfléchir aux enjeux, aux limites, aux démarches à mener pour qu’une assemblée citoyenne en réalité virtuelle soit inclusive (…) et qu’un haut niveau de qualité du dialogue soit préservé.

Crédit photo : Julien Cregut

Yves Mathieu

Fondateur et co-directeur
de Missions Publiques

#2 Des enjeux mieux compris dans une réalité simulée et vécue

Lorsqu’il est question d’aménagements ou de grands projets à mettre en débat, les outils d’information utilisés sont souvent des plans, des infographies, quelques images, un récit. Avec la réalité virtuelle, il sera possible de visiter et d’expérimenter le projet avant sa création.

Henriette Cornet, aujourd’hui responsable du programme mobilité autonome à l’Union Internationale des Transports Publics, a participé, avec Tumcreate, le laboratoire de Singapour où elle œuvrait à l’époque, à un dialogue citoyen international que nous avons organisé en 2018 et 2019 dans 26 villes du monde. Tumcreate a développé plusieurs plateformes de réalité virtuelles pour simuler le déploiement de la mobilité autonome à Singapour. Avec les casques 3-D, les participants ont physiquement levé le pied quand ils passaient de la voirie à un trottoir, ils ont vu les véhicules autonomes s’approcher d’eux, comme dans une rue réelle, et ont pu conseiller les éclairages, les sons les plus appropriés pour eux, et faire part de leurs réactions émotionnelles.

#3 Un changement de perspective qui développe l’empathie et fait changer les regards

Dans le même ordre d’idée, la réalité virtuelle, dans sa capacité de proposer une expérience, peut servir la sensibilisation en permettant à des individus de prendre la place de personnes souffrant de situation particulière (exemples : LABYRINTH PSYCHOTICAun projet de réalité virtuelle pour sensibiliser à la schizophrénie ou encore la prochaine campagne de sensibilisation, CHAOS par l’agence E&H LAB). Cette approche peut également servir à comprendre ce qu’est un camp de réfugiés, une trajectoire de migration…

En proposant un changement de perspective, on augmente la capacité des participants à mieux comprendre les situations d’autrui, prendre conscience de leurs difficultés, changer les regards, déconstruire les préjugés.

#4 Des assemblées mondiales et multilingues

Rien ne remplace les réunions en présentiel. Oui ! Mais … lorsque 200 personnes se rencontrent pendant trois jours et parlent 24 langues différentes, elles doivent de fait être accompagnées par une équipe d’interprétation à peu près équivalente. L’outillage technologique des Panels Citoyens organisés dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe est une horlogerie précise, et près d’une vingtaine d’assistants techniques sont aux côtés des interprètes et des citoyens. Toutes les assemblées mondiales ne pourront pas se permettre cet accompagnement.

On peut évidemment réduire la dispersion des langues, et inviter des citoyens de plusieurs pays parlant 4 ou 5 langues communes. C’est faisable, mais ça réduit l’inclusivité de ces processus.

Dans les applications les plus récentes de la réalité virtuelle, il est aujourd’hui possible que deux humains ne parlant pas la même langue se rencontrent par l’intermédiaire de leurs avatars, et puissent lire dans leur langue, ce que dit l’autre, dans des bulles de BD. C’est une interprétation automatique, et donc imprécise. Nous sommes également conscients que si la personne ne peut pas lire, elle n’aura pas accès à la traduction des propos de son interlocuteur.

L’évolution de ces technologies va sans doute simplifier encore les interfaces.

#5 Des lieux participatifs entièrement virtuels

Déjà, Elyx a son musée expérientiel, avec des œuvres géniales, un parcours, un bar, une terrasse.  Bientôt, nous allons expérimenter en réalité virtuelle un espace de réunion plénière, avec des salles de travail adaptée et imaginé pour un dialogue citoyen : le lieu de la permadémocratie imaginé par l’atelier Luc Schuiten avec l’équipe de Missions Publiques sera expérimenté en réalité virtuelle.

La réalité virtuelle connait depuis trois ans une évolution soutenue des technologies et applications disponibles. Aujourd’hui, plus besoin de casque avec câbles reliés à un ordinateur puissant pour avoir accès à la réalité virtuelle : une connexion wifi suffit – l’investissement est de l’ordre de 300 euros. C’est une réduction des coûts non négligeables par rapport aux démarches où l’on fait se déplacer des citoyennes et des citoyennes de pays différents.

(1) Le metaverse (contraction de meta et universe en anglais), métavers en français est un monde virtuel fictif. Ici, il désigne une expérience dans un environnement virtuel en trois dimensions, où il est possible d’évoluer à travers un avatar ou un hologramme. 

L’article La réalité virtuelle et le metaverse vont-ils faire leur entrée dans les démarches participatives ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Et si on s’intéressait à la dimension horizontale de la délibération ? https://missionspubliques.org/et-si-on-sinteressait-a-la-dimension-horizontale-de-la-deliberation/ Thu, 08 Jul 2021 07:52:50 +0000 https://missionspubliques.org/?p=4341 L’article Et si on s’intéressait à la dimension horizontale de la délibération ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Les dispositifs participatifs suscitent une certaine forme d’engouement aussi bien à l’échelle très locale qu’à l’échelle européenne (1). En France, collectivités, agglomérations et métropoles initient par exemple des « conventions citoyennes ». On ne peut que s’en réjouir. Mais pour éviter de faire porter aux démarches délibératives le poids des promesses intenables – et provoquer des déceptions chez les citoyen-ne-s comme chez les commanditaires – nous nous devons collectivement d’être attentif à la dimension horizontale de la délibération.

La promesse première des dispositifs délibératifs est de permettre de créer une opinion collective éclairée, sur un sujet de controverse ou de forte incertitude, dans un contexte où les décideur-euse-s et les expert-e-s souffrent tous deux de défiance ou a minima de remise en question dans leur capacité à décider pour l’intérêt général. L’intention initiale dans ces dispositifs issus des sciences sociales est de faire la preuve que des citoyens ordinaires (entendez ni professionnel ni spécialiste d’un sujet), plongés dans des circonstances particulières peuvent aboutir à un jugement collectif argumenté, tenant en quelque sorte à distance les intérêts existants tout en en ayant conscience. Et que cette opinion publique éclairée, distincte à la fois des intérêts des parties prenantes, et de l’opinion spontanée habituellement recueillie dans nos sociétés « sondocratiques », est un matériau précieux pour nourrir la décision et le débat public.

La discussion, moment clé de la démocratie

La formation de cette opinion publique éclairée se fait par l’exercice de la délibération démocratique.  La délibération, dans son acception générale, c’est discuter avec d’autres personnes sur une décision à prendre, ou encore réfléchir en soi-même sur la meilleure décision à prendre en ayant pesé le pour et le contre, tout bien considéré. Pour les penseurs de la délibération démocratique, le moment clé de la démocratie n’est pas le choix final (élection, vote d’une loi) mais la discussion, c’est à dire la discussion des choix collectifs, au sein des parlements et plus largement avec les citoyen-ne-s, la manière dont les choix sont faits, plutôt que le résultat. Ce serait d’ailleurs ce processus de délibération qui serait la base de la légitimité de la politique. Ces penseurs (notamment Habermas, Gutman, Thompson) font la promotion d’un dialogue politique basé sur la reconnaissance mutuelle et l’échange d’arguments rationnels. Comprenez bien que cette délibération démocratique se fait rarement dans nos expériences sociales ordinaires où nous ne nous astreignons pas à suspendre notre jugement et à nous nourrir des différents points de vue avant de formuler le nôtre. Il est au contraire bien connu que nous entretenons notre pré carré mental en nous dirigeant vers les sources d’information partageant les mêmes valeurs et opinions. Et ce encore plus dans une époque marquée par l’instantanéité de l’information.

Selon les praticien-ne-s (les théoricien-ne-s) de la délibération démocratique, des procédures doivent être imaginées pour créer les conditions d’une situation idéale où la recherche du bien commun se fait à travers des procédures d’argumentation et de raisonnement entre citoyen-ne-s égaux-ales. Trois notions centrales permettent d’appréhender la délibération démocratique : l’inclusion (tout citoyen-ne doit avoir accès ces lieux), la délibération (fondée sur l’exposition à des points de vue opposés mis en discussion de manière ouverte, libre et raisonnée, afin de former une opinion publique éclairée et consciente), et la citoyenneté active (et non pas passive et restreinte comme c’est souvent le cas quand elle se résume à un simple vote, voire à l’abstention). C’est pourquoi, les praticien-ne-s de la démocratie délibérative ont inventé des dispositifs délibératifs qui créent artificiellement les conditions, les circonstances nécessaires à la délibération : le tirage au sort pour une égalité principielle d’accès au dispositif, le temps, l’apport d’information pluraliste, le temps de discussion et de dispute entre les citoyens pour s’accorder sur les plus hauts dénominateurs communs et pour acter leurs désaccords.

« Certaines expériences font la preuve d’une capacité des élu-e-s à infléchir leur action à partir des recommandations citoyennes.

Judith Ferrando y Puig

Missions Publiques
Co-directrice et associée

Cette promesse de création d’un avis collectif argumenté relevant d’une opinion publique éclairée a été tenue par la Convention citoyenne pour le climat. Que nous disent les citoyens-ne-s dans leurs 149 mesures ?  Que tout bien considéré la France doit faire plus vite et plus fort, que l’impératif climatique doit amener à reconsidérer les priorités de l’action publique, ne pas freiner devant l’obstacle mais accélérer et accompagner l’ensemble des Français-e-s dans cette transition. Ces résultats, une fois jetés dans l’arène politique classique ont créé un sentiment général de frustration et de déception : ce n’est pas tant le rabotage de certaines mesures que le sentiment collectif que l’action du gouvernement  n’intègre pas à la racine de toutes les politiques publiques un « reset » qui fasse système, et accepte de faire des ruptures nettes avec un système économique et d’organisation de la vie sociale qui a fait la preuve de son caractère non soutenable à long terme, car il utilise bien plus de ressources naturelles que la nature ne peut en renouveler…

D’autres expériences, notamment locales, font la preuve d’une capacité des élu-e-s à infléchir leur action à partir des recommandations citoyennes. C’est notamment le cas de Nantes Métropole qui rend ce 8 juillet public la réponse des élu-e-s métropolitains et communaux à l’avis rendu en mars dernier par les citoyen-ne-s réunis au sein de la Convention citoyenne « Vécus de crise et aspirations pour demain ». Cette réponse détaillée a été élaborée par plusieurs mois d’échanges en ateliers de travail entre services, entre élu-e-s métropolitains, entre élu-e-s communaux : les caps d’action publique à renforcer, les inflexions des politiques publiques, les chantiers à ouvrir suite aux interpellations par la Convention citoyenne nantaise.

La limite de tout attendre « du haut »

Au-delà de la promesse du « sans filtre », l’objectif de nourrir la décision se heurte à la capacité d’entendre du/de la décideur-euse. Quand bien même celui-ci rend compte de la manière dont il prend ou ne prend pas, il déçoit. Il déçoit par nature dans une société agonistique qui veut la peau du décideur. Une partie de la population ne juge pas tant la production des dispositifs délibératifs mais le-a commanditaire.

Or la mise en scène de la Convention citoyenne a mis en lumière cette relation verticale entre les 150 et le Président, mettant en relief le caractère hiérarchique du pouvoir, l’idée de l’homme providentiel qui seul répond à une fraction du peuple, les 150. C’est finalement une vision très élitiste du pouvoir qui sous couvert d’innovation démocratique est mis en avant par les médias, passant au second plan l’innovation démocratique majeure qui a été le travail collectif et à ciel ouvert de la loi avec le gouvernement et les parlementaires, avec les 150 citoyen-ne-s. A la place, nous assistons à un raidissement parodiant notre mythologie révolutionnaire (2) : les 150 ne voulant en rien revoir leurs mesures (mais au fond sont-elles toutes bonnes ?) et le Président répondant aux 150 comme si elles et ils représentaient les 66 millions, sorte de nouvelle Assemblée nationale. Notre imaginaire politique doit encore s’enrichir de nouvelles gammes pour donner à voir un dialogue constructif – c’est-à-dire où chacun-e est prêt-e à bouger – et non pas un moment de communication politique où le Président vient faire de la pédagogie de l’action publique et une leçon de realpolitik à des citoyen-ne-s qui atteignent la limite de leur « mandat ». La nécessité de sortir d’une illusion toute patriarcale d’un décideur unique, omnipotent, est grande, à l’heure où le pouvoir de faire advenir le changement dépend tout autant des acteur-trice-s économiques que des pouvoirs publics (sinon plus).

Mais au-delà de l’aspect médiatique, le plus grave est que l’exercice atteint une limite : il ne semble pas pouvoir, dans le court terme, changer le logiciel politique du décideur. Celui-ci ne peut pleinement intégrer les recommandations lorsque celles-ci ne sont pas compatibles avec son programme politique, celui pour lequel il a été élu.

Cette limite est celle à laquelle se heurtent, mezzo voce, de nombreux exercices délibératifs. Les jurys citoyens récents organisés dans le cadre des concertations nationales sur la réforme des retraites et sur le revenu universel d’activité ont par exemple, parmi leurs recommandations, émis des préconisations qui ne semblent pas solubles dans les visions du monde des décideur-euse-s (ou la commande politique qui leur est faite) : la reconnaissance comme activité utile à la société et comptabilisée dans la retraite des activités bénévoles et d’entraide, l’idée d’un revenu minimal sans condition, etc.

« Nos sociétés sont face à des choix de société voire de civilisation qui nécessitent de fortes ruptures, qui créent des fractures et des conflits. Or, les choix démocratiques ne peuvent progresser que par l’organisation collective des controverses, procédant de la ‘coopération amicalement hostile des citoyens de la communauté du savoir’.

Et si on s’intéressait à la dimension horizontale de la délibération ?

Alors demain comment faire des conventions citoyennes – ou tout autre exercice de démocratie délibérative – qui tiennent leurs promesses ?

Il serait temps de s’intéresser à l’autre jambe de la promesse initiale : « nourrir le débat public », c’est-à-dire à la dimension horizontale et non verticale de la promesse délibérative. Pourquoi ? Pour permettre au plus grand nombre de nos concitoyens de se saisir de sujets complexes et de faire entendre leurs voix sans nier celles des autres et pour recréer du dialogue là où il y a aujourd’hui une fragmentation sociale très forte. Cela ne tient pas uniquement au caractère public ou médiatique de l’exercice mais à une volonté d’en partager les fruits et les ressorts, de poursuivre la délibération avec d’autres, à d’autres échelles.

Ce serait une manière de valoriser (3) leur qualité dialogique et la capacité à créer de l’en-commun, car notre société en a plus que jamais besoin, dans une société fracturée où la défiance horizontale (ces micro-jalousies (4) d’autrui, ce sentiment que l’autre est plus privilégié que moi, entre pairs) s’étend en plus de la défiance verticale inhérente à tout rapport de pouvoir.

Plus que jamais on a besoin d’espace apaisé d’explorations des choix : pour paraphraser ce qu’écrivait Etienne Klein, lui-même citant Karl Popper sur les sciences (5), nos sociétés sont face à des choix de société voire de civilisation qui nécessitent de fortes ruptures, qui créent des fractures et des conflits. Or, les choix démocratiques ne peuvent progresser que par l’organisation collective des controverses, procédant de la « coopération amicalement hostile des citoyens de la communauté du savoir ».

Donner corps à cette exploration délibérative, cela implique de créer des configurations nécessaires pour partager les faits, faire parler les émotions et vécus, sans les prendre pour des généralités ni les balayer d’un revers de manche, reconnaitre les expériences de chacun et les considérer, trouver des terrains d’accord pour le bien commun, accepter des renoncements, déplacer son regard. C’est en faisant dialoguer les faits, leurs interprétations, et les ressentis, sans en prendre aucun pour vérité absolue que notre société peut grandir en sortant d’opposition manichéenne et simpliste.

Une éthique des praticien-ne-s

Cette ascèse doit aussi nourrir l’éthique des praticien-ne-s de la démocratie délibérative, afin que ceux-ci ne cèdent pas non plus à la démagogie qui viendrait placer sur un piédestal des citoyens tirés au sort dont la parole collective serait forcément valable voire davantage valide que celle des corps constitués englués dans des jeux de posture et des opinions cristallisés, refusant de faire un pas de côté.

Cette parole citoyenne ne vaut que :

  • Si elle prend le temps de la discussion longue, à huis clos, entre citoyens en allant au bout des points de désaccord et au plus loin de la mise au jour du consensus possible face à des transitions nécessitant des ruptures certaines ;
  • Si elle muscle la capacité d’une analyse critique des protagonistes avant de leur divulguer la masse d’information nécessaire ;
  • Si elle circule, si elle est réappropriée, comprise, remise en question par d’autres qui prennent le temps de se prêter à cet exercice délibératif, d’auto-analyse ;
  • Si elle cultive le doute et l’humilité tout en restant exigeante ;
  • Si elle permet de nourrir les stratégies, les actions, les discussions des acteur-trice-s organisé-e-s, de la société civile, des branches constituées de la démocratie représentative.

Cela veut dire ne pas fétichiser les 20, 50, 80 ou 150 citoyens qui ont la chance de participer à cet exercice mais s’interroger sur comment rendre cet exercice soluble et utile dans la société française.

C’est en multipliant les exercices qui créent les circonstances nécessaires, et non pas en momifiant une méthode. Au contraire, appelons à ce que la société organise des multiples espaces de délibération sur les sujets clés pour l’avenir de notre société (la laïcité, le rapport au vivant, etc.) dans des dispositifs ad hoc, à l’école, dans les bistros, dans les nombreuses instances consultatives existantes et qui peinent à exister.

(1) Lire notre article « la Conférence sur l’avenir de l’Europe : vers un projet européen renouvelé avec les citoyen-ne-s ? »
(2) Notons à ce sujet, l’emploi par les médias du terme de Conventionnels pour désigner les membres de la Convention Citoyenne pour le Climat, renvoyant ainsi au régime de la Convention, institué en 1792, en charge d’écrire la première constitution de la République et de décider du sort du roi.
(3) Au sens premier : faire prendre de la valeur à quelque chose, augmenter la valeur que l’on attribue à quelque chose.
(4) Voir à ce sujet : François Dubet, Le Monde.
(5) Les sciences progressent par l’organisation collective des controverses. (…) Elles procèdent de la « coopération amicalement hostile des citoyens de la communauté du savoir » (citation Karl Popper).

L’article Et si on s’intéressait à la dimension horizontale de la délibération ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
« A côté de la participation citoyenne, il y a l’implication » https://missionspubliques.org/a-cote-de-la-participation-citoyenne-il-y-a-limplication/ Tue, 11 May 2021 06:19:12 +0000 https://missionspubliques.org/?p=3629 L’article « A côté de la participation citoyenne, il y a l’implication » est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Paul Vermeylen est un urbaniste belge (1) et un spécialiste des villes européennes et des dispositifs citoyens. C’est à ce titre qu’il a accepté d’être membre du comité scientifique de notre projet la Fabrique participative pour l’avenir des villes intermédiaires. Il nous explique les enjeux de développement de la ville de demain, et dessine une ville sensible qui renoue avec les sens, la vie collective, la mémoire du temps et la nature.

Missions Publiques. Vous vous intéressez à la concertation avec une large focale sur l’ensemble de l’Europe. Comment est venue cette question de la concertation dans votre parcours ?

 Paul Vermeylen. J’ai débuté ma carrière en travaillant pendant 12 ans – au départ comme objecteur de consciences – pour l’association Inter-Environnement, une fédération qui rassemblait une centaine de comités de quartiers. A cette époque, Bruxelles est connue pour être une ville de contestation et de luttes urbaines. Ces comités, composés d’habitant-e-s, portaient toute une série de revendications dont la principale était de sortir l’urbanisme des couloirs clandestins, c’est-à-dire des salles de réunions auxquelles les habitant-e-s n’avaient pas accès. Notre principale victoire a été d’obliger les pouvoirs publics bruxellois à créer un processus (des enquêtes publiques et des commissions de concertation) qui permettent à chaque citoyen-ne d’exprimer son opinion. Encore aujourd’hui, plus d’un millier de dossiers passent par des enquêtes publiques à Bruxelles. Prenons un exemple récent et important : l’avenir du quartier européen autour du rond-point Schuman. Les projets dessinés par les administrations et de grands architectes prévoyaient la création de nouvelles tours d’immeubles et de bureaux. Or ce projet, qui a été très contesté via les enquêtes publiques, ne verra que très partiellement le jour devant la force des arguments des citoyens.

C’est dans ce contexte là que j’ai poursuivi ma carrière en rejoignant par la suite le secteur public en tant que directeur de cabinet adjoint du président de la région de Bruxelles. Je suis passé des brigands aux seigneurs si j’ose dire, mais avec les mêmes idées. Cette expérience m’a permis de conforter cette approche citoyenne, de m’appuyer sur des procédures plus ouvertes et impliquantes, permettant une participation tangible des citoyennes et des citoyens à la vie publique.

 

Missions Publiques. En quoi est-ce crucial pour vous d’inviter les citoyennes et les citoyens au tour de table pour penser la ville de demain ?

Paul Vermeylen. Nous basculons depuis deux ou trois décennies d’un urbanisme formaliste et fonctionnaliste (type Le Corbusier) à un urbanisme de co-construction. Nous quittons la ville basée sur la découpe en zones de bureaux, de logements, de loisirs entre lesquelles nous sommes obligés de circuler via des routes, des métros etc. au profit d’une autre approche de gouvernance. Une gouvernance qui n’est plus réservée à un cercle fermé de décideurs, technocrates ou investisseurs immobiliers, mais qui implique les citoyennes et les citoyens.

Ces citoyen-ne-s s’organisent suivant des cercles « concentriques ». Dans le premier cercle les citoyen-ne-s émettent un avis. Dans le deuxième cercle, ils formulent des aspirations, des envies. Et enfin le troisième cercle est celui de l’implication : c’est-à-dire qu’ils consacrent du temps, une partie de leurs loisirs, voire de leur vie professionnelle, à collaborer avec d’autres pour « faire la ville ». Et là, nous sommes dans le cœur du sujet du rôle des citoyen-ne-s pour agir sur la ville de demain.

C’est une façon de faire assez différente que celle menée en France. Je la vois plus en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne ou encore au Danemark qui sont des pays où il y a co-production et implication. A Amsterdam, la municipalité lance en moyenne 30 fois par an des appels à projets où l’on demande à des citoyen-ne-s de faire des propositions, concernant la zone portuaire par exemple. Pour cela, trois séances d’informations et d’échanges sont organisées : chaque citoyen, chaque groupe de citoyen présente son projet, vous discutez avec les autres et vous constituez des alliances entre projets semblables ou compatibles. Des médiateurs sont présents pour créer des liens et faciliter la cohérence des projets. Supposons que sur une friche, il y ait un projet d’école participative, le médiateur est là pour vous dire qu’il existe par ailleurs une proposition de logement intergénérationnel et qu’il pourrait être intéressant de grouper les deux projets. Les groupes se réunissent alors et élaborent un projet commun. Des réalisations de ce type existent également à Bruxelles depuis une dizaine d’années : des appels à projets appelés « Quartiers durables » qui impliquent des groupes d’au moins trois personnes et à qui l’on accorde entre 3 000 et 10 000 euros.

La participation est essentielle mais l’implication l’est tout autant à mon sens. Je trouve l’expression « participation citoyenne » un peu lacunaire. C’est pourquoi dans mon travail, je mets constamment en avant ces trois cercles : la réclamation, l’aspiration/participation et l’implication. Dans les pays de culture protestante, il y a une forte tradition de coopération. En Allemagne par exemple, 30% de l’énergie à usage domestique est produite par des coopératives citoyennes. Les circuits de distribution de bio sont essentiellement tenus par des coopératives. Et dans des villes comme Zurich, 20% du logement est de l’habitat coopératif. En Suède, ce sont 17% des logements qui sont de forme participative ! En France, des évolutions sont possibles et il existe quelques projets collaboratifs en matière d’habitat dans les Hauts-de-France, à Grenoble, à Besançon.

« Je trouve l’expression ‘participation citoyenne’ un peu lacunaire. C’est pourquoi dans mon travail, je mets constamment en avant ces trois cercles : la réclamation, l’aspiration/participation et l’implication.

Paul Vermeylen

Urbaniste et spécialiste des villes
européennes et des dispositifs citoyens

Missions Publiques. Lorsque vous étiez au du cabinet du Président de la région de Bruxelles, vous créez les « contrats de quartier ». De quoi s’agit-il ?

 Paul Vermeylen. Bruxelles est marquée par un cœur de ville qui, en dehors de la Grand-Place et du rond-point Schuman, ne cesse de s’appauvrir. Face à cette dualisation, nous devions créer de nouveaux dispositifs pour agir de manière transversale et intégrée. L’idée : agir pour revitaliser ces quartiers (entre 3000 et 6000 habitant-e-s). Un contrat de quartier est donc un contrat entre la région et la commune concernée (Bruxelles compte 19 arrondissements/municipalités). A la manière d’une poupée russe, ce contrat génère une contractualisation avec une série d’acteurs :  des commerçants, des écoles, des associations d’habitants, etc. Le programme d’action doit se réaliser en seulement quatre ans. Il touche plusieurs domaines : l’immobilier mais aussi l’amélioration ou l’embellissement de l’espace public et le socio-culturel/professionnel. L’enveloppe financière (20 millions d’euros) peut donc servir à aménager un rez-de-chaussée d’immeuble, à créer des missions locales en charge de l’insertion professionnelle, une association pour des femmes ou encore des dispositifs d’école des devoirs. Le programme doit être validé par un comité local. Ce comité, présidé par la municipalité, est constitué d’habitant-e-s, de commerçant-e-s et de représentant-e-s d’institutions de services. Ensemble, ils valident ce programme, et celui-ci ne peut être modifié pendant les quatre ans si et seulement si la commission en décide. Pourquoi seulement quatre ans ?  Parce que nous voulions donner un coup de fouet à des investissements qui avaient tendance à traîner. Cette révolution a été l’aspect le plus difficile à faire passer auprès des acteurs publics notamment. Ces contrats ont été un succès dès le lancement. Depuis 1993, nous comptabilisons une centaine de contrats de quartier à Bruxelles, qui je pense, ont contribué à apaiser les tensions sociales dans la ville.

 

Missions Publiques. Si vous deviez inventer une nouvelle forme de dispositif participatif, sur quoi mettriez-vous l’accent ?

 Paul Vermeylen. Depuis 5 ans, je préside un Think tank basé à Bruxelles « For Urban passion » au sein duquel gravitent des urbanistes du secteur public et privé mais aussi des sociologues, des investisseurs, etc. Notre réflexion se porte beaucoup sur « comment gouverner la ville autrement ? ». Notre dernier Forum avait pour thème « Cool planning », c’est-à-dire comment réagir face au changement climatique et notamment le réchauffement ? Ce que nous avons noté, c’est que les initiatives qui réussissent en Europe sont celles qui impliquent une multitude d’acteurs. Une solution ne sera jamais technique et unidimensionnelle. Elle sera toujours complexe, parfois redondante, hybride et intégrant différents aspects. Si je devais lance un nouveau dispositif participatif, ce serait autour du thème « comment ré-ensauvager la ville », comment réconcilier cette dernière avec la nature, une nature qui ne soit pas celle des campagnes.

L’autre thème central est la question sociale. La crise sanitaire a instauré la méfiance envers l’autre par l’impératif de la distanciation, et encore accentué à la ségrégation sociale. De quelle manière peut-on réinventer des solidarités de proximité ? Avec l’Etat providence, vous avez un mécanisme de solidarité procédurale : vous cotisez à la sécurité sociale, vous êtes couverts pour les maladies. Vous êtes un numéro. Avec les solidarités de proximité, on crée de multiples dispositifs à l’échelle de proximité qui offrent une assistance et une garantie pour assurer le principe d’équité.

A partir du moment où vous donnez la parole aux citoyennes et citoyens concernés, l’émotion, la sensibilité, la couleur surgissent. Et donc une tout autre expression de la demande.

Missions Publiques. Dans votre dernier livre « la ville sensible (2) », vous évoquez des expériences riches, sensibles, qui prennent le temps de l’écoute citoyenne. Laquelle de ces démarches vous paraît particulièrement intéressante si on devait la déployer dans les villes moyennes françaises ?

 Paul Vermeylen. La ville sensible est guidée par d’autres paramètres que quantitatifs. A partir du moment où vous donnez la parole aux citoyennes et citoyens concernés, l’émotion, la sensibilité, la couleur surgissent. Et donc une tout autre expression de la demande. Une jeune urbaniste originaire d’Haïti, qui a fait ses études à Bruxelles, pratique l’urbanisme thérapeutique, c’est-à-dire du « ménagement » de quartiers ou d’espaces (et non plus l’aménagement). Prenons l’exemple d’un grand parc de Rotterdam dans lequel une série de problèmes sont apparus. Son travail va débuter par des enquêtes de terrain sur place, elle pratique une sorte de « table de conversation », comme sous l’arbre à palabre de Schuiten (3), où l’on étudie chacune des questions soulevées de manière très concrète. Une zone du parc est trop minéralisée, il y fait très chaud en été. La solution ? Des plantations qui vont permettre de recréer progressivement une canopée et des zones d’ombre. A un autre endroit, une zone est trop humide et regorge de flaques d’eau quand il pleut. Là, une marre écologique va être créée. On va donc ménager le parc, on ne l’aménage plus. On abandonne cette idée très présente en ville de la démolition/construction qui ne colle pas à la demande citoyenne mais plutôt à la volonté d’urbanistes et d’architectes qui veulent laisser leur empreinte. Cette démarche n’est pas théorique et ne requiert pas beaucoup de moyens hormis du soft power et de l’intelligence collective.

Deuxième élément important de cette ville sensible : la capacité d’agir des habitant-e-s sur leur territoire. A Barcelone – c’est une grosse métropole mais l’exemple est totalement transposable dans une ville moyenne – on agit concrètement pour réduire la peur de s’exprimer dans et sur la ville. Bien entendu, il y a la police, l’éclairage ; mais en définitive les habitant-e-s se sentent dépossédés de leur pouvoir d’agir. Josep Bohigas, directeur général de la région métropolitaine de Barcelone, met en place un système de management de quartiers multidimensionnel. Exemple : des équipes avec un policier et un-e habitant-e sont chargées de faire des visites pour détecter d’éventuels problèmes. L’idée ici est de valoriser la rencontre. Autre exemple.  Plutôt que de déplacer un marché qui pose des problèmes de cohabitation, on cherche de nouvelles manières de gérer ce marché pour qu’il s’insère au mieux dans le quartier. La demande des citoyens est de se sentir en sécurité mais aussi d’être reconnus comme acteurs par des administrations trop souvent déshumanisées. On donne la priorité aux « Smart citizens » plutôt qu’au tout technologique « Smart city ». De tels types de dispositifs sont déployables à n’importe quelle échelle. Ce qui est intéressant avec les villes moyennes, entre 30 000 et 100 000 habitant-e-s, c’est qu’elles ont une capacité plus importante à agir. Le maire de Malines, une ville belge de 80 000 habitant-e-s, a mis en place des initiatives de ce type. Il y a 8 ans, la ville votait à 30% pour l’extrême-droite. Aujourd’hui, cette dernière représente moins de 10%. Dans le domaine de la sécurité, on obtient des résultats remarquables en écoutant les habitant-e-s et en valorisant leur présence.

 

Missions Publiques. Quel sera le modèle de développement des villes de demain ?

Paul Vermeylen. Nous vivons actuellement un reflux du mythe de la métropolisation, qui est l’expression spatiale de la globalisation et de la mondialisation. Il y a 10 ans, on misait tout sur la métropole comme motrice du développement pour drainer l’économie. Aujourd’hui, sous l’effet de la crise climatique et sociale, les territoires se dessinent autrement. De plus en plus, des modèles de co-développement émergent, au sein de villes de tailles variées dans lesquelles la coopération apporte une importante valeur ajoutée. A l’échelle des régions et pour rendre leur territoire attractif, c’est beaucoup plus intéressant de travailler à la complémentarité des villes plutôt que de laisser chacune d’elles tirer la couverture à soi. C’est le cas de Munich par exemple et sa constellation de villes autour : chacune contribue à la prospérité régionale. La « spécialisation » des territoires est donc cruciale pour les villes moyennes. D’autre part, le « Made in » ou le « produire localement » ne concerne pas que les salades, mais aussi la production industrielle. De plus en plus de villes agissent en ce sens.

Enfin, j’observe que le thème de « la ville européenne » revient très fortement sur la scène. Je pense notamment à l’initiative de la Commission européenne « New European Bauhaus » (4). Pour faire court, la métropolisation se calquait avant sur le modèle du capitalisme à la mode américaine – à l’image de Manhattan avec une très forte concentration des lieux de la décision dans quelques quartiers. Aujourd’hui, il y a un vaste intérêt pour la ville de proximité, d’une dispersion de la densité des fonctions, de quartiers mixtes et résilients. Demain, je vois donc des villes plus petites et plus intenses, qui se nourrissent de leurs rapports à la nature et qui coopèrent entre elles. Pour nous, Européens, retrouver ou réinventer notre culture de la ville, c’est une chance.

(1) Paul Vermeylen anime le cabinet CityConsult, basé à Bruxelles.
(2) La Ville sensible, l’Harmattan, juin 2020.
(3) Lire notre interview de Luc Schuiten, architecte bruxellois, sur le lieu idéal de la participation inspiré de l’arbre à palabres.
(4) Il s’agit d’une initiative créative et interdisciplinaire qui vise à créer un espace de rencontre pour concevoir de futurs modes de vie, à la croisée des chemins entre l’art, la culture, l’inclusion sociale, la science et la technologie. Il rapproche le pacte vert de nos lieux de vie et appelle à un effort collectif pour imaginer et construire un avenir durable, inclusif et esthétique, pour le cœur et l’esprit.

L’article « A côté de la participation citoyenne, il y a l’implication » est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Une approche inclusive pour que les minorités contribuent à leur avenir numérique https://missionspubliques.org/une-approche-inclusive-pour-que-les-minorites-contribuent-a-leur-avenir-numerique/ Fri, 09 Apr 2021 09:05:26 +0000 https://missionspubliques.org/?p=3499 L’article Une approche inclusive pour que les minorités contribuent à leur avenir numérique est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Née en Ouganda, Caroline Wamala-Larsson a été confrontée très tôt au manque d’accès à Internet des femmes qui l’entouraient. Aujourd’hui, elle est chercheuse spécialiste du genre et de la technologie en Suède au SPIDER Center, un organisme qui développe des solutions numériques en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud. Nous l’avons rencontrée dans le cadre de sa collaboration au projet européen EQUALS EU.

Missions Publiques. Quel est le parcours qui vous a amené à investir la recherche sur le genre et la technologie ?

Caroline Wamala-Larsson. En 1997, j’ai envoyé un mail pour la première fois et j’ai compris à quel point j’étais privilégiée. J’ai grandi dans différents pays d’Afrique australe et les membres de ma communauté n’avaient pas accès aux ordinateurs en particulier les femmes. J’ai donc commencé ma carrière en tant que comptable, et j’ai également été chargée d’enseigner l’utilisation des applications informatiques car j’avais une certaine aisance pour expliquer les choses de manière simple. Je me souviens encore avoir assisté à l’une de ces formations et être la seule femme de 24 ans dans une salle de 30 hommes plus âgés. C’est à partir de ce moment que j’ai décidé de m’engager pour que les femmes puissent bénéficier des mêmes avantages et « avoir accès au monde ». Et pour ce faire, je me suis penchée sur la sociologie de l’inégalité.

Par la suite, j’ai été admise dans un programme « Science, technologie et société » en Suède qui m’a permis de travailler pour la première fois sur les théories sociales et de genre. Cela m’a ouvert les yeux. J’ai poursuivi mes recherches après mon doctorat sur les expériences des femmes avec la technologie, en particulier au Swaziland (où je vivais et qui s’appelle maintenant Estwatini), puis en Ouganda, mon pays natal. Là-bas, j’ai passé beaucoup de temps avec des agriculteurs pour comprendre leurs pratiques en matière de recherche d’informations et la place du genre dans le domaine agricole. Quatre ans plus tard, j’ai eu le privilège de trouver un emploi au Spider Center situé à l’université de Stockholm. Son objectif est de développer des solutions TIC/numériques pour combler les écarts sociaux et transformer les communautés de sorte que la technologie soit une aide et non une solution en elle-même.

La majeure partie de notre travail se concentre sur la santé, l’éducation et ce que nous appelions autrefois la « démocratie » mais que nous appelons désormais la transparence et la responsabilité. Pourquoi ce changement de nom ? Parce que de plus en plus de plateformes numériques sont utilisées comme des outils de surveillance et les coupures d’internet sont devenues des moyens de pression et d’oppression. Lorsque vous parlez d’utiliser les TIC pour la démocratie, cela déclenche beaucoup de signaux d’alarme chez nos partenaires dans le monde entier. Nous avons donc changé le nom pour englober ce que nous faisons vraiment : construire un accès plus transparent à l’information publique (cela peut être aussi simple que demander un permis de conduire ou un certificat de naissance).

Nous pensons que l’utilisation des technologies numériques et, en outre, le recours à la recherche comme méthode de collecte de données pour comprendre les besoins des communautés et leurs réalités, sont d’une grande valeur pour la réalisation des objectifs de développement durable et de l’agenda 2030.

« Nous devons montrer où en est l’innovation sociale et la transformation numérique en Europe et dans quelle mesure les processus technologiques intègrent l’égalité des genres.

Caroline Wamala-Larsson

Chercheuse spécialiste du genre et de la
technologie à SPIDER Center (Suède)

Missions Publiques. Comment pensez-vous que nous devrions aborder l’équité raciale et de genre dans la technologie ?

Caroline Wamala-Larsson. Le monde de la technologie est dynamique et passionnant, mais n’inclut que très rarement les défis sociaux. Il est pourtant important de s’assurer que les algorithmes ne sont pas biaisés dans la manière dont ils sont créés. Pour s’assurer que ce n’est pas le cas, je crois fermement que le secteur de la technologie devrait être multidisciplinaire. Il est toujours bon d’avoir des sociologues intégré-e-s au process de développement technique : ils ou elles peuvent poser des questions auxquelles les spécialistes de la technologie, tels que les programmeur-euse-s et les développeur-euse-s, ne pensent pas forcément. C’est vrai pour les sociologues, les théoricien-ne-s de la race critique (« critical race theory ») mais aussi les spécialistes et les activistes du genre, etc. Ce sont les personnes auxquelles les organes de décision devraient s’adresser lorsqu’ils réfléchissent à des solutions pour l’ensemble de la société.

Si nous avions une approche inclusive du travail que nous faisons, les minorités contribueraient à leur propre avenir numérique. À cet égard, travailler sur le projet européen EQUALS EU avec Missions Publiques et d’autres membres du consortium est vraiment inspirant. Jusqu’à présent, la plupart des travaux ont été menés dans les pays du Sud. Aujourd’hui, nous aspirons à des activités incroyables dans la région européenne et cela apporte une autre perspective régionale à la transformation numérique.

 

Missions Publiques. EQUALS EU est un projet de recherche avec un consortium d’universités et d’acteur-trice-s du monde de la tech et du digital. Ce dernier vise à créer des processus créatifs faisant appel à l’intelligence collectif pour permettre l’inclusion des femmes et des minorités de genre. Quel sera votre rôle ?

Caroline Wamala-Larsson. Quelque-un-e-s de mes collègues sont allé-e-s à l’Internet governance forum (IGF) en 2019 et ont rencontré George Anthony Giannoumis (1) de l’Université d’Oslo qui était particulièrement intéressé par les recherches de SPIDER. Après avoir élaboré une proposition de partenariat phénoménale avec SPIDER, nous avons rejoint le consortium d’EQUALS EU. Je dirige donc le « work package » qui intègre l’aspect recherche dans le projet général. Le premier objectif est de comprendre le paysage européen et de savoir où en sont les écosystèmes numériques et de genre à l’heure actuelle. Nous devons montrer où en est l’innovation sociale et la transformation numérique en Europe et dans quelle mesure les processus technologiques intègrent l’égalité des genres. Notre mission est de fournir aux autres membres du consortium une photographie de la situation actuelle, afin qu’à partir de ces éléments, ils creusent des pistes et construisent les autres volets du projets (hackathons numériques, camps d’innovation etc.).

Si l’égalité dans le domaine de la technologie est notre objectif, nous devons absolument impliquer autant de groupes divers que possible. En ce sens, les processus délibératifs sont un bon moyen d’y parvenir : ils pourraient même être le moyen le plus efficace. Ces processus sont également intéressants pour comprendre pourquoi certains groupes n’utilisent pas certaines technologies. L’appréhender est indispensable pour ajuster nos réponses et répondre à leurs besoins. Le chemin n’est pas facile. Il faut du temps, des ressources et de l’argent pour recueillir des voix diverses. Mais c’est le seul moyen de les inclure et de cocréer ensemble des solutions.

Pour en savoir plus : Le projet EQUALS-EU

 

(1) George Anthony Giannoumis est un chercheur spécialisé dans les politiques et les pratiques technologiques. Il est un expert internationalement reconnu en matière de conception universelle des technologies de l’information et de la communication (TIC). Il dirige et participe à plusieurs projets de recherche et d’innovation à grande échelle basés dans plus de 17 pays dont EQUALS EU.

L’article Une approche inclusive pour que les minorités contribuent à leur avenir numérique est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Où chercher la qualité de la participation citoyenne ? https://missionspubliques.org/ou-chercher-la-qualite-de-la-participation-citoyenne/ Mon, 07 Dec 2020 08:52:14 +0000 https://missionspubliques.org/?p=3108 L’article Où chercher la qualité de la participation citoyenne ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Bernard Reber* a participé à l’analyse du Grand débat national, de la Convention citoyenne pour le climat et de la Convention citoyenne pour l’Occitanie. Pour le philosophe, la participation qualifiée de citoyens ou la démocratie participative ne sont pas des vaccins magiques qui préserveraient de tous les périls qui pèsent sur nos démocraties. Si elles peuvent compléter certaines promesses démocratiques, il faut encore savoir lesquelles.

Quelles sont les attentes légitimes qu’on peut avoir de ces citoyens ordinaires et que tous les autres citoyens n’auraient pas ou perdu ? En effet, ils ne sont qu’une toute petite partie des Français, ni élus, ni membres d’associations, ni experts, ni sondés, ni usagers… dont certains promoteurs de la participation oublient l’existence ou de penser la complémentarité.

De même, ces citoyens ordinaires tirés au sort sortent vite de l’ordinaire, par le fait même qu’ils acceptent de se livrer à l’expérience, ce qui constitue un premier biais. Ensuite l’analyse montre qu’ils ne sont pas si ordinaires par leurs expériences, certains sont parfois des élus, souvent des membres d’associations. Finalement, les processus d’information et de discussion auxquels ils participent, la loyauté d’association avec d’autres membres de l’assemblée les éloignent de ce qui aurait pu paraître comme une innocence d’origine garantissant une liberté de parole ou de voir plus loin. Un membre de la Convention citoyenne pour le climat s’interrogeait devant ce que ses membres étaient devenus comparés à l’ensemble des Français. En revanche, les participants à de telles expériences reconnaissent qu’ils n’auraient jamais rencontré et travaillé avec des gens aussi divers. Tous ont touché du doigt la complexité de la vie politique et les difficultés pour trancher des désaccords vifs.

Délibérer, être en désaccord, faire des choix

Si l’on laisse de côté le savant dosage de la part prise par les experts, le principal enjeu est de savoir comment participer et ce qui en garantit la qualité et la légitimité ? En effet, il ne s’agit pas simplement de faire monter en compétence un groupe hétérogène d’individus, suite à l’exposition à des savoirs très divers, et surtout au long temps d’investissement auquel la plupart des citoyens ne consentent pas. Après le temps des longues listes de propositions pour améliorer le bien-être d’une population, diminuer les gaz à effet de serre dans un esprit de justice sociale par exemple, il faut arriver à décider, faire des choix, sélectionner par des voies démocratiques face à des ensembles trop vastes, mais surtout conflictuels. Sur la base de ces désaccords et des incertitudes la délibération sur les moyens pour arriver à des fins peut alors offrir ce qu’elle a de meilleur. L’écoute et la discussion respectueuses sont des vertus de la délibération. Elles sont fort utiles à l’époque de réseaux si peu sociaux et au ton de certains échanges politiques confondant irrespect, mauvaise foi et sincérité, mais elles n’en sont pas le propre.

La délibération doit permettre de prendre en compte la difficulté du pluralisme pour des jugements collectifs et la nécessaire critique argumentée qui dépasse la critique comme défiance et le relativisme de tout se vaut. Certes on pourra toujours voter pour trancher, mais alors il n’est pas nécessaire de passer autant de temps à s’écouter et à donner des raisons, voire des arguments de ces choix. Le dernier pas est une prise en compte de la délibération comme s’appliquant à un système d’institutions où les mini-publics trouvent leur place (système délibératif). C’est vrai pour toute assemblée et pas seulement celles de citoyens tirés au sort.

* Bernard Reber est philosophe, directeur de recherche au CNRS, membre du Centre de recherches politiques de Sciences Po. Il est l’auteur notamment de La délibération des meilleurs des mondes, entre précaution et pluralisme, La démocratie génétiquement modifiée. Son prochain ouvrage Communication responsable. La délibération entre conversation et considération, ISTE, Londres, Wiley, New York, 2020.
"La délibération doit permettre de prendre en compte la difficulté du pluralisme pour des jugements collectifs et la nécessaire critique argumentée.

Crédit photo : Elise Colette

Bernard Reber

Directeur de recherche au CNRS

Converser et non se disputer

La participation exige des choix et pose de nouveaux problèmes dont les expériences récentes permettent la mise à l’épreuve. Si elles sont inédites par leur prise au sérieux au plus niveau de l’Etat et leur ampleur, le Grand débat national, foisonnant, et son symétrique inverse, la Convention citoyenne pour le climat, plus confinée et focalisée sur une seule question, elles ne font que révéler combien le chemin est long pour s’approcher des problèmes qui nécessitent la délibération. Les arguments qu’elle requiert ne sont pas à penser uniquement sous un mode antagoniste, agonistique, voire comme les arguments juridiques d’un procès. Les arguments peuvent indiquer la liste des questions auxquelles il faut répondre pour faire avancer son raisonnement, ou mieux, un raisonnement ou un jugement collectif. Non pas des arguments faits, repris dans des discours d’emprunt, mais des arguments à faire ensemble, dont plusieurs personnes, institutions, savoirs, se partagent les réponses, fussent-elles parfois dissonantes. En effet une argumentation n’est pas une démonstration. C’est bien parce que la politique n’est pas une science, mais plus qu’une science puisqu’elle peut toutes les convoquer, qu’elle use depuis ses origines démocratiques de l’argumentation.

La délibération devrait même être précédée de conversations, avec les tâtonnements et les prises de risques qu’elles autorisent quand elles sont de qualité, avant d’entrer dans des délibérations argumentées. En effet, selon Montaigne, la conversation est l’opposée de la dispute. Elle n’est pas non plus du bavardage. La conversation permet de façon moins abrupte que la délibération tout d’abord de formuler son avis avec le temps nécessaire, les hésitations. L’obligation de le faire à haute voix, littéralement de s’exprimer, tout en prenant appui sur des interlocuteurs qui cherchent d’abord à comprendre, participe à la formulation de son opinion. La conversation implique une forme de civilité. Elle réclame du temps. Si elle est bonne, elle peut même faire oublier ce temps. Le problème du manque de temps est récurrent dans les expériences de telles assemblées. De plus, parler de sujets clivants comme la politique ou de conceptions éthiques comme la justice avec des personnes qu’on ne connaît qu’à peine n’est pas facile. Si les assemblées sont vraiment diverses il y a de fortes chances pour que les avis soient opposés. Une conversation exigeante est propice à l’explicitation et à la discussion des désaccords. Elle permet de faire valoir ses désaccords de façon moins frontale. Il y a alors plus de chance d’avoir des désaccords mieux développés. On pourra ensuite embrayer sur des délibérations nourries par de vrais désaccords, accueillant les parts d’incertitudes que les conversations ne cachent pas.

Il existe un candidat plus prometteur que la délibération, parce que plus complet par sa richesse conceptuelle : la considération.

(Se) considérer

Il existe un candidat plus prometteur que la délibération, parce que plus complet par sa richesse conceptuelle : la considération. Sur un de ses pans, comme la conversation elle porte sur la façon dont on se parle, la façon dont on s’adresse aux autres. Pendant la crise des Gilets jaunes par exemple le manque de considération a souvent été déploré. Paradoxalement, cette plainte émanait parfois de personnes qui ne donnaient pas de gages pour leur façon à elles de considérer les autres. Quoi qu’il en soit la façon de s’adresser les uns aux autres importe. La considération va plus loin que le respect, par l’attention accordée. On peut d’ailleurs porter une réelle attention sans être forcément d’accord. Certains désaccords témoignent parfois d’une attention plus soutenue que des accords faciles, stratégiques ou superficiels. La considération peut alors être le résultats de cette adresse, du côté du récepteur, avec des expressions comme « j’ai été bien considéré ». Au-delà elle souligne une admiration, le mérite de « toute ma considération ».

Sur un autre pan, la considération est un examen attentif à toutes les dimensions d’un problème. On parle par exemple de considérations environnementales, éthiques, économiques, et de tout autre savoirs ou domaines. En politique des responsabilités doivent leur être associer. C’est d’ailleurs le déploiement de la carte de celles-ci qui permettent d’établir les liens pertinents avec le travail en mini-publics et les institutions existantes. La considération permet de voir large. Elle rend humble, puisque les points de vue sont restitués. Elle déconfine ces expériences qui risquent parfois de n’être que des laboratoires, tout en garantissant une réflexion sereine. Elle permet de passer de jugements hâtifs et critiques à des jugements « tout bien considéré ».

Conversation, délibération et considération, avec les promesses pratiques qu’on peut déduire de ces concepts, sont les meilleures garanties pour lutter contre la critique comme défiance, ou le ressentiment, tout en ne renonçant pas aux garanties démocratiques institutionnelles et à leur équilibre. C’est sur ces terrains là qu’une participation qualifiée de citoyenne peut tenter de compléter ce qui manquerait aux débats publics, aux sondages d’opinion ou aux débats politiques de représentants et d’élus.

L’article Où chercher la qualité de la participation citoyenne ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
« Il faut avoir une exigence beaucoup plus grande à l’égard de l’idéal de la démocratie » https://missionspubliques.org/il-faut-avoir-une-exigence-beaucoup-plus-grande-a-legard-de-lideal-de-la-democratie/ Tue, 01 Dec 2020 14:53:15 +0000 https://missionspubliques.org/?p=3078 L’article « Il faut avoir une exigence beaucoup plus grande à l’égard de l’idéal de la démocratie » est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Dans son dernier ouvrage Open democracy : reinventing popular rule for the 21st century, Hélène Landemore(1) théorise de nouvelles formes de démocratie non électorales. Pour nous, elle revient sur la Convention citoyenne pour le climat et imagine un futur où tous les principes d’une démocratie authentique, qu’elle décrit dans son livre, auraient été adoptés. Une utopie vraiment?

Missions Publiques : Dans votre ouvrage, vous revenez sur la crise démocratique, voire le « déficit » de démocratie de nos sociétés aujourd’hui. En tant que Française vivant aux Etats-Unis, diriez-vous que cette crise est la même des deux côtés de l’Atlantique ?  Est-ce un phénomène mondial ?

Hélène Landemore : Oui, je pense que la crise démocratique est un phénomène mondial. Il y a deux grandes causes à cela : des phénomènes exogènes comme la mondialisation qui a déstabilisé les démocraties en amplifiant les inégalités économiques en leur sein ; et le fait que nos démocraties ne sont finalement pas si démocratiques que cela. Elles sont fondées sur le principe de l’élection et concentrent le pouvoir entres les mains d’une élite socio-économique – un peu renouvelée certes par le non-cumul des mandats – qui prend des décisions au nom des autres. Je pense qu’il faut avoir une exigence beaucoup plus grande à l’égard de l’idéal de la démocratie. Le diagnostic que je fais dans mon livre est qu’il y a un biais non seulement oligarchique mais cognitif introduit par le principe de l’élection qui n’est pas compensé par d’autres formes de participation citoyenne.

Si cette crise démocratique est mondiale, elle se manifeste de manière différente selon les pays. Aux Etats-Unis, elle est très prononcée. Depuis 30 ans, les Etats-Unis ont fait le choix du néolibéralisme à l’extrême : ils se sont exposés à la compétition chinoise notamment, ils ont délocalisé une grande partie de leurs entreprises. Ce sont des choix qu’ils payent très cher : la classe ouvrière américaine a été décimée. Résultat, elle est tentée par le populisme d’un Trump, qui lui-même est tenté par l’autoritarisme. A cela s’ajoute des inégalités économiques énormes qui sont, malgré tout, plus limitées dans les pays européens. Aux Etats-Unis, 82% des gens du Congrès font partie des 10% des gens les plus riches de la population(2). Bien sûr qu’ils répondent aux intérêts des lobbies et des gens qui les financent ; il faudrait être naïf pour penser le contraire. D’après certains politistes(3), il y a exactement zéro corrélation entre ce que veulent les majorités américaines et les politiques publiques une fois que l’on prend en compte les préférences des 10% les plus riches de la population ! Si c’est vrai, c’est tout simplement hallucinant : cela suggère que les majorités n’ont aujourd’hui pas d’influence causale sur la politique publique aux Etats-Unis. Comment peut-on dire qu’il s’agit d’une démocratie ? C’est au mieux une démocratie « par coïncidence » : les majorités obtiennent ce qu’elles veulent quand leurs préférences correspondent à celles de la minorité économique dominante. En Europe, c’est sans doute moins grave, car les inégalités sont moindres et l’argent ne joue pas un rôle aussi grand dans les élections (même si en France la mobilité sociale est plus faible encore qu’aux Etats-Unis). Ce qui me frappe, c’est que l’idéologie dominante masque cela. On se gargarise du mot démocratie, mais en fait, quand on regarde dans le détail, l’opinion du peuple ne compte pas. Autant l’admettre. On vit dans des « éléctocraties » libérales et confortables certes mais où le peuple ne gouverne pas, ni directement ni même indirectement. Il faut reconquérir la radicalité du concept de l’idée de « pouvoir par le peuple » pas juste « du » ou « pour le peuple. »

(1) Hélène Landemore est professeure associée de science politique à l’Université de Yale. Ses recherches portent entre autres sur la théorie démocratique, l’épistémologie politique, les théories de la justice.
(2) Dans un récent article pour Terra Nova, Hélène Landemore revient sur la fatigue d’un système rongé par l’argent et verrouillé au niveau constitutionnel 
(3) « Testing theories of American politics », Martin Gilens et Benjamin Page dans Perspectives On Politics, 2014
"On vit dans des ''éléctocraties'' libérales et confortables certes mais où le peuple ne gouverne pas, ni directement ni même indirectement.

Crédit photo : Stephanie Anestis

Hélène Landemore

Professeure associée de science
politique à l’Université de Yale

Missions Publiques. Vous analysez certains mécanismes de la Convention citoyenne pour le climat(1) et faites notamment allusion à la constitution d’un 6e groupe de citoyens, l’escouade, composé de « leaders naturels ». Ces processus sociaux viennent-ils perturber ou servir les processus délibératifs ?

Hélène Landemore. Dans tout groupe humain, il y a des leaders qui se révèlent. Ce sont eux qui vont dominer la logique de groupe et l’influencer, parfois de manière disproportionnée. Ces gens-là impulsent des dynamiques, ont souvent des bonnes idées, une vision, et sont capables de faire sortir les gens de leur coquille. Leur rôle au sein du groupe est important, il ne faut pas les brimer. Mais il faut faire attention à ce qu’ils soient distribués dans l’ensemble des groupes et sans jamais se retrouver dans une position de dominants. Quand on les concentre dans un groupe, comme ça a été fait par inadvertance dans « l’escouade » de la Convention citoyenne pour le climat(2), c’est problématique. Tous ces leaders naturels qui avaient été distribués de manière aléatoire se sont concentrés dans l’escouade, provoquant des réactions critiques d’une partie des membres de la Convention. Pour éviter toute polémique, le comité de gouvernance, qui l’avait créée, a donc dissout l’escouade au bout de deux sessions. Notez que ce semi-fiasco de l’escouade pose des questions sur la bonne gouvernance de ce type d’assemblée. L’escouade a été créée et dissoute sans véritable consultation avec les citoyens ou vote de leur part sur la pertinence de chaque décision. C’est sans doute compréhensible dans le contexte d’une première expérimentation de ce type, à cette échelle, avec les contraintes de temps et de moyens du moment.

Si les conventions se pérennisaient, cependant, il faudrait repenser la gouvernance de ce type d’assemblée sur le modèle des assemblées d’élus, avec un pilotage qui ne soit pas extérieur à leurs membres et pourrait peut-être là encore être fondé sur la sélection par le sort. Sinon, ça ressemble trop à du paternalisme. La vertu du tirage au sort, c’est de permettre d’éviter l’enkystement des aristocraties naturelles. Le tirage au sort est un rebrassage naturel qui évite en quelque sorte la consanguinité sociale et cognitive.

 

Missions Publiques. Emmanuel Macron a pris l’initiative de cette Convention citoyenne. Diriez-vous qu’il a fait preuve de courage politique, de clairvoyance, d’opportunité ? En faisant fi des imperfections de ce processus, si vous étiez Emmanuel Macron, que diriez-vous à vos collègues lors du prochain G7 au sujet de ces processus ? Y aller ou pas ? Et pourquoi ?

Hélène Landemore. Les trois mais je nuance. Ce qui est décevant, c’est que ce type de processus ne semble pas être si central dans la philosophie du président. Dans un récent entretien sur sa doctrine(3), Emmanuel Macron ne parle pas du tout de démocratie participative ou délibérative. Il parle de rupture du capitalisme, ce qu’il envisage, lui, pour y répondre. Mais il ne dit rien sur le « nous », sauf celui entre dirigeants. Rien non plus sur les limites de la démocratie électorale en tant que telle. Il évoque mai 68 sans mentionner qu’il s’agit aussi des débuts de la démocratie participative. Il n’évoque même pas ses propres réussites sur le sujet comme, dans une certaine mesure, le Grand débat et surtout la Convention citoyenne. Ce n’est pas dans son approche géopolitique globale et pourtant Dieu sait que l’Europe et le monde auraient aussi besoin de délibération et de participation citoyennes. On a le sentiment que la démocratie délibérative et participative reste pour lui reste de l’ordre du tactique et du réactif, et non de l’ordre du stratégique et du long terme. Je pense que c’est une erreur. Il faut que ça devienne une partie intégrante de la philosophie du prochain mandat. C’est une vague qui ne va pas s’arrêter, il faut que tout le gouvernement la surfe avec bonne foi.

Le danger, c’est de ne pas penser à l’après. Dans le cas du Grand Débat et de la Convention citoyenne, il n’y a pas véritablement eu de pensée de l’après claire. La promesse extravagante du sans filtre se heurte aujourd’hui à tous les filtres existants. Alors si Emmanuel Macron devait donner un conseil à ses collègues, je dirais, c’est oui, allez-y, sinon, de toutes façons, c’est le camp populiste qui va l’emporter. Mais allez-y avec encore plus de culot et d’ambition en réfléchissant bien à l’avance à l’impact attendu et à la manière de traduire tout cela. Réfléchissez aussi à une institutionnalisation de ces assemblées citoyennes sur le long terme. Concrètement, cela signifie non seulement mettre de vrais moyens financiers et des compétences au service des conventions citoyennes et prendre un engagement concret et réaliste sur la gestion de l’après (que peut-on faire exactement des recommandations citoyennes) mais aussi offrir des garanties—comme une évaluation indépendante du processus (grande absente de la Convention). Cela signifie aussi forger un vocabulaire nouveau : il vaudrait mieux selon moi parler de « représentation citoyenne » pour caractériser les assemblées tirées au sort plutôt que de maintenir la fausse dichotomie démocratie représentative/démocratie participative. Affronter de face la question de la distribution des rôles entre représentants élus et représentants tirés au sort me semble le challenge conceptuel et pratique des années à venir. Sur ce dernier point, la Convention citoyenne pour le climat aurait peut-être bénéficié d’associer les parlementaires à ses travaux plus en amont, afin de commencer un processus d’apprivoisement mutuel. On peut invoquer à l’infini la « complémentarité » entre les deux groupes mais au fond c’est dans la pratique que celle-ci va se déterminer. Enfin le président devrait conseiller à ses collègues de faire attention au choix des mots. La petite phrase sur les « amish » était maladroite à l’égard des 150.

(1) Cf. chapitre « The democratic legitimacy of self representation »
(2) Les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat étaient répartis en 5 sous-groupes de travail thématiques : se loger, se déplacer, se nourrir, travailler-produire, consommer.
(3) « La doctrine Macron : conversation avec le président français », le Grand Continent, 16 nov.2020

Affronter de face la question de la distribution des rôles entre représentants élus et représentants tirés au sort me semble le challenge conceptuel et pratique des années à venir.

Missions Publiques. La démocratie du 21e siècle doit reposer, selon vous, sur 5 principes : droit à la participation, la délibération, le principe de la majorité, la représentation démocratique et la transparence.  Vous imaginez un scenario où les temps électoraux seraient minorés. Partons en 2040, année où tous vos principes ont été adoptés démocratiquement et sont devenus une pratique courante. Pourriez-vous nous raconter un cycle politique, entre 2040 à 2045, vu par un.e citoyen.ne. ?

Hélène Landemore. Les élections de représentants seraient minorées en un sens mais pas les moments de vote ! Dans ma vision, il y aurait beaucoup plus de droits à la participation qui permettent d’initier un référendum par exemple, non pour choisir des représentants mais pour prendre des décisions. On pourrait envisager par an, disons, 3 à 4 référendums à choix multiples (ou pour cadrer avec le droit français 3 à 4 journées référendaires comprenant des référendums multiples le même jour). Ces référendums pourraient être organisés à la suite de conventions citoyennes, pour valider ou non leurs propositions. On pourrait envisager une maison du peuple avec 150 à 300 représentants lotocratiques, qui organiseraient 3 conventions par an sur des thèmes particuliers. La fonction de ces représentants lotocratiques serait entre autres d’organiser cet agenda, comme en Belgique de l’est[1]. Par ailleurs les citoyens, s’ils en ressentaient la nécessité, auraient la possibilité d’initier eux-mêmes des référendums sur des sujets de leur choix, pourvu que la proposition atteigne un nombre de signatures raisonnable.

Du coup, entre 2040 et 2045, il n’y aurait qu’une seule élection de représentants mais des actes citoyens bien plus nombreux. Si on prend juste les référendums organisés de manière un peu systématique par une Assemblée du Peuple permanente, on peut imaginer au moins 3 à 4 référendums par an à choix multiples sur 3 ou 4 questions… Sur 4 ans, on aurait 12 référendums sur 36 questions d’importance. Si on prend l’hypothèse haute, ce sont 16 référendums, 64 questions. Ça change complètement l’influence des majorités sur les décisions et cela devient impossible de les ignorer. Les thèmes envisagés pourraient être ceux proposés par la Convention citoyenne pour le climat comme la rénovation obligatoire, le crime d’écocide, le moratoire sur la 5 G. Mais ce pourrait être d’autres thèmes comme la décriminalisation de la marijuana, la réintroduction de l’ISF, l’immigration par quota, le régime des retraites, le projet de réforme de l’enseignement supérieur ou tout simplement cet énorme plan de relance sur lequel le gouvernement n’aura, au final, que très peu consulté les citoyens. En 2040, nous avons donc tous ces votes et on va aux urnes au niveau national 3 à 4 fois par an. Plus évidemment, les citoyens décident d’initier eux-mêmes des référendums par le bas pour ainsi dire, mais je soupçonne qu’ils auraient beaucoup moins de raison de le faire dans mon système. Ces votes sont précédés de campagnes, de débats politiques dans les médias, dans les familles etc.

Donner le pouvoir par le hasard à des gens de toutes les catégories sociales, c’est aussi une manière de refaire corps social.

Je considère que cela change considérablement la nature de la démocratie dans laquelle on vivrait. Les gens se sentiraient plus influents, car ils seraient plus influents. Le principe de droit de participation et de majorité seraient respectés. Avec cette incitation à être informés, les citoyens deviennent plus informés : ils parlent politique, le principe de délibération est mieux réalisé et respecté. Comme ils comprennent mieux le système, ce dernier est plus transparent. Dans le même temps, les citoyens attribuent moins la responsabilité de leur mécontentement aux élus… et ça tue dans l’œuf les tendances au complotisme, l’attitude d’opposition systématique, il y a moins de manifestations, moins de violence. Et on aurait en partie résolu cette crise de la démocratie. Pas tout bien sûr, je ne nie pas les autres facteurs comme la mondialisation, les nouvelles technologies, le terrorisme etc. Mais si on a 3 conventions citoyennes par an au niveau national, cela fait au minimum 450 personnes dispersées sur tout le territoire qui polliniseraient, transmettraient de l’information, éduqueraient… Et on peut espérer que les maires de villages aussi adopteraient ces processus, avec des jurys citoyens de 25 personnes par exemple. Imaginez l’énorme levier pour recréer du lien social, mais aussi des emplois ! Donner le pouvoir par le hasard à des gens de toutes les catégories sociales, donner de la voix aussi aux jeunes, un point d’entrée dans le système à tous ces gens qui n’ont pas de réel pouvoir dans le système actuel, c’est aussi une manière de refaire corps social.

(1) Un conseil citoyen tiré au sort est chargé d’organiser 3 conventions par an

L’article « Il faut avoir une exigence beaucoup plus grande à l’égard de l’idéal de la démocratie » est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>