Chaque année, une ville européenne est choisie comme Capitale européenne de la démocratie. Nous avons rencontré Stefan Sindelar, président de l’association EcoD à l’origine de cette initiative et l’un de nos partenaires dans ScaleDem, le programme européen pour la recherche et l’innovation démocratique.
Missions Publiques. Pourquoi votre organisation a-t-elle été créée ? En quoi est-elle unique et pertinente dans le paysage de l’innovation démocratique et du réseau des villes ?
Stefan Sindelar. Nous avons lancé l’initiative de la Capitale européenne de la démocratie pour renforcer et renouveler la démocratie en identifiant, en mettant en lumière et en connectant les pionniers et les leaders des pratiques participatives innovantes à travers l’Europe.
Nous sommes partis d’une conviction : les villes sont des laboratoires de la démocratie et des incubateurs pour les innovations démocratiques. Les administrations locales, de par leur proximité avec les habitants et leur échelle adaptable, peuvent efficacement ajuster les programmes, les politiques et les infrastructures aux besoins de la communauté et aux contraintes budgétaires. Les citoyens participent souvent aux discussions sur l’urbanisme, les infrastructures, la santé et l’environnement. Par exemple, en matière de mini-publics délibératifs, l’OCDE a constaté qu’ils sont les plus populaires au niveau local. Concernant les innovations démocratiques numériques, les « villes intelligentes » deviennent la norme : des budgets participatifs aux services publics numériques en passant par la gestion des préoccupations des citoyens, les villes innovent en matière de prise de décision numérique pour résoudre des problèmes urbains proches des luttes quotidiennes concrètes des habitants.
La manière dont les villes engagent leurs habitants pour résoudre ces problèmes se reflète dans le niveau de confiance résilient envers la démocratie locale. Les derniers sondages Eurobaromètre montrent que les villes et régions restent les niveaux de gouvernement les plus dignes de confiance en Europe. Bien qu’elles soient toujours en tête, il reste clairement du travail pour regagner la confiance d’un public ébranlé par une pandémie mondiale.
Nous avons lancé l’initiative de la Capitale européenne de la démocratie pour valoriser et encourager ces efforts. Chaque année, une ville différente est choisie comme Capitale européenne de la démocratie par un jury de plus de 4 500 citoyens européens. La première Capitale de la démocratie a été Barcelone (2023/24) et bientôt, Vienne prendra le relais (2024/2025). Toutes les villes candidates intègrent le Réseau européen des villes, bénéficiant d’échanges de connaissances, de partages d’expériences et de coopérations internationales. Actuellement, 21 villes de 13 pays font partie de notre Réseau des villes.
Missions Publiques. Les candidatures pour devenir la Capitale européenne de la démocratie 2026 sont ouvertes. Qui peut candidater ? Quels sont les avantages pour les villes sélectionnées ? Quels retours avez-vous de Barcelone et de Vienne ?
Stefan Sindelar. Les candidatures sont ouvertes jusqu’au 15 novembre 2024 pour concourir au titre de Capitale européenne de la démocratie 2026.
Être désignée Capitale européenne de la démocratie apporte de nombreux avantages, notamment une reconnaissance internationale en tant que centre d’innovation, des opportunités d’accueillir des événements internationaux, et un renforcement de la fierté civique. La ville lauréate organise pendant un an un programme d’événements, de festivals et d’activités axés sur la démocratie, incluant les Innovation in Politics Awards, la conférence des maires ACT NOW, et la game jam Truth, Lies & Democracy. De plus, toutes les villes candidates rejoignent le Réseau européen des villes et bénéficient d’un accès à des échanges de connaissances précieux et à une coopération internationale.
Pendant un an, Barcelone a accueilli des centaines d’acteurs de la démocratie et d’initiatives liées, et a bénéficié d’une exposition significative grâce à ce titre. Selon le maire de Barcelone, Jaume Collboni : « Les villes sont les lieux où la démocratie est née. En tant que première Capitale européenne de la démocratie, Barcelone vise à être un exemple pour toutes les villes européennes confrontées au défi de défendre la démocratie. »
Bientôt, le titre passera en Europe centrale, avec Vienne succédant à Barcelone. Pour le maire Michael Ludwig : « C’est un immense honneur pour Vienne d’être nommée Capitale européenne de la démocratie 2024/25. Au cours des prochaines années, Vienne mettra en avant des projets innovants montrant comment la cohésion sociale peut être renforcée grâce à la participation des citoyens. »
"L’histoire riche de l’Europe, avec ses contextes et cadres régionaux variés, offre un réservoir d’expériences et de bonnes pratiques sur lequel s’appuyer.
Stefan Sindelar
Président de l’association EcoD
Missions Publiques. Vous êtes un membre clé du projet ScaleDem : quels sont, selon vous, les principaux défis pour étendre les innovations démocratiques aux villes européennes, et, à l’inverse, les clés de leur succès ?
Stefan Sindelar. Comme mentionné, notre travail repose sur la conviction que les villes sont des moteurs d’innovations démocratiques et qu’elles sont les mieux placées pour garantir la confiance des citoyens envers les institutions et processus démocratiques.
Bien que les défis géopolitiques et sociétaux soient importants, et que les attentes des citoyens en matière de participation soient plus élevées que jamais, l’histoire riche de l’Europe, avec ses contextes et cadres régionaux variés, offre un réservoir d’expériences et de bonnes pratiques sur lequel s’appuyer.
Le plus grand défi n’est donc pas un manque de créativité, mais peut-être un manque de communication : un obstacle majeur pour les villes aujourd’hui est le paysage fragmenté des connaissances et le manque d’actions coordonnées entre les acteurs clés. Pour avoir un impact plus grand, nous devons travailler davantage à construire des ponts et à interconnecter diverses plateformes, réseaux et ressources de connaissances, qui travaillent encore trop souvent en silo et échouent ainsi à toucher une majorité d’acteurs et d’utilisateurs potentiels. Il y a aussi, bien sûr, la question des opportunités de financement, qui restent rares et encouragent une compétition malsaine et improductive entre les acteurs clés.
Missions Publiques. Douze partenaires sont impliqués dans ScaleDem. Quel sera votre rôle spécifique dans ce projet ?
Stefan Sindelar. En s’ajoutant à un consortium international solide composé d’institutions scientifiques, EcoD NPO apportera son expérience pratique pour identifier les innovations démocratiques et sociétales les plus prometteuses en Europe, ainsi que son réseau de villes.
En s’appuyant sur une base de données de bonnes pratiques issues des Innovation in Politics Awards et des projets de démocratie du Réseau européen des villes, EcoD jouera un rôle clé dans la sélection équitable et transparente des pilotes et des coalitions jumelées.
En particulier, EcoD mobilisera son réseau d’experts et de praticiens dans des domaines pertinents à travers l’Europe, y compris les membres renommés du Jury d’experts, pour faciliter la présélection des candidatures les plus prometteuses. ScaleDem prévoit de redistribuer un million d’euros à des tiers, et nous avons l’intention de le faire correctement !
Via son réseau existant, notamment au sein des communautés de pratiques dans les villes, municipalités, régions, nations et au niveau européen, EcoD contribuera également aux efforts de communication, de diffusion et d’engagement de ScaleDem, notamment dans le Translation Hub du projet. Les résultats clés de ScaleDem seront partagés lors d’événements de haut niveau dans le cadre de l’année de programme de la Capitale européenne de la démocratie, y compris lors des finales des Innovation in Politics Awards et sous des formats artistiques.
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Pour en savoir plus sur le projet ScaleDem : notre fiche projet
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Lire l’interview de Rieke Wönig de Democracy Reporting International (DRI), un autre de nos partenaires dans le projet
