L’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI) du CNRS lance une grande consultation nationale « Aux maths citoyennes, citoyens ! » jusqu’au 30 avril 2025. L’objectif ? (Nous) Interroger sur la place des mathématiques dans la société. Christophe Besse directeur de l’INSMI revient sur les motivations et l’ambition de cette démarche inédite.
Missions Publiques. Quel constat a motivé cette grande consultation nationale ? Comment décririez-vous aujourd’hui le rapport que les Françaises et Français entretiennent avec les mathématiques ?
Christophe Besse. La France est une référence mondiale de la recherche en mathématiques, mais paradoxalement, leur enseignement et leur perception restent marqués par des inégalités et un manque d’attractivité. C’est la raison pour laquelle nous avons initié une réflexion nationale pour imaginer une place ambitieuse et un accès large aux mathématiques dans la société française. Cette réflexion nous l’avons initiée dès 2022 avec les « Assises des mathématiques », un projet inédit qui avait pour objectif de dresser un état des lieux, d’identifier les faiblesses et de proposer des améliorations, grâce à des témoignages d’industrielles et d’industriels, de scientifiques d’autre disciplines, de représentantes et représentants de la société civile ou encore de personnalités politiques. Aujourd’hui, nous souhaitons étendre cette réflexion auprès du grand public.
Missions Publiques nous accompagne sur l’ensemble de la consultation intitulée « Aux maths citoyennes, citoyens ! Grande consultation nationale ». Cette initiative unique en son genre pour une science comporte une consultation en ligne(1) (ouverte jusqu’au 30 avril), des ateliers citoyens, organisés par toute personne souhaitant s’impliquer dans la démarche, et deux panels de citoyennes et citoyens (de mai à juillet 2025) pour apporter des réponses à deux questions : comment améliorer l’accès aux mathématiques de toutes et tous à tous les âges de la vie ? Quels outils et lieux de médiation pourraient aider à y contribuer ?(2) Les conclusions seront de la consultation seront remises à l’automne prochain.
Missions Publiques. Comment expliquer ce fossé entre l’importance des mathématiques dans le monde contemporain (sciences, économie, numérique…) et la perception qu’en a la société ?
Christophe Besse. Les résultats intermédiaires de la consultation en ligne semblent indiquer que le fossé n’est pas si présent. Les citoyennes et les citoyens sont bien conscients de la présence des mathématiques dans le quotidien et les avancées technologiques. En effet, elles jouent un rôle clé dans l’innovation. Les mathématiques sont partout et leur maîtrise est essentielle dans nos vies. Elles sont à la base de nombreuses actions du quotidien et sont capitales pour évoluer dans une société aussi numérique et mathématique que la nôtre. Les mathématiques sont également structurantes dans la formation de l’esprit critique et scientifique et permettent d’analyser des informations chiffrées et des ordres de grandeur.
"Il existe actuellement un risque que la désaffection pour les mathématiques désarme les générations futures face à la désinformation et transforme le nécessaire esprit critique en défiance non argumentée.
© Cyril FRÉSILLON / CNRS Images
Christophe Besse
Directeur de l’INSMI
Missions Publiques. Peut-on dire que revaloriser les mathématiques, c’est aussi revaloriser une forme de pensée critique et rationnelle dans le débat public ?
Christophe Besse. D’un point de vue plus large, la formation en mathématiques contribue à l’éducation citoyenne en cultivant la pensée critique. Lorsqu’on applique les compétences acquises en mathématiques à d’autres contextes, on renforce sa capacité à remettre en question les informations chiffrées, à vérifier la validité des arguments, à reconnaître les biais, à distinguer les faits des opinions. Il existe actuellement un risque que la désaffection pour les mathématiques désarme les générations futures face à la désinformation et transforme le nécessaire esprit critique en défiance non argumentée.
Au regard de l’ensemble de ces constats, il nous a ainsi semblé important d’interroger la place des mathématiques dans la société.
Missions Publiques. Qu’attendez-vous de cette consultation ?
Christophe Besse. Nous souhaitons tout d’abord recueillir une parole en dehors de nos sentiers battus pour avoir une meilleure appréhension du rapport aux mathématiques dans la société. Nous serions aussi très heureux de recevoir des attendus, des recommandations ou des réflexions venant directement du public sur la question d’accès aux mathématiques, en particulier l’accès des femmes, mais aussi la formation tout au long de la vie. Cette consultation citoyenne sera aussi pour nous un élément fort pour aller voir les décideuses et les décideurs et trouver ensemble des moyens ou des leviers pour répondre aux attentes du public mais aussi des entreprises qui ont besoin de plus en plus de compétences en matière de mathématiques. Enfin, on veut que l’on parle des mathématiques pendant quelques mois de façon sereine et apaisée. Montrer que les mathématiques restent un outil formidable et que l’on peut les aimer sans crainte.
Missions Publiques. Une touche personnelle pour conclure : vous souvenez-vous de votre premier souvenir fort lié aux mathématiques ?
Christophe Besse. Quel étonnement le jour où j’ai découvert qu’il y a plusieurs infinis et certains plus grands que d’autres. De même, réaliser qu’on peut imaginer des objets en dimension supérieure à l’espace ambiant (tridimensionnel) est absolument extraordinaire.
