Que devons-nous faire aujourd’hui pour inverser le déclin des pollinisateurs ? Quel rôle les jeunes Européennes et Européens devraient-ils jouer dans la gouvernance de la biodiversité ? L’Assemblée des jeunes citoyens sur les pollinisateurs réunit 100 jeunes de 18 à 29 ans à Bruxelles pour débattre et proposer des actions visant à préserver l’avenir de la biodiversité. Nous avons interrogé James Moran, maître de conférences en écologie et biologie à l’Institut de Technologie de Galway et membre du comité consultatif de l’Assemblée, pour en savoir un peu plus sur ces insectes menacés.
Missions Publiques. Au cours des dix dernières années, quels changements avez-vous observés dans les populations de pollinisateurs et qu’est-ce qui, selon vous, a le plus influencé cette tendance ?
James Moran : Depuis dix ans, le déclin des pollinisateurs, déjà constaté depuis plus de 30 ans, se poursuit. Selon plusieurs programmes nationaux de surveillance et divers travaux de recherche, les populations de pollinisateurs sauvages connaissent une baisse importante, touchant en particulier les abeilles, les papillons et les phalènes. D’autres groupes de pollinisateurs, comme les syrphes, sur lesquels nous possédons très peu de données, sont probablement confrontés à la même situation, car ils subissent des pressions similaires. Toutes les populations de pollinisateurs souffrent d’un manque d’espaces pour se nourrir ou se reproduire, en raison du changement d’utilisation des sols lié à l’intensification de l’agriculture, à l’abandon des terres agricoles et à l’urbanisation croissante. Notre système alimentaire dépend excessivement des intrants agrochimiques. Paradoxalement, cette dépendance pourrait provoquer un déclin catastrophique du service de pollinisation, un des services essentiels au bon fonctionnement de nos écosystèmes et qui soutient environ 85 % des espèces cultivées dans l’Union européenne. Les pressions exercées sur les pollinisateurs sont exacerbées par le changement climatique. Au cours des dix dernières années, nous avons constaté une irrégularité climatique croissante qui entraîne des répercussions particulièrement graves sur certaines espèces de pollinisateurs, comme les papillons en particulier.
Missions Publiques. Plusieurs facteurs sont à l’origine du déclin des pollinisateurs, allant du changement d’affectation des sols à l’agriculture intensive, en passant par l’utilisation de pesticides, la pollution et le changement climatique. Parmi ces facteurs, lequel les agriculteurs devraient-ils traiter en priorité, et comment ?
James Moran : Il s’agit là d’une question très difficile, car tous ces facteurs sont interconnectés. Bon nombre des meilleures mesures prises pour lutter contre l’une de ces menaces auront des effets positives sur les autres. Une des réponses les plus simples serait de laisser de l’espace aux pollinisateurs. Il s’agit, par exemple, d’identifier des zones de l’exploitation agricole à gérer spécifiquement pour fournir nourriture et sites de nidification aux pollinisateurs, ce qui permet également de cibler davantage l’utilisation des pesticides. Les zones aménagées en tenant compte des pollinisateurs peuvent également servir de viviers pour d’autres insectes utiles qui se nourrissent des parasites. C’est le cas, par exemple, des coccinelles, qui se nourrissent de pucerons et assurent ainsi une lutte naturelle contre ces derniers, réduisant ainsi le besoin de pesticides. Au fil du temps, ces zones peuvent devenir des espaces semi-naturels, contribuant à l’action climatique en capturant le carbone de l’atmosphère et en le stockant dans le sol. Nous devons porter autant d’attention à l’aménagement de ces espaces de soutien qu’aux parcelles destinées directement à la production alimentaire. Nos modes de production et de consommations alimentaires dépendent des populations de pollinisateurs et d’autres insectes essentiels à nos cultures. Notre chaîne alimentaire s’effondre donc si les pollinisateurs n’ont pas d’endroits où se nourrir et se reproduire.
"Militez pour que davantage d'espace soit réservé à la nature dans votre région, et si vous avez la chance de gérer un terrain, quelle que soit sa taille, laissez un peu d'espace aux pollinisateurs qui nous nourrissent, nous et les générations futures.
James Moran
Maître de conférences en écologie et biologie à l’Institut de Technologie de Galway
Missions Publiques. On dit souvent qu’un champ « trop propre » laisse peu de place aux insectes. Comment pouvons-nous montrer aux agriculteurs et aux consommateurs que le fait de conserver une parcelle de fleurs sauvages est bon à la fois pour l’exploitation agricole et pour la planète ?
James Moran : Cela nécessite un changement de mentalité quant à ce que nous considérons comme une bonne gestion. Nous devons ouvrir les yeux et voir les parcelles de fleurs sauvages comme des éléments clés de notre système alimentaire. Nous devons renouer avec la remarquable complexité de la nature et comprendre que sans ces parcelles de fleurs sauvages qui nourrissent les pollinisateurs, nos étagères seraient bien vides.
Missions Publiques. Si vous pouviez lancer un défi simple et concret aux 100 participants de l’Assemblée pour aider les pollinisateurs chez eux, quel serait-il et pourquoi ?
James Moran : Je leur proposerais que nous prenions tous le temps, malgré des emplois du temps chargés, d’ouvrir nos yeux et notre esprit pour observer la nature dans notre environnement local. La prochaine fois que vous passez devant un parterre de fleurs sauvages, prenez quelques instants pour écouter le bourdonnement des pollinisateurs qui y butinent, et qui récoltent leur nourriture. Militez pour que davantage d’espace soit réservé à la nature dans votre région, et si vous avez la chance de gérer un terrain, quelle que soit sa taille, laissez un peu d’espace aux pollinisateurs qui nous nourrissent, nous et les générations futures.
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