Missions Publiques : Une partie des citoyens se sent peu considérée et/ou mal représentée par leurs élus. Par définition, le tirage au sort reconnaît une place à chacun. Avec l’organisation de cette convention citoyenne, toute personne vivant en Occitanie est donc « présumée compétente ». Pour aller plus loin, quelles seraient pour vous les prochaines étapes pour encore mieux reconnaître les compétences de chacun ? Que diriez-vous aux élus, peu convaincus par ces démarches, pour les convaincre de reconnaître politiquement cette intelligence collective ?
Carole Delga. Qu’il est temps d’arrêter l’infantilisation des citoyens ! Que les citoyens ne sont pas un problème, mais souvent la solution. Qu’un élu ne perd pas de temps à les consulter, mais que cela garantit au contraire de mettre en place des politiques publiques justes, adaptées, correspondant à la réalité telle qu’elle est vécue au quotidien.
Pour moi, cette démocratie citoyenne – qui est tout le contraire de la démocratie d’opinion – peut revivifier la démocratie locale et surtout rétablir la confiance perdue avec la démocratie représentative. J’ai une grande confiance envers les habitants d’Occitanie. Ma conviction profonde que chacun d’eux est en quelque sorte un « expert » de son quotidien, de sa vie et qu’ils doivent avoir voix au chapitre. Nos concertations citoyennes sur le nom de la Région, les transports, l’alimentation, le lycée de demain, nos budgets participatifs, nos Parlements de la Montagne et de la Mer en témoignent.
Notre nouvelle initiative, une première en région, est inspirée de la Convention citoyenne pour le climat qui a réuni à l’échelle nationale 150 personnes. En Occitanie, nous avons réuni une centaine de citoyen.ne.s tirées au sort[1] incarnant la diversité d’âges, de départements et de parcours de vie d’un territoire de 6 millions d’habitants, pour contribuer à notre Green New Deal, notre Plan de transformation et de développement. Cette convention n’est pas un acte isolé : elle s’intègre dans une logique participative bien ancrée. Car je crois à la force du collectif.
Les prochaines étapes ne sont pas au conditionnel : elles se vivent déjà, nos concitoyen.ne.s ayant toute leur place dans le processus de décision publique. Et les élus ne sont pas extérieurs à cette intelligence collective, ils en sont pleinement partie-prenante. Beaucoup sont d’ailleurs associés à nos démarches. Ils ne peuvent pas se sentir menacés par plus et mieux de démocratie.
"Pour moi, cette démocratie citoyenne – qui est tout le contraire de la démocratie d’opinion - peut revivifier la démocratie locale et surtout rétablir la confiance perdue avec la démocratie représentative.
Crédit photo : Philippe Grollier / Région Occitanie
Carole Delga
Présidente de la Région Occitanie
Il y a un climat de méfiance, pour ne pas dire de défiance, installé depuis des années entre les citoyens et les institutions représentatives. Avec la convention citoyenne, vous faites le pari du contraire. Quel est pour vous l’accomplissement politique le plus important que vous aimeriez voir réalisé ?
Refaire société. C’est-à-dire que, par la parole, le dialogue, l’échange, nous puissions ensemble trouver des solutions. Je ne supporte plus, comme bon nombre de Français, ces joutes hystériques, cette violence verbale qui nous sert hélas de débat politique.
En tant qu’élus, c’est-à-dire représentants du peuple, il ne faut jamais l’oublier, il faut savoir se remettre en cause et proposer des modes d’expression nouveaux aux citoyens, en-dehors du temps du vote. C’est ce que Dominique Rousseau appelle « la démocratie continue » et que je veux faire vivre en Occitanie avec la Région citoyenne.
Ce que j’appelle de mes vœux, c’est une véritable République des territoires, car ils sont compétents pour décider de leur présent et de leur avenir, ils savent innover et se réinventer. C’est sans doute la grande leçon de la crise sanitaire que nous traversons : elle a revalorisé la proximité, montré qu’il fallait préserver nos savoir-faire, relocaliser, et qu’une gestion purement verticale et descendante avait ses limites.
Au fil des dialogues internationaux que nous avons menés depuis 20 ans, nous nous sommes rendu compte que, quel que soit l’endroit d’où les citoyens parlaient, ils se sentaient avant tout « citoyens du monde ». Quelle place l’Occitanie veut-elle jouer à l’échelle mondiale ?
L’Occitanie a une longue tradition de terre d’accueil, l’ouverture aux autres fait partie de notre ADN. À l’heure des tentations de repli identitaire, nous devons donc plutôt observer nos interdépendances, flagrantes en temps de pandémie, et nous attacher à construire un nouvel ordre mondial plus juste, plus résilient et plus solidaire. Il y a urgence ! À la tête de la Région, j’ai tissé et entretenu de nombreux liens économiques et culturels avec d’autres pays (Japon, Espagne, Allemagne, Italie, États-Unis…). Parce que je crois, dans le moment de l’histoire du monde que nous traversons, qu’il faut chaque jour tisser des liens, entre les gens, les pays, les cultures. C’est l’ignorance qui permet le racisme, la peur de l’autre. S’ouvrir, c’est connaître et reconnaître l’autre. L’accepter. L’Occitanie, je la vois comme une région positive au sens plein du terme.