De Bratislava à Oslo, avec YouthDecide 2040, 600 jeunes venus de toute l’Europe co-créent des scénarios et des stratégies pour renforcer les institutions démocratiques. Coordinateur du projet à l’Austrian Institute of Technology, Michael Bernstein explique comment cette démarche participative place la jeunesse au centre des visions et des décisions qui façonneront l’avenir de la démocratie européenne.
Missions Publiques. Pouvez-vous vous présenter et expliquer votre rôle dans YouthDecide 2040 ?
Michael Bernstein. Je suis chercheur et coordinateur du projet YouthDecide 2040, piloté par l’Austrian Institute of Technology. Mon rôle est de garantir la cohérence de l’ensemble : planifier les différentes étapes, de la recherche aux ateliers, assurer la bonne coopération entre partenaires et maintenir le lien avec la Commission européenne qui finance ce projet Horizon Europe. Je m’assure que chaque activité (rencontres créatives, ateliers, consultations en ligne) contribue à un objectif commun : co-construire avec la jeunesse européenne des visions et des stratégies pour renforcer nos démocraties d’ici 2040.
Missions Publiques : YouthDecide est présenté comme un projet de recherche. De quoi s’agit-il exactement ?
Michael Bernstein. En 2023, la Commission européenne a lancé un appel pour explorer l’avenir de la démocratie en Europe. Avec Missions Publiques, nous avons vu une occasion unique d’associer recherche scientifique et participation citoyenne. Nous avons monté un consortium réunissant des experts en gouvernance démocratique, engagement des jeunes, prospective, design participatif, communication et plaidoyer. Pendant neuf mois, nous avons élaboré une proposition ambitieuse pour impliquer 600 jeunes issus des 27 États membres dans un processus collectif de réflexion et d’action
C’est un projet financé par le programme Horizon Europe, donc ancré dans la recherche, mais avec une dimension très pratique. Nous combinons l’analyse scientifique (des données, des tendances, des risques) et la co-création citoyenne. L’équipe de recherche a d’abord passé en revue des centaines de publications pour identifier les menaces et les facteurs de résilience des démocraties. Ces connaissances nourrissent la suite : les ateliers avec les jeunes, la création d’outils pour imaginer des scénarios, et enfin des recommandations stratégiques. L’idée est de lier rigueur académique et intelligence collective.
Missions Publiques. Quelles sont les grandes leçons tirées de cette première phase d’analyse ?
Michael Bernstein. Quatre défis clés se dégagent de cette analyse.
- La fragilité du tissu démocratique : désintérêt citoyen, polarisation et désinformation affaiblissent la participation. Des médias intègres, une éducation civique solide et des gouvernements capables de répondre aux besoins publics renforcent au contraire la confiance.
- Les inégalités économiques et le poids des élites : l’inégalité économique nourrit l’inégalité politique, créant un cercle vicieux qui fragilise les institutions. Il faut des politiques sociales et économiques robustes et une citoyenneté active pour contrer ce phénomène.
- L’affaiblissement institutionnel : la démocratie repose sur l’égalité devant la loi, des élections libres et fiables, et des contre-pouvoirs forts. La transparence et la légitimité de l’action publique sont essentielles pour maintenir la confiance.
- Le manque de vision à long terme : les politiques doivent mieux prendre en compte les besoins des générations futures, notamment en matière de ressources et d’environnement.
"La démocratie n’est pas seulement un héritage à préserver, mais une construction collective, en mouvement, qu’il faut sans cesse réinventer.
Michael Bernstein
Coordinateur du projet à l’Austrian Institute of Technology
Missions Publiques. Comment les jeunes sont-ils associés à chaque étape ?
Michael Bernstei. Dès le début. Deux organisations européennes de jeunesse – le European Democracy Youth Network et le Forum européen de la jeunesse – participent à la gouvernance du projet. Les jeunes ont aidé à concevoir les documents de délibération et la boîte à outils de co-création de scénarios. L’été 2025, des ateliers régionaux de Bratislava à Oslo ont testé cette méthodologie. En 2026, environ 600 jeunes prendront part à des ateliers nationaux pour imaginer des scénarios concrets. Ces travaux nourriront ensuite des consultations ouvertes à toutes les générations, mais avec les jeunes en première ligne pour valider les propositions.
Missions Publiques. Comment vous assurez-vous que ces propositions ne restent pas lettre morte ?
Michael Bernstein. Nous avons conçu YouthDecide 2040 pour maximiser son impact politique. Nos partenaires, le Europe Partnership for Democracy et le Forum européen de la jeunesse, portent déjà la voix des citoyens à Bruxelles. Nous travaillons pour que les recommandations issues du projet intègrent leur action de plaidoyer et puissent être présentées aux institutions européennes, voire reprises par d’autres acteurs publics. En parallèle, nous mettons à disposition une boîte à outils et une méthodologie ouverte, afin que tout groupe – collectivités, associations, universités – puisse reproduire cette démarche après la fin officielle du projet en 2027. L’idée est que l’élan créé ne s’arrête pas avec la fin du financement.
Missions Publiques. Qu’est-ce qui vous inspire le plus dans ce processus ?
Michael Bernstein. Voir des jeunes Européens, venus d’horizons culturels et politiques très différents, inventer ensemble des solutions concrètes pour l’avenir démocratique du continent. Leur énergie et leur créativité sont une source d’espoir. Ils rappellent que la démocratie n’est pas seulement un héritage à préserver, mais une construction collective, en mouvement, qu’il faut sans cesse réinventer.