L’Odyssée démocratique : le voyage européen continue

L’Odyssée démocratique est un projet collectif européen initié par la School of Transnational Governance de l’Institut universitaire européen et la professeure Kalypso Nicolaïdis. Son objectif : imaginer, à travers une assemblée citoyenne itinérante, des solutions pour aider lUnion européenne à mieux surmonter les crises présentes et futures. Après une première étape à Athènes en septembre2024, lassemblée a mis le cap sur Florence en février2025. Récit d’un processus qui intègre l’art pour décupler la force de la participation.

Ce qui distingue l’Odyssée de nombreux dispositifs délibératifs, c’est sa dimension itinérante. Elle se déplace de ville en ville, s’immergeant dans la vie civique locale tout en reliant les voix des territoires à un débat plus large à l’échelle européenne. À chaque escale, ses membres sont renouvelés : de nouveaux membres locaux, tirés au sort, rejoignent l’assemblée pour croiser leurs points de vue avec ceux d’une cinquantaine de citoyen·ne·s européens, de représentant·e·s de la société civile et, surtout, « d’ambassadeur·drice·s » : des participant·e·s des sessions précédentes qui transmettent la mémoire des discussions antérieures. Chaque assemblée doit s’appuyer sur les conclusions de l’assemblée précédente, dans un processus cumulatif d’apprentissage et de prise de décision.

 

Un ordre du jour conçu avec plus de 600 volontaires

Au fondement de l’Odyssée se trouve un travail collectif pour définir son ordre du jour. Cette étape cruciale a mobilisé un large « réseau constituant » d’environ 600 volontaires (chercheuses et chercheurs, activistes, organisations de la société civile, représentant·e·s d’institutions publiques, etc.). Pendant une dizaine de mois, ces actrices et acteurs ont participé à des séances de remue-méninges et à des consultations en ligne pour proposer des sujets d’assemblée. Pour arrêter un seul thème, trois critères ont été appliqués : l’attrait pour le grand public (afin de toucher un large éventail de citoyen·ne·s), l’impact politique et social (pour que la démarche ait de réelles répercussions sur les politiques publiques) et la dimension prospective (afin de se projeter sur les défis à venir). Résultat : « Qu’est-ce qui doit changer pour que l’UE surmonte les tempêtes à venir (qu’elles soient climatiques, politiques, économiques ou sociales) ? »

 

Une dimension trans-locale

La dimension « trans-locale », comme l’itinérance, est une caractéristique propre à l’Odyssey. Il s’agit d’immerger la démarche dans la culture civique et les réalités quotidiennes de chaque ville hôte, tout en gardant une continuité au niveau européen. Cette « double échelle » incite à la fois à valoriser les spécificités locales (rencontres avec des associations, animations publiques, etc.) et à mettre en commun des enjeux communs à l’UE entière. En parcourant les villes d’Europe, le processus vise à se confronter à des vécus différents, pour dégager des solutions à la fois pertinentes localement et applicables à l’ensemble du continent. Une approche audacieuse pour relever l’un des défis posés aux assemblées citoyennes : appréhender et délibérer sur des enjeux politiques de plus en plus complexes et interconnectés, dans un monde à multiples niveaux de gouvernance.

 

Quand la délibération rencontre l’art

L’Odyssée ne se limite pas à des présentations formelles et à des débats en petits groupes. Depuis ses débuts, elle intègre des méthodes fondées sur l’art et la créativité : ateliers de théâtre, tableaux vivants, improvisations, chorales citoyennes, etc. L’objectif est double : il s’agit de créer un langage commun, qui aille au-delà des barrières linguistiques et culturelles et de favoriser une implication plus sensible, en sollicitant le corps, l’imagination et l’émotion.

À Athènes, les participant·e·s ont pris part à des activités telles que du théâtre « playback » (une forme de théâtre d’improvisation encadrée), des jeux de rôle et du dessin collectif. À Florence, les techniques artistiques comprenaient également des représentations théâtrales, des tableaux vivants, du dessin et du chant. Dans un tableau, cinq ou six participant·e·s se placent de manière à représenter les forces de la désinformation sur les réseaux sociaux accablant un citoyen isolé ; dans un autre, ils forment une sculpture humaine de pont, illustrant une communauté qui tend la main par-delà un fossé.

De quoi stimuler l’empathie et l’écoute active, tout en gardant la rigueur analytique nécessaire pour formuler des propositions concrètes car ces méthodes de délibération fondées sur l’art ne sont pas de simples divertissements : elles ont un impact concret sur la discussion. En mobilisant le corps et l’imagination, l’assemblée puise dans un niveau de participation et de compréhension plus profond. Comme le temps est une ressource rare dans les assemblées citoyennes, tout l’enjeu consiste à trouver le bon dosage et le bon moment pour recourir à ces méthodes.

Des festivals au cœur de la cité

Chaque session de l’Odyssée se prolonge au-delà de l’enceinte de l’assemblée par un « Festival d’action civique » ouvert au public local. L’idée est de rendre les délibérations perméables à la société civile et de permettre aux participant·e·s de se confronter à d’autres voix citoyennes. À Florence, cet événement s’est tenu dans le complexe de Le Murate, un ancien couvent devenu espace culturel. Il a rassemblé associations, étudiant·e·s, artistes et simples curieux·se·s autour de débats, de concerts, de projections et d’animations participatives.

De tels festivals permettent d’ouvrir l’assemblée, de susciter l’adhésion, mais aussi d’interroger la place des organisations de la société civile. Leur intégration constitue un atout (apport d’expertise, crédibilité, liens avec les communautés), mais peut aussi soulever des questions d’équilibre et de neutralité. L’Odyssée innove en allant jusqu’à inclure, par tirage au sort, des membres d’organisations de la société civile en son sein, une expérimentation suivie de près par l’équipe d’évaluation.

 

Prochain arrêt : Vienne

Les propositions élaborées à Florence – notamment l’idée de recourir à des assemblées citoyennes lors de la gestion de crises – seront affinées lors de la prochaine escale à Vienne, en mai 2025. Couronnée Capitale européenne de la Démocratie 2025, la ville autrichienne réunira pour la troisième et dernière fois la communauté de l’Odyssée, afin de finaliser et de présenter des pistes concrètes pour améliorer la résilience de l’UE.

Au-delà de cette échéance, l’ambition est de pérenniser l’esprit de l’Odyssée en encourageant d’autres processus démocratiques trans-locaux et délibératifs. Les participant·e·s d’aujourd’hui espèrent léguer aux futur·e·s citoyens tiré·e·s au sort un cadre et une méthode, leur permettant de construire à leur tour un programme pour affronter les défis de demain. L’Odyssée met donc le cap sur Vienne en emportant emporte avec elle l’esprit de l’engagement collectif, de la créativité et la volonté commune de bâtir un avenir européen plus participatif.


Pour plus d’information : Scaledem, mettre à l’échelle les innovations démocratiques

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