Bruxelles inaugure la première Assemblée citoyenne pour le climat

La Région de Bruxelles-Capitale lance la première Assemblée citoyenne pour le climat du monde ! Composée de 100 personnes tirées au sort, le groupe de participant-e-s sera renouvelé chaque année. A chaque cycle, un thème. La première Assemblée, qui a démarré début février, a pour mission de formuler des propositions au sujet d’un habitat plus respectueux de l’environnement à l’horizon 2050. Interview sur les contours et les attendus de cette démarche avec Alain Maron, ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, chargé de la Transition climatique, de l’Environnement, de l’Energie et de la Démocratie participative.

Missions Publiques. La Région bruxelloise va associer structurellement les citoyennes et citoyens à l’élaboration de la politique climatique. Qu’est-ce qui vous a motivé à lancer cette Assemblée pour le climat ? Quels sont les modèles qui vont ont inspiré ?

Alain Maron. Face à la crise climatique, des changements basculants s’imposent à nous et les changements drastiques que va connaître la société dans les prochaines décennies vont nécessiter de trouver des nouveaux outils démocratiques. Et ce, afin d’emmener le plus grand nombre vers le chemin de la transition sans ruiner la cohésion sociale.

Le « nous » dont je parle ce sont les citoyens qui vivent les dérèglements climatiques dans leur vie quotidienne et dans leur corps. Les citoyens qui savent très bien comment accueillir et mettre en œuvre les changements nécessaires et c’est important, jusqu’où ils sont prêts ou se sentent capables d’aller. Ils le savent mais il faut les interroger.  Les citoyens nous disent qu’ils sont prêts à agir, mais il y a une certaine ambiguïté qui persiste, à savoir une résistance naturelle au changement, même chez les plus conscientisés. Et à mon avis, c’est là qu’intervient la nécessité de démarches participatives en complémentarité de la démocratie représentative.

En d’autres mots, l’idée que la démocratie se réduirait à voter tous les 5 ans pour un programme et observer la mise en œuvre d’un accord de majorité est définitivement éculée. Aujourd’hui, entre deux élections, avec une assemblée citoyenne permanente – comme avec d’autres processus de participation citoyenne existants -, nous garantissons un espace aux citoyens pour s’exprimer sur le « comment », puis nous mettons en œuvre ces accords de majorité et les politiques publiques de manière générale. Et cette garantie est assurée par la dimension permanente et structurelle qui permet d’être à la hauteur les enjeux climatiques de long terme.

Notre modèle, dont la conception a été pilotée par le G1000 et son réseau d’experts internationaux, est inspiré en partie du processus citoyen permanent de la communauté germanophone mais aussi d’autres expériences participatives réussies dans d’autres pays de l’OCDE.

 

Missions Publiques. Bruxelles porte aujourd’hui de nombreuses initiatives innovantes et participatives : les commissions délibératives du Parlement, l’Agora sur la transition juste… Comment tous ces dispositifs peuvent-ils s’articuler ?

Alain Maron. Nous pouvons nous réjouir que Bruxelles multiplie les actions participatives et devienne même pour certains un laboratoire exemplaire d’expérimentation démocratique !

Il n’y a jamais trop de participation si c’est de la bonne participation. Et diversifier les formats est positif. L’Assemblée citoyenne pour le climat a la particularité d’être permanente et thématique ; elle est inscrite dans la gouvernance climatique régionale, dans notre loi climatique. Et autre aspect innovant important, sa mise en place est une initiative du Gouvernement, celui-là même qui devra piloter un bon nombre de réformes et y affecter des budgets. C’est pour moi une garantie supplémentaire d’un suivi effectif des recommandations des citoyens – et nous savons que c’est l’un des éléments les plus cruciaux de la participation : expliquer quelles suites on réserve au travail des citoyens, expliquer pourquoi on ne peut parfois y donner suite. Rendre compte de manière continue du travail des élus, en somme, comme nous le faisons en tant qu’Exécutif vis-à-vis du Parlement.

Je pense vraiment qu’il n’y a pas de concurrence entre processus à partir du moment où ceux qui les mènent se parlent. C’est ce que nous avons prévu dans l’architecture de l’Assemblée : il y a une place pour tous, secteurs publics et privés, corps intermédiaires institués, parlement et exécutif, etc. Et à partir du moment où les citoyens participants sont parfaitement éclairés sur la méthode de travail, sur la thématique abordée et surtout, sur le mandat qui est le leur dans cet exercice délibératif. Il s’agit là, à mon avis, de la condition sine qua none pour bien articuler tous ces dispositifs.

"La plus-value de leur contribution réside dans le fait qu’ils restent les meilleurs experts de quels changements sont acceptables et à quels moments il faut les enclencher.

Alain Maron

Ministre du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale

Missions Publiques. Les solutions pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 sont connues. L’Assemblée permanente porte justement sur les questions climat. Qu’attendez-vous politiquement comme plus-value de la part des citoyens sur ces sujets ?

Alain Maron. A chaque fois qu’on fixera des objectifs ou qu’on prendra une mesure à la hauteur de l’urgence climatique, on risque des réactions d’opposition fortes. Je suis convaincu que face à cette hauteur d’enjeu et face cette urgence, les solutions uniquement top-down, ça ne marche pas. Il faut intégrer davantage la logique du bottom-up dans les politiques qu’on mène. Ne me méprenez pas, je ne dis pas ici que les politiques ne doivent plus décider – bien au contraire, ils sont et restent responsables. Et cela fait partie de leur responsabilité de se donner les moyens d’être pleinement éclairé par l’expertise du vécu des citoyens, autant que par les techniciens.

Je le disais, les citoyens comprennent l’urgence, ils la vivent même dans leur chair et dans leur vie – pensez aux récentes inondations ou canicules, chez nous mais aussi aux quatre coins du monde, il ne faut pas penser que ça ne préoccupe pas les citoyens parce que c’est loin. La plus-value de leur contribution réside dans le fait qu’ils restent les meilleurs experts de quels changements sont acceptables et à quels moments il faut les enclencher. C’est aussi pour ça que les citoyens sont les pilotes du travail de l’Assemblée : quel sujet devons-nous aborder en priorité ? Quels experts voulons-nous rencontrer ? Quels principaux messages voulons-nous faire passer ?

 

Missions Publiques. La volonté de rendre cette Assemblée permanente est un choix courageux, qui comporte des risques déceptifs pour les citoyens, comme pour les politiques. Quels seraient vos critères de réussite à court et à long terme ? A quoi jugeriez-vous ce processus réussi ?

Alain Maron. Effectivement, si nous voulons que l’Assemblée citoyenne pour le climat contribue de manière efficace à la gouvernance climatique de la Région, il faut évaluer le processus de manière rigoureuse et constante en ajustant les éléments nécessaires au fur et à mesure des cycles.

Dans un premier temps, je considérerai une évaluation en trois volets. D’abord l’impact du processus en lui-même, c’est-à-dire évaluer si les recommandations traduisent bien les débats des citoyens, sont de bonne qualité, évaluer si leur suivi était à la hauteur, évaluer si les informations sur la thématique choisie étaient suffisantes et assez diversifiées etc. Ensuite le deuxième critère est l’impact institutionnel, qui se mesure en évaluant si les parties prenantes (société civile, administrations, politiques etc.) ont pu contribuer à la mise à l’agenda ou si le comité d’accompagnement dispose d’une expertise suffisante pour procéder à des ajustements par exemple. Enfin, le dernier critère est l’impact social qui peut être évalué en mesurant si les participants ont acquis une plus grande confiance dans les processus participatifs et dans les institutions. Est-ce que leur besoin de connaissance et leur intérêt pour les enjeux climatiques ont bien été satisfaites ? Est-ce que les liens entre citoyens et organisations de la société civile ont été mis en lumière voire renforcés ? Est-ce que les indispensables confiance et dialogue avec les institutions publiques comme politiques, est améliorée ?

Mais je vais surtout, avec l’indispensable humilité que nous, politiques, devons avoir en démocratie participative, veiller à ce que les experts de la participation nous accompagnent de manière objective et indépendante pour que le projet soit une vraie réussite pour les citoyens et pour Bruxelles.

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