Rencontre avec l’Apolitical Foundation

Missions Publiques. Que pensez-vous des récentes élections européennes, qui montrent un taux de participation relativement faible chez les jeunes et une montée/confirmation du populisme dans plusieurs pays européens ?

Kimberly McArthur & Hussam Erhayel. Les récentes élections européennes ont souligné un changement significatif dans les dynamiques politiques, en particulier en ce qui concerne l’engagement des jeunes et la montée du populisme. Un facteur crucial est l’effet « TikTok », où les populistes d’extrême droite ont excellé dans l’utilisation des plateformes de médias sociaux pour engager efficacement les jeunes. Ils communiquent d’une manière qui résonne profondément avec les jeunes auditeurs, en utilisant du contenu et des messages directs. Les mouvements politiques du centre démocratique ont eu du mal à mobiliser et à atteindre les jeunes de manière efficace. Ils ne se sont pas adaptés aux paysages numériques où les jeunes passent beaucoup de temps, ce qui a entraîné un fossé de communication et un échec à inspirer la participation politique parmi les jeunes. Par exemple, l’AfD en Allemagne a une plus grande présence sur TikTok que tous les autres partis politiques allemands combinés.

De plus, divers facteurs socio-économiques, et la manière dont ces facteurs sont traités par les partis d’extrême droite, ont alimenté ce basculement vers le populisme. Des problèmes tels que les migrations, le coût de la vie et le logement ont profondément impacté les jeunes électeurs. Beaucoup de jeunes se sentent menacés par l’immigration, la voyant comme une concurrence pour des ressources limitées comme les emplois et les logements abordables. La crise continue du coût de la vie exacerbe ces craintes, rendant les promesses des partis d’extrême droite de prioriser les intérêts nationaux plus attrayantes.

Ces facteurs combinés ont entraîné une montée inquiétante du soutien aux partis populistes d’extrême droite, soulignant la nécessité urgente pour les mouvements du centre démocratique de repenser leurs stratégies envers la jeune génération.

Missions Publiques. Aujourd’hui, de plus en plus d’assemblées de citoyens sont mises en place par les institutions (je pense aux Panels citoyens européens de la Commission européenne). Selon vous, comment ces démarches participatives peuvent-elles contribuer à faire évoluer les décisions et les modèles de gouvernance si fortement critiqués aujourd’hui ?

Kimberly McArthur & Hussam Erhayel. Les assemblées de citoyens, telles que les Panels citoyens européens mis en place par la Commission européenne, jouent un rôle crucial dans la reconstruction de la confiance entre le public et les institutions politiques. Ces approches participatives comblent le fossé entre les citoyens et leurs représentants élus, allant au-delà du cycle électoral traditionnel de quatre ans. En engageant les citoyens dans un dialogue continu et des processus décisionnels, ces assemblées offrent une plateforme pour des voix et des perspectives diverses, favorisant un sentiment d’inclusion et d’autonomisation. Cette interaction continue aide à contrebalancer la déconnexion souvent ressentie par le public, améliorant ainsi la légitimité et la responsabilité de la gouvernance.

En général, le concept de politique du pouvoir circulaire, comme décrit dans notre guide, met l’accent sur la création de cycles continus de communication et de collaboration entre les politiciens et les citoyens. Ce modèle s’éloigne de la politique linéaire, où les citoyens ne s’engagent que pendant les élections, pour aller vers une relation plus dynamique et réciproque. Les politiciens adoptant cette approche cherchent non seulement des votes, mais impliquent également activement les citoyens dans la gouvernance, répondant ainsi à la critique selon laquelle les élites politiques sont détachées de la population. En institutionnalisant des mécanismes tels que les assemblées de citoyens et le budget participatif, les gouvernements peuvent puiser dans la sagesse collective, rendant la prise de décision plus réactive et résiliente. Cette évolution des modèles de gouvernance a le potentiel de renforcer la démocratie et de réduire l’attrait des mouvements populistes en favorisant un environnement politique plus inclusif et participatif.

Missions Publiques. Missions Publiques. Enfin, il y a 6 mois, vous avez attribué un prix à Missions Publiques. Pouvez-vous nous dire ce qu’il représente ?

Kimberly McArthur & Hussam Erhayel. Nous avons mis en lumière Missions Publiques avec 31 autres organisations du monde entier travaillant avec des leaders politiques pour donner aux citoyens le pouvoir de façonner leurs sociétés dans notre liste « Praticiens pionniers : organisations d’innovation démocratique à suivre« . La tâche de rendre nos démocraties et nos politiques adaptées au 21e siècle est une entreprise colossale. Nous savons que nous ne pouvons pas le faire seuls et que nous n’avons pas le temps de réinventer la roue. Autant que possible, nous essayons de trouver et de valoriser ces organisations qui font déjà un excellent travail et de les connecter à ce mouvement soutenant le leadership démocratique tout en l’améliorant.

La liste est issue de la recherche que nous avons entreprise en 2023 sur les obstacles et les défis auxquels les leaders politiques sont confrontés pour adopter des innovations démocratiques – des assemblées citoyennes au budget participatif – et nous avons publié nos conclusions dans notre rapport « Leaders ou retardataires : explorer le rôle des politiciens dans l’innovation démocratique« . Nous avons constaté un grand appétit parmi de nombreux leaders politiques pour s’engager davantage avec les citoyens – en particulier comme un moyen de mieux engager les jeunes. C’est une véritable opportunité de lutter contre l’apathie croissante et le populisme, et Missions Publiques contribue à cela.