On parle beaucoup de « l’affaire du siècle » et de la condamnation de l’Etat français pour son inaction climatique. Plus de 5 ans après l’accord de Paris sur le climat et l’engagement de 195 pays à contenir le réchauffement climatique en dessous de 2°, force est de constater que les Etats n’ont pas vraiment « respecté la trajectoire » pour réduire leur émission de gaz à effet de serre et contenir le réchauffement climatique. La société a, de son côté, bel et bien bougé : phénomène Greta Thunberg, grèves étudiantes pour le climat, Convention citoyenne… En 2015, un débat citoyen planétaire sur le climat et l’énergie, avait été organisé pour nourrir la COP21. 10 000 citoyen-ne-s de 76 pays y avait participé. Leurs attentes n’ont pas malheureusement pas pris une ride.
Le changement climatique : un accord international, une priorité nationale
Les citoyen-ne-s du monde entier aspiraient fortement à ce que leurs décideurs politiques prennent des mesures ambitieuses contre le changement climatique. Il y a 6 ans, déjà 78% des citoyen-ne-s du monde se sentaient très concerné-e-s par les changements climatiques : 82% en Afrique et 87% dans les îles. Pour 2 citoyen-ne-s sur 3, les mesures pour lutter contre les changements climatiques étaient une opportunité pour améliorer leur qualité de vie. A l’époque, les résultats des négociations des Nations Unies sur le climat depuis 1992 étaient jugés insuffisants. Et 63% considéraient que tout devait être fait à Paris pour limiter le réchauffement de la température à 2°C. L’accord de Paris adopté quelques mois plus tard allait dans ce sens. Il est aujourd’hui ratifié par 188 pays mais depuis 5 ans, les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial ont atteint un niveau historique[1] et les rejets de CO2 ont augmenté de 5% entre 2015 et 2019.
Bien que les participant-e-s manifestaient une nette préférence pour un accord international sur le changement climatique, elles/ils soutenaient l’action dans leurs propres pays. 89 % des participant-e-s jugeaient que le changement climatique devait être une priorité nationale, et pour 79%, leur pays devait réduire ses émissions de gaz à effet de serre, même si les autres pays ne prenaient pas de mesures. Ce résultat était cohérent avec l’opinion partagée par de nombreux citoyen-ne-s selon laquelle la lutte contre le changement climatique constituait une opportunité plutôt qu’une menace. Un message clair était alors envoyé aux décideurs politiques : l’échec d’un accord international ne pourrait servir d’excuse à l’inaction au niveau national.
Un message clair était alors envoyé aux décideurs politiques : l’échec d’un accord international ne pourrait servir d’excuse à l’inaction au niveau national.
Une taxe carbone / une équité et un partage des efforts
Concernant les outils pour lutter contre le changement climatique, il est intéressant de noter que, globalement, 88% des citoyen-ne-s se disaient favorables à une taxe carbone et la majorité d’entre elles/eux souhaitaient qu’elle s’applique à tous les pays, mais avec des coûts plus élevés pour les pays qui ne réduisaient pas leurs émissions. Les citoyen-ne-s les plus hostiles étaient ceux des États-Unis, de Russie ou de Chine. Parmi les outils privilégiés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, les programmes éducatifs destinés au grand public arrivaient en tête : 78% (valeur pratiquement constante dans tous les pays). Enfin, 45% des citoyen-ne-s souhaitaient que l’on arrête toute exploration pour trouver des combustibles fossiles. Et résultat surprenant : les citoyen-ne-s des pays exportateurs de pétrole étaient tout de même 34% à approuver cette mesure.
À l’inverse du fort soutien dont bénéficie la taxation du carbone, sa tarification peinait à convaincre, les citoyen-ne-s préférant subventionner les énergies renouvelables et soutenir la recherche et le développement de solutions à faibles émissions de carbone. De manière générale, les citoyen-ne-s ont une préférence pour les mesures incitatives et les subventions parmi les mécanismes visant à réaliser des réductions importantes d’émissions de gaz à effet de serre. Il est difficile sur ce point de ne pas faire de parallèle avec les mesures de la Convention citoyenne pour le climat.
Pour une grande majorité de citoyen-ne-s, les pays à haut revenu devaient payer plus que le montant convenu pour l’atténuation et l’adaptation des pays à faible revenu (100 milliards de dollars). Une très large majorité considéraient par ailleurs que les contributions du secteur privé devaient être comptabilisées. Plus de la moitié des citoyen-ne-s se disaient favorables à la création d’une troisième catégorie de pays, les pays en développement les plus riches, avec plus de responsabilités.
Faire des promesses et les tenir
Si l’Accord de Paris n’a pas (encore ?) tenu ses promesses, il reste malgré tout une référence car il a créé les conditions « d’une progression spectaculaire » des solutions et des marchés bas carbone, selon un rapport du cabinet Systemiq [2]. Ce qui est notable, c’est le décalage entre les attentes des citoyen-ne-s et le temps des décisions ; entre les engagements pris par les Etats et la prise de conscience de l’urgence climatique au sein de la population. Le débat citoyen planétaire nous apprenait également que les citoyen-ne-s voulaient prendre part au choix des politiques à adopter dans la lutte contre le changement climatique. Elles/ils voulaient être entendu-e-s et considéré-e-s comme des acteur-trice-s du processus de décision, plutôt que d’être simplement soumis-e-s aux mesures prises par d’autres.
Bien que les résultats révèlent plusieurs différences entre les pays, celles-ci sont moins significatives que la tendance générale au niveau mondial : les citoyen-ne-s encourageaient fortement une limitation du réchauffement climatique à moins de 2 degrés Celsius en 2100 (comparé au niveau de l’époque préindustrielle), tel que cela avait été convenu par la communauté internationale, à Copenhague, en 2009. L’appui apporté à ces objectifs, de court et long terme, juridiquement contraignants, montrait que les citoyen-ne-s voulaient s’assurer que les engagements pris seraient également tenus. Elles/ils voulaient aussi que leurs dirigeants assument la responsabilité de leurs promesses.
Elles/ils soutenaient alors l’initiative qui proposait que les pays actualisent leurs engagements climatiques tous les cinq ans et soumettent des comptes rendus annuels des progrès. Alors imaginons ce que la COP 26 de Glasgow (reportée en novembre 2021 à cause de la pandémie) pourrait être : un moment de présentation des engagements nationaux co-évalués avec des participant-e-s de chaque pays. Tachons cette fois-ci de ne pas passer à côté de l’accélération de la transition que les citoyens peuvent constituer.