Temps de l’enfant : « cette Convention ne fonctionne pas en vase clos, c’est sa force »

À la tête de la direction de la participation citoyenne depuis sa création en 2022, Juliette Agez pilote l’intégration des citoyennes et citoyens dans les travaux du Conseil économique, social et environnemental. Dans cet entretien, elle revient sur les évolutions qui ont transformé l’institution et sur ce qui fait la particularité de la dernière Convention citoyenne sur les temps de l’enfant.

Missions Publiques. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots et revenir sur les grandes étapes de votre parcours ? Quelles expériences, personnelles ou professionnelles, vous ont particulièrement préparée à prendre la direction de la participation citoyenne au CESE ?

Juliette Agez. Après un Master spécialisé dans l’ingénierie de la concertation à l’Université Paris I, j’ai démarré mon parcours professionnel au sein d’une « civic tech », Cap Collectif. Cela m’a permis de déployer une très grande variété de dispositifs participatifs, de toute nature, notamment au service de collectivités territoriales et de ministères. J’ai rejoint le CESE il y a 5 ans, d’abord en tant que « chargée des relations avec des citoyens ». A l’époque, le CESE recourait déjà à quelques dispositifs participatifs et suivait de très près les pétitions citoyennes, grâce à une veille très active et à des relations approfondies avec les auteurs de pétitions. La réforme de 2021 a marqué un tournant à la fois qualitatif mais aussi quantitatif dans le déploiement des dispositifs participatifs, en faisant du CESE le « carrefour des consultations citoyennes ». La participation des citoyens aux travaux du CESE est devenue une modalité centrale de construction des préconisations de la société civile organisée, représentée au CESE, à l’attention des décideurs publics.

 

Missions Publiques. La direction de la participation citoyenne existe depuis 2022 au CESE. Quel est son rôle dans l’institution, en quoi complète-t-elle le travail des conseillers, et quels sont aujourd’hui les principaux défis auxquels elle est confrontée ?

Juliette Agez. La direction de la participation citoyenne (DPC) a été créée à la suite de la réforme de 2021, qui fait du recueil de la parole citoyenne une mission centrale du CESE et qui vient ainsi renforcer les travaux de la société civile organisée.

Notre rôle : accompagner les 175 conseillères et conseillers du CESE dans le déploiement des dispositifs participatifs qui viennent enrichir leurs avis. En lien avec les enjeux propres à chaque saisine et sujets traités, nous concevons puis déployons différentes méthodes participatives : journées délibératives, ateliers dans les territoires, plateformes en ligne, et même intégration de citoyens tirés au sort directement dans les commissions sur toute la durée des travaux. Intelligence artificielle, financement des associations, EVARS… les sujets sont riches et variés !

Parmi nos tâches au quotidien, le suivi de la redevabilité sur le temps plus long (qu’on appelle parfois reddition de compte) est central. Nous développons différents outils, comme le déploiement de tableaux de suivi de chaque contribution pour en expliciter les arbitrages ou encore l’organisation systématique de webinaires avec les participants environ 6 mois à l’issue des travaux, pour les informer de la façon dont leurs contributions ont été reprises et des actions entreprises par les rapporteurs pour les porter auprès des pouvoirs publics.

Notre enjeu, c’est d’ancrer ces méthodes et outils au cœur des travaux du CESE, afin de systématiser la co-construction des préconisations entre les retours de terrain issus de la société civile organisée – représentée au CESE via les organisations – et ceux des citoyennes et citoyens. S’appuyer sur les retours concrets et rechercher des voies de passage entre opinions contradictoires : c’est là précisément l’ADN du CESE.

"Je fais le pari que les propositions finales seront toujours plus concrètes et solides car fondées sur les réalités du vécu des enfants, de leurs parents et des professionnels du secteur.

Juliette Agez

Directrice de la participation citoyenne du CESE

Missions Publiques. Après la Convention citoyenne pour le climat (2020) et celle sur la fin de vie (2023), le CESE organise une troisième convention sur les temps de l’enfant. Quelles évolutions observez-vous par rapport aux deux premières expériences, aussi bien dans la conception que dans la mise en œuvre ? Quels enseignements en avez-vous tirés et comment se traduisent-ils concrètement dans cette nouvelle démarche ?

Juliette Agez. Depuis 5 ans et la toute première Convention citoyenne, le CESE a connu de nombreuses évolutions sur la participation citoyenne : réforme de 2021, internalisation des compétences via la création d’une direction dédiée et la montée en compétences des 150 agentes et agents du CESE, ancrage d’une doctrine méthodologique…. Il est clair que d’une Convention à l’autre, l’institution a fait sa mue. Pour les conseillers comme pour les agents, les conventions citoyennes font désormais partie du quotidien.

J’illustrerais avec un exemple parlant : parmi la trentaine de personnes qui composent le collectif d’animation et qui, à ce titre, accompagnent les délibérations des citoyens durant les week-ends de Convention, la moitié sont des agents du CESE formés aux méthodes d’animation. C’est une innovation majeure pour une institution, qui repose sur la bonne volonté de mes collègues issus de tous les métiers : administrateurs, informaticiens, chargés des marchés publics ou de communication… Pendant les week-ends, ils sont animateurs et vérificateurs de faits. Nous sommes ravis de travailler avec les équipes de Missions Publiques sur cette Convention citoyenne, qui ont à cœur de contribuer à la montée en compétences de nos collègues du CESE en transmettant leur expérience et leurs bonnes pratiques.

 

Missions Publiques. Pour cette Convention, le CESE a choisi d’associer un panel spécifique de jeunes et de déployer des ateliers dans les territoires. Quelles raisons ont motivé ce double dispositif, et en quoi cette diversité d’approches enrichit-elle le processus de concertation et la légitimité des conclusions qui en ressortiront ?

Juliette Agez. Il s’agit en effet d’une première dans le cadre d’une Convention citoyenne à l’échelle nationale : les 140 citoyennes et citoyens tirés au sort voient leurs délibérations enrichies de deux dispositifs complémentaires : un panel de 20 enfants et adolescents – de 12 à 17 ans –, qui se réunira durant six journées ; et des ateliers territoriaux – au total une trentaine, réunissant des élus, des parties prenantes, des parents d’élèves ainsi que des enfants – ont été déployés tout l’été en France métropolitaine et dans les Outre-mer.

Cette Convention ne fonctionne pas en vase clos, c’est sa force : elle s’ancre dans le réel. Compte tenu de la nature très spécifique du sujet des temps de l’enfant (rares sont les personnes qui ne sont pas impactées par les rythmes de l’enfant d’une manière ou d’une autre), il nous a semblé nécessaire d’organiser le recueil direct des contributions de la société aux travaux des conventionnels. Quel est le vécu des premiers concernés, à savoir les enfants ? Comment se sentent-ils dans leur quotidien ? Comment appréhender les différences d’organisation du temps, selon que l’on grandit à la campagne ou en ville ?

L’enjeu, désormais, sera de permettre aux 140 citoyens tirés au sort de se nourrir de ces contributions des jeunes et des territoires, pour enrichir leurs propositions de ces réalités vécues. Le bilan sera à tirer à la fin des travaux, mais je fais le pari que les propositions finales seront toujours plus concrètes et solides car fondées sur les réalités du vécu des enfants, de leurs parents et des professionnels du secteur.


  • Pour en savoir plus sur la Convention citoyenne sur les temps de l’enfant que nous accompagnons : cliquez sur notre fiche projet
  • Pour accéder au site du CESE, c’est ici
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