Victor Burette est adjoint au maire délégué à la démocratie participative à Villeneuve d’Ascq, une commune de plus de 63 000 habitants (Nord). Pour cet élu au fait des enjeux de démocratie participative depuis plusieurs années, les démarches participatives produisent pleinement leurs effets « lorsque le portage politique, par la tête de l’exécutif territorial, est au rendez-vous ». Rencontre.
Missions Publiques. Entre 2011 et 2015, vous avez été conseiller du président du département du Nord, Patrick Kanner, sur les questions de participation citoyenne. Qu’est-ce qui a poussé le département à s’engager sur ces questions ?
Victor Burette. La question de la légitimité à agir préoccupe naturellement les élu- e-s au regard des niveaux de participation lors des élections. Ce sujet était et demeure particulièrement prégnant pour les Départements avec des niveaux d’abstention significatifs lors des différents scrutins. Au-delà même des apports non négligeables de la participation sur la construction des politiques publiques, il y avait pour Patrick Kanner la volonté de consolider ce lien des Nordistes avec leur Département, de donner à voir le rôle du Département dans leur quotidien. En 2011, c’était assez volontariste et novateur d’engager à cette échelle une démarche de participation citoyenne ambitieuse. C’est ce que nous avons fait avec les ateliers citoyens dont l’objet était de co-construire chaque année une politique publique. D’un point de vue plus personnel, cette démarche participative a été d’une richesse humaine incroyable.
Missions Publiques. On reproche souvent aux démarches participatives de créer un silo citoyen d’un côté et un silo d’élu-e-s de l’autre. On oppose la démocratie participative et la démocratie représentative. Pouvez-vous nous décrire les processus que vous avez mis en place, notamment la mobilisation annuelle d’un vice-président pour porter une politique auprès des citoyen-ne-s ?
Victor Burette. Les démarches participatives produisent pleinement leurs effets lorsque le portage politique, par la tête de l’exécutif territorial, est au rendez-vous. On peut le regretter mais c’est encore la réalité institutionnelle en France. Dans le Nord, nous avions cette volonté politique avec un Président qui portait personnellement la démocratie participative. Chaque année, l’Assemblée départementale définissait une grande cause qui serait travaillée par les ateliers citoyens et qui donnerait lieu au vote d’une délibération cadre. Le vice-président concerné par la thématique était alors pleinement associé au pilotage de la démarche de la phase participative à la phase d’écriture de la délibération. Imaginez qu’entre 2011 et 2015, nous avons réuni chaque année près de 1 200 nordistes différents autour de deux forums départementaux et de 7 ateliers territoriaux.
Notre préoccupation était de ne pas tomber dans un dispositif participatif sans lendemain. Avec les services départementaux, nous nous sommes contraints collectivement à un calendrier très resserré qui permette de donner à voir aux citoyens le fruit de leur participation. Élaborer une délibération cadre structurante en moins d’un an sur des sujets majeurs (projet éducatif global départemental, schéma départemental des mobilités, plan Bien vieillir ou la lutte contre les discriminations), tout en intégrant une phase participative de 4 à 5 mois, est un défi exigeant qui requiert un engagement total des équipes.
Par ailleurs, le président du Département a tout de suite compris l’enjeu de construire et de maintenir un lien de confiance dans les processus de participation. C’est pourquoi, l’ensemble des livrables issus des ateliers citoyens ont été publiés de manière brute et sans aucune censure. Charge ensuite au président et au vice-président thématique de rendre compte du fruit de la participation, de présenter ce qui avait été retenu en matière de propositions et d’expliquer pourquoi d’autres choses ne l’étaient pas.
Je dois reconnaitre qu’au début de la démarche, il y a eu une incompréhension avec les services du Département. D’aucuns voyaient dans les ateliers citoyens un simple outil de communication politique. Alors quand il a fallu intégrer le fruit du diagnostic sensible, des orientations et des propositions des Ateliers territoriaux dans des délibérations écrites en chambre, il y a eu un peu de frottement. Pour autant, très vite, les agents départementaux se sont engagés pleinement dans la démarche, se sont installés autour des tables dans les ateliers et ont vu que cet objet était porteur de sens professionnellement. Le service public était redevenu le service au public et avec le public.
"Les systèmes locaux ou nationaux sans participation citoyenne ou à la participation factice démontrent leur inefficacité et créent une défiance mortifère dans nos démocraties.
Victor Burette
Adjoint au maire délégué à la démocratie participative à Villeneuve d’Ascq
Missions Publiques. Vous êtes aujourd’hui adjoint au maire en charge de la participation citoyenne. Quel est votre regard sur l’évolution de la participation citoyenne et quels sont les principaux enjeux que vous voyez aujourd’hui et que vous avez à relever à l’échelle municipale ?
Victor Burette. J’ai toujours en tête ce fameux débat sur l’offre et la demande de participation. Est-ce qu’il y a une véritable demande de participer de la part des citoyen-ne-s ? Est-ce que les dispositifs de participation sont assez adaptés et les démarches sincères pour mobiliser les citoyen-ne-s ? Je crois surtout qu’aujourd’hui, les systèmes locaux ou nationaux sans participation citoyenne ou à la participation factice démontrent leur inefficacité et créent une défiance mortifère dans nos démocraties.
Ma conviction c’est que la participation citoyenne n’affaiblit pas le pouvoir politique mais contribue au contraire à renforcer son action et sa légitimité, grâce à toute une série d’impacts positifs : confiance vis-à-vis de l’action municipale, renforcement du pouvoir d’agir des habitants, politiques publiques qui répondent mieux aux besoins… In fine c’est la démocratie qui en sort renforcée. Par ailleurs, les défis auxquels nous sommes confrontés sont de plus en plus complexes et systémiques. Ces transitions multiples viennent interroger nos modes de vie, questionnent la notion d’acceptabilité et nécessitent d’embarquer la société. Il est donc important de ne pas encourager les postures consommatrices sous couvert de participation. Cela me convainc de la nécessité d’engager davantage nos collectivités dans des formes de participation plus implicatives, ce que certains appellent la « démocratie du faire » dont les sociétés coopératives ou les chantiers participatifs ne sont que quelques exemples.