Archives des CCC - Missions Publiques https://missionspubliques.org/tag/ccc/ Tue, 17 Dec 2024 10:51:24 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.8.3 https://missionspubliques.org/wp-content/uploads/2021/03/favicon.png Archives des CCC - Missions Publiques https://missionspubliques.org/tag/ccc/ 32 32 2019 : La Convention citoyenne pour le Climat – 25 ANS #7 https://missionspubliques.org/2019-la-convention-citoyenne-pour-le-climat-25-ans-7/ Wed, 23 Oct 2024 12:00:21 +0000 https://missionspubliques.org/?p=11263 L’article 2019 : La Convention citoyenne pour le Climat – 25 ANS #7 est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
L’article 2019 : La Convention citoyenne pour le Climat – 25 ANS #7 est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
« Une claque climatique et démocratique » https://missionspubliques.org/une-claque-climatique-et-democratique/ Wed, 10 Mar 2021 14:13:55 +0000 https://missionspubliques.org/?p=3363 L’article « Une claque climatique et démocratique » est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Grégoire Fraty est un des 150 tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat. 18 mois de travaux qui l’ont fait passer de citoyen ordinaire à citoyen militant. Un engagement « marathon » qu’il compte bien faire fructifier désormais dans sa vie de tous les jours, et pourquoi pas en politique. Il revient pour nous sur son livre (1) et la dernière session de la Convention.

Missions Publiques : Dans votre livre, vous dites « une convention citoyenne ne doit pas être un séminaire abrutissant, elle doit au contraire être vivante, en mouvement, pour répondre aux injonctions de la vie démocratique citoyenne ». Pourtant, les membres de la Convention ne se sont pas beaucoup affranchis du mandat. Comment l’expliquez-vous ?

Grégoire Fraty : Nous sommes tout de même parvenus à nous extirper un petit peu du mandat en décrochant notamment des temps de travail sur l’éducation, ce qui n’était pas prévu. Le plus compliqué a été d’obtenir des temps de travail sur la Constitution alors que les mesures qui en découlent n’ont pas un impact direct sur les émissions de gaz à effet de serre. Nous aurions aussi souhaité traiter de biodiversité, sans succès sur ce point. La vraie complexité résidait dans la présence d’un comité de gouvernance très fort et face à cela, une absence de collectif citoyen organisé permettant de porter une voix commune. Les citoyennes et les citoyens présents au sein du comité de gouvernance étaient tirés au sort, leur légitimité était donc très fragile vis-à-vis des autres. Pour s’extirper du mandat, c’était un vrai combat ! C’est pour cela que nous avons demandé à avoir des temps internes aux 150, sans animateur ni comité de gouvernance. Puis, l’idée de créer l’association des 150 a émergé pour porter une parole collective citoyenne. Là encore, c’est une sortie de route puisque la question du suivi ne figurait pas dans le mandat. En réalité, nous avons eu 9 mois de Convention, et 9 mois de suivi. La moitié s’est donc réalisée hors mandat. C’est notre outil, notre identité, notre propre voix.

Missions Publiques : « Nous faisions de la politique malgré nous » dites-vous. L’association des 150 n’est-elle pas une association politique, au sens où elle entend peser sur la société par ses actions, suivre les mesures, soutenir des démarches au local etc. ? N’est-il pas temps de tourner la page de « conventionnel » ?

Grégoire Fraty : Elle est plutôt non partisane. Quand j’ai co-fondé l’association, nous avons fait inclure une ligne qui précise que cette association ne pourra jamais soutenir un parti ou un candidat. L’idée était d’éviter d’en faire une énième force militante mais une base citoyenne. Alors oui, nous faisons de la politique mais au sens noble du terme et nous rencontrons tous les courants, de Valérie Pécresse à François Rufin, de la CGT au Medef… Pour moi, le temps du collectif est fini. Je suis pour que nous retournions à notre vie de citoyen, à notre vie quotidienne, pour parler à nos voisines et voisins. Certain-e-s vont s’engager dans l’associatif, d’autres vont s’investir en politique dans les prochaines semaines… très à gauche, chez les Verts mais aussi à droite.

Au travers des votes de la dernière session, j’ai ressenti un certain clivage entre les citoyennes et citoyens qui ont pris une posture politique, celles et ceux qui ont pris une posture factuelle, d’autres plus d’engagés. Cette dernière session n’était pas une session joyeuse, c’était une session âpre, pleine d’amertume et de confrontations. Preuve que l’exercice a fait son temps. 18 mois, c’est très long et forcément ça « change » la ou le citoyen lambda tiré au sort. Je suis contre la professionnalisation du citoyen, il faut donc faire attention à la longueur de ces démarches.

L’investissement de la France sur cette convention citoyenne a été de former 150 personnes pour qu’elles deviennent des citoyennes et des citoyens éclairés.

Missions Publiques : Citoyen tiré au sort, bénévole associatif, militant de la cause climatique… le retour à la « normalité » est-il vraiment ce que vous envisagez ?

Grégoire Fraty : Nous avons fait de la politique pendant 18 mois, nous avons été noyés dans les institutions républicaines. Nous avons beaucoup appris sur l’aspect climatique, mais aussi énormément sur l’aspect démocratique, voire autant. C’est pour cela que je parle de double claque dans mon livre. Nous nous sommes formés : sur le rôle des institutions, sur l’aspect médiatique, sur comment parler aux expert-e-s, aux élu-e-s, pendant les réunions publiques. L’investissement de la France sur cette convention citoyenne a été de former 150 personnes pour qu’elles deviennent des citoyennes et des citoyens éclairés. J’ai l’impression que je dois faire fructifier cette expérience. Mon engagement en tout cas est de continuer à titre personnel. Ce n’était pas du tout dans ma nature. Avant la Convention, mes loisirs étaient la lecture, les jeux vidéo et le piano. Pas une seule fois le week-end, je donnais du temps à une association. Mon investissement, c’était mon travail (2). Aujourd’hui, je suis prêt à passer mes week-ends à m’engager au service du climat. Je ne veux pas m’arrêter.

Missions Publiques : Comment toucher plus largement ? Comment passer des 150 aux 67 millions de Français ? Vous dites « regretter » que la France ait la culture du plébiscite mais pas du référendum. Est-il, à vos yeux, un outil pour permettre ce changement d’échelle ?

Grégoire Fraty : Une partie de nos mesures vont dans ce sens. Par exemple, nous avons préconisé deux heures d’environnement et de développement durable toutes les semaines au collège et au lycée. Mais un des mesures qui permet de s’adresser plus largement aux Françaises et Français, c’est le référendum sur l’article 1 de la Constitution (3). Il pourrait y avoir un grand basculement sociétal à ce moment-là avec un grand débat climatique au niveau national, avec les « pour », les « contre », des spots télévisés afin que toutes et tous puissent avoir ce débat dans les maisons… Sur le volet de la formation professionnelle, nous demandons la création d’une journée par an consacrée aux gestes écoresponsables, comme pour le secourisme au travail. Je ne suis pas un expert mais je suis quelqu’un d’informé et de sensibilisé. J’ai bien conscience que nos 149 mesures seront acceptables pour des citoyennes et citoyens informés et sensibilisés comme je l’ai été.

Concernant le référendum, j’aimerais bien prouver qu’il ne s’agit pas ici de référendums plébiscitaires. Les Français-e-s ne sont pas habitué-e-s à ce qu’on leur demande leur avis, en dehors des périodes électorales comme cela peut se faire en Suisse par exemple. A mon avis, les citoyen-ne-s seraient prêt-e-s à se déplacer tous les 6 mois ou une fois par an pour répondre à 2/3 grandes questions (4). Mais ce n’est pas dans notre ADN institutionnel. Rien que pour modifier l’article 1, c’est un chemin de croix avec le Sénat alors qu’il s’agit d’une question consensuelle.

Missions Publiques : La Convention a proposé « seulement » trois mesures à référendum. Vous avez remis vos propositions aux mains des élus. C’est un signe de confiance dans les institutions ?

Grégoire Fraty : C’est finalement rassurant ce vote renvoyant la responsabilité sur les institutions nationales. Il y a des membres de la Convention qui ne votaient pas avant et qui se présentent aujourd’hui sur des listes électorales. Avec le recul, cela fait sens notamment par rapport à la critique sur notre légitimité. Nous ne l’avons pas conçue en opposition à celles des élu-e-s et nous avons tout de suite compris que la Convention avait sa place dans les institutions et non pas dans la confrontation. Notre mandat le stipulait par ailleurs : une place entre le Gouvernement et le Parlement. Il aurait été plus simple d’ailleurs d’avoir une place « à côté ».  Mais cette place, nous l’avons trouvée. Aujourd’hui, les parlementaires s’adressent à nous sur le fond. C’est un vrai plaisir de démarrer une audition à l’Assemblée nationale sans avoir à justifier qui je suis, d’où je parle etc.

Missions Publiques : Revenons à la dernière session de la Convention qui a voté sur la prise en compte des propositions par le Gouvernement. Sur les six grands thèmes, aucune mesure n’a obtenu la moyenne (5). D’un côté, un petit nombre de membres avait décidé de voter zéro à tout et de l’autre, une des rares mesures reprise « sans filtre » (à savoir la modification de la Constitution) a obtenu la note de 6/10. Comment analysez-vous cela ?

Grégoire Fraty : Il y a en effet une vingtaine de personnes qui ont joué le jeu du tout ou rien et ont décidé d’utiliser l’expérience. Elles ont donc voté sans prendre en compte les heures que nous avions eu au préalable avec le groupe d’appui, où nous avions relevé qu’une dizaine de mesures avaient été reprises et étaient en vert dans notre tableau de suivi. La modification de l’article 1 n’a obtenu que la note de 6/10 alors que c’était mot pour mot notre mesure… C’est une réponse politique donc que je ne juge mais qui ne répond pas à la question posée. En votant entre 0 et 6, et si la note finale est de 3,3, c’est donc la moyenne. Voilà l’analyse que j’en fait. Si nous avions eu un véritable vote, factuel, nous aurions quand même obtenu des mauvaises notes, mais elles auraient été analysables. Aujourd’hui, les politiques vont s’en dédouaner car ces notes n’ont pas de valeur. Encore une preuve que la Convention citoyenne est terminée et que le temps politique a repris ses droits.

A la question « la Convention citoyenne pour le climat a-t-elle été utile », la note a été de 2/10. A la question « Faut-il d’autres Conventions citoyennes », le résultat est de 7/10 ! C’est incohérent. Les citoyen-ne-s savent pertinemment qu’ils/elles n’ont pas servi-e-s à rien. Au début de la Convention, nous étions à 90% pessimistes. Aujourd’hui, une dizaine de mesures sont passées. Il aurait été plus utile d’organiser un vote en début de Convention pour juger des attentes, et à la fin de les analyser plutôt qu’organiser un vote sur notre niveau de satisfaction du Gouvernement. Nous avons été très ambitieux-se-s. Je vais même aller plus loin : aucun-e d’entre nous n’avaient l’espoir que nos 149 propositions passent. Le « sans filtre » a été interprété différemment mais comme le dit Sylvain (un autre citoyen), il a été notre « poison » pendant les débats.

Nos mesures n’ont pas de date de péremption, elles vont continuer à vivre !

Missions Publiques : Selon l’Observatoire des multinationales (6), les lobbies industriels ont mené « une guerre de l’ombre » contre la Convention et l’auraient donc sabotée. Qu’en pensez-vous ?

Grégoire Fraty : Nous avons écouté tout le monde : de l’artisan qui militait pour rénover à la paille à la fédération française des bâtiments, qui nous alertait sur le manque de paille etc. Nous leur avons donné un poids, nous ne pouvons pas reprocher au Gouvernement de le faire aussi. En revanche, il me semble que certains arbitrages ne sont pas justes. Certaines mesures ont été détricotées pour de funestes raisons comme la mesure sur la régulation de la publicité. A l’avenir, je souhaiterais bien voir une vraie régulation de la publicité, une nouvelle loi Evin : une loi forte qui permettrait de changer le quotidien des Français-e-s et leurs modes de consommation. Mais nos mesures n’ont pas de date de péremption, elles vont continuer à vivre !

Missions Publiques : Au vu de votre engagement tout au long de ces 18 mois, vous êtes favorable à la reconnaissance d’un statut de citoyen participant (7)… et quelles futures conventions citoyennes imaginez-vous ?

Grégoire Fraty : Je considère que les citoyennes et les citoyens doivent avoir les moyens de remplir leur mandat dans ce type d’exercices, qu’ils soient à un niveau national ou régional, comme la Convention citoyenne Occitanie par exemple. Derrière ce mandat, il y a des droits et des devoirs. Certains membres ont travaillé nuit et jour, y ont passé des week-ends entiers. Sur les 18 mois, j’ai pris 3 semaines de congé sans solde et je ne compte pas le temps pris sur ma vie personnelle. En étant cadre et en télétravail, je pouvais le faire et j’étais content de le faire. C’est illogique en revanche que des personnes qui ont un cadre de travail plus contraint, moins d’aisance financière ou des employeurs moins compréhensifs ne puissent pas le faire. Ce statut permettrait tout simplement de répondre à une commande publique.

Je verrais bien des futures conventions citoyennes sur la fin de vie ou le 4e âge, qui engloberait des questions de retraite, d’euthanasie, de prise en charge ; pourquoi une convention sur la légalisation du cannabis avec la place des drogues et de l’économie souterraine et enfin une convention sur le travail avec tous les sujets autour de l’emploi, de la manière dont on conçoit les contrats, la place des syndicats etc. Des conventions citoyennes sur des grands sujets de société qui donnent l’occasion à l’intelligence citoyenne de s’épanouir. Le climat, c’était parfait.

(1) « Moi, citoyen, l’aventure de la Convention citoyenne pour le climat vue de l’intérieur », Grégoire Fraty en collaboration avec Ondine Khayat, éditions First, février 2021.
(2) Grégoire Fraty travaille dans l’insertion et la formation professionnelle.
(3) Une des mesures de la Convention est de modifier l’article 1 de la Constitution en ajoutant « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique ».
(4) Voir notre interview d’Hélène Landemore qui décrit la démocratie du 21e siècle
(6) Lire le rapport de l’Observatoire des multinationales publié par le journal Reporterre
Crédit photo : Katrin Baumann

L’article « Une claque climatique et démocratique » est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Où chercher la qualité de la participation citoyenne ? https://missionspubliques.org/ou-chercher-la-qualite-de-la-participation-citoyenne/ Mon, 07 Dec 2020 08:52:14 +0000 https://missionspubliques.org/?p=3108 L’article Où chercher la qualité de la participation citoyenne ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Bernard Reber* a participé à l’analyse du Grand débat national, de la Convention citoyenne pour le climat et de la Convention citoyenne pour l’Occitanie. Pour le philosophe, la participation qualifiée de citoyens ou la démocratie participative ne sont pas des vaccins magiques qui préserveraient de tous les périls qui pèsent sur nos démocraties. Si elles peuvent compléter certaines promesses démocratiques, il faut encore savoir lesquelles.

Quelles sont les attentes légitimes qu’on peut avoir de ces citoyens ordinaires et que tous les autres citoyens n’auraient pas ou perdu ? En effet, ils ne sont qu’une toute petite partie des Français, ni élus, ni membres d’associations, ni experts, ni sondés, ni usagers… dont certains promoteurs de la participation oublient l’existence ou de penser la complémentarité.

De même, ces citoyens ordinaires tirés au sort sortent vite de l’ordinaire, par le fait même qu’ils acceptent de se livrer à l’expérience, ce qui constitue un premier biais. Ensuite l’analyse montre qu’ils ne sont pas si ordinaires par leurs expériences, certains sont parfois des élus, souvent des membres d’associations. Finalement, les processus d’information et de discussion auxquels ils participent, la loyauté d’association avec d’autres membres de l’assemblée les éloignent de ce qui aurait pu paraître comme une innocence d’origine garantissant une liberté de parole ou de voir plus loin. Un membre de la Convention citoyenne pour le climat s’interrogeait devant ce que ses membres étaient devenus comparés à l’ensemble des Français. En revanche, les participants à de telles expériences reconnaissent qu’ils n’auraient jamais rencontré et travaillé avec des gens aussi divers. Tous ont touché du doigt la complexité de la vie politique et les difficultés pour trancher des désaccords vifs.

Délibérer, être en désaccord, faire des choix

Si l’on laisse de côté le savant dosage de la part prise par les experts, le principal enjeu est de savoir comment participer et ce qui en garantit la qualité et la légitimité ? En effet, il ne s’agit pas simplement de faire monter en compétence un groupe hétérogène d’individus, suite à l’exposition à des savoirs très divers, et surtout au long temps d’investissement auquel la plupart des citoyens ne consentent pas. Après le temps des longues listes de propositions pour améliorer le bien-être d’une population, diminuer les gaz à effet de serre dans un esprit de justice sociale par exemple, il faut arriver à décider, faire des choix, sélectionner par des voies démocratiques face à des ensembles trop vastes, mais surtout conflictuels. Sur la base de ces désaccords et des incertitudes la délibération sur les moyens pour arriver à des fins peut alors offrir ce qu’elle a de meilleur. L’écoute et la discussion respectueuses sont des vertus de la délibération. Elles sont fort utiles à l’époque de réseaux si peu sociaux et au ton de certains échanges politiques confondant irrespect, mauvaise foi et sincérité, mais elles n’en sont pas le propre.

La délibération doit permettre de prendre en compte la difficulté du pluralisme pour des jugements collectifs et la nécessaire critique argumentée qui dépasse la critique comme défiance et le relativisme de tout se vaut. Certes on pourra toujours voter pour trancher, mais alors il n’est pas nécessaire de passer autant de temps à s’écouter et à donner des raisons, voire des arguments de ces choix. Le dernier pas est une prise en compte de la délibération comme s’appliquant à un système d’institutions où les mini-publics trouvent leur place (système délibératif). C’est vrai pour toute assemblée et pas seulement celles de citoyens tirés au sort.

* Bernard Reber est philosophe, directeur de recherche au CNRS, membre du Centre de recherches politiques de Sciences Po. Il est l’auteur notamment de La délibération des meilleurs des mondes, entre précaution et pluralisme, La démocratie génétiquement modifiée. Son prochain ouvrage Communication responsable. La délibération entre conversation et considération, ISTE, Londres, Wiley, New York, 2020.
"La délibération doit permettre de prendre en compte la difficulté du pluralisme pour des jugements collectifs et la nécessaire critique argumentée.

Crédit photo : Elise Colette

Bernard Reber

Directeur de recherche au CNRS

Converser et non se disputer

La participation exige des choix et pose de nouveaux problèmes dont les expériences récentes permettent la mise à l’épreuve. Si elles sont inédites par leur prise au sérieux au plus niveau de l’Etat et leur ampleur, le Grand débat national, foisonnant, et son symétrique inverse, la Convention citoyenne pour le climat, plus confinée et focalisée sur une seule question, elles ne font que révéler combien le chemin est long pour s’approcher des problèmes qui nécessitent la délibération. Les arguments qu’elle requiert ne sont pas à penser uniquement sous un mode antagoniste, agonistique, voire comme les arguments juridiques d’un procès. Les arguments peuvent indiquer la liste des questions auxquelles il faut répondre pour faire avancer son raisonnement, ou mieux, un raisonnement ou un jugement collectif. Non pas des arguments faits, repris dans des discours d’emprunt, mais des arguments à faire ensemble, dont plusieurs personnes, institutions, savoirs, se partagent les réponses, fussent-elles parfois dissonantes. En effet une argumentation n’est pas une démonstration. C’est bien parce que la politique n’est pas une science, mais plus qu’une science puisqu’elle peut toutes les convoquer, qu’elle use depuis ses origines démocratiques de l’argumentation.

La délibération devrait même être précédée de conversations, avec les tâtonnements et les prises de risques qu’elles autorisent quand elles sont de qualité, avant d’entrer dans des délibérations argumentées. En effet, selon Montaigne, la conversation est l’opposée de la dispute. Elle n’est pas non plus du bavardage. La conversation permet de façon moins abrupte que la délibération tout d’abord de formuler son avis avec le temps nécessaire, les hésitations. L’obligation de le faire à haute voix, littéralement de s’exprimer, tout en prenant appui sur des interlocuteurs qui cherchent d’abord à comprendre, participe à la formulation de son opinion. La conversation implique une forme de civilité. Elle réclame du temps. Si elle est bonne, elle peut même faire oublier ce temps. Le problème du manque de temps est récurrent dans les expériences de telles assemblées. De plus, parler de sujets clivants comme la politique ou de conceptions éthiques comme la justice avec des personnes qu’on ne connaît qu’à peine n’est pas facile. Si les assemblées sont vraiment diverses il y a de fortes chances pour que les avis soient opposés. Une conversation exigeante est propice à l’explicitation et à la discussion des désaccords. Elle permet de faire valoir ses désaccords de façon moins frontale. Il y a alors plus de chance d’avoir des désaccords mieux développés. On pourra ensuite embrayer sur des délibérations nourries par de vrais désaccords, accueillant les parts d’incertitudes que les conversations ne cachent pas.

Il existe un candidat plus prometteur que la délibération, parce que plus complet par sa richesse conceptuelle : la considération.

(Se) considérer

Il existe un candidat plus prometteur que la délibération, parce que plus complet par sa richesse conceptuelle : la considération. Sur un de ses pans, comme la conversation elle porte sur la façon dont on se parle, la façon dont on s’adresse aux autres. Pendant la crise des Gilets jaunes par exemple le manque de considération a souvent été déploré. Paradoxalement, cette plainte émanait parfois de personnes qui ne donnaient pas de gages pour leur façon à elles de considérer les autres. Quoi qu’il en soit la façon de s’adresser les uns aux autres importe. La considération va plus loin que le respect, par l’attention accordée. On peut d’ailleurs porter une réelle attention sans être forcément d’accord. Certains désaccords témoignent parfois d’une attention plus soutenue que des accords faciles, stratégiques ou superficiels. La considération peut alors être le résultats de cette adresse, du côté du récepteur, avec des expressions comme « j’ai été bien considéré ». Au-delà elle souligne une admiration, le mérite de « toute ma considération ».

Sur un autre pan, la considération est un examen attentif à toutes les dimensions d’un problème. On parle par exemple de considérations environnementales, éthiques, économiques, et de tout autre savoirs ou domaines. En politique des responsabilités doivent leur être associer. C’est d’ailleurs le déploiement de la carte de celles-ci qui permettent d’établir les liens pertinents avec le travail en mini-publics et les institutions existantes. La considération permet de voir large. Elle rend humble, puisque les points de vue sont restitués. Elle déconfine ces expériences qui risquent parfois de n’être que des laboratoires, tout en garantissant une réflexion sereine. Elle permet de passer de jugements hâtifs et critiques à des jugements « tout bien considéré ».

Conversation, délibération et considération, avec les promesses pratiques qu’on peut déduire de ces concepts, sont les meilleures garanties pour lutter contre la critique comme défiance, ou le ressentiment, tout en ne renonçant pas aux garanties démocratiques institutionnelles et à leur équilibre. C’est sur ces terrains là qu’une participation qualifiée de citoyenne peut tenter de compléter ce qui manquerait aux débats publics, aux sondages d’opinion ou aux débats politiques de représentants et d’élus.

L’article Où chercher la qualité de la participation citoyenne ? est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
« Il faut avoir une exigence beaucoup plus grande à l’égard de l’idéal de la démocratie » https://missionspubliques.org/il-faut-avoir-une-exigence-beaucoup-plus-grande-a-legard-de-lideal-de-la-democratie/ Tue, 01 Dec 2020 14:53:15 +0000 https://missionspubliques.org/?p=3078 L’article « Il faut avoir une exigence beaucoup plus grande à l’égard de l’idéal de la démocratie » est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Dans son dernier ouvrage Open democracy : reinventing popular rule for the 21st century, Hélène Landemore(1) théorise de nouvelles formes de démocratie non électorales. Pour nous, elle revient sur la Convention citoyenne pour le climat et imagine un futur où tous les principes d’une démocratie authentique, qu’elle décrit dans son livre, auraient été adoptés. Une utopie vraiment?

Missions Publiques : Dans votre ouvrage, vous revenez sur la crise démocratique, voire le « déficit » de démocratie de nos sociétés aujourd’hui. En tant que Française vivant aux Etats-Unis, diriez-vous que cette crise est la même des deux côtés de l’Atlantique ?  Est-ce un phénomène mondial ?

Hélène Landemore : Oui, je pense que la crise démocratique est un phénomène mondial. Il y a deux grandes causes à cela : des phénomènes exogènes comme la mondialisation qui a déstabilisé les démocraties en amplifiant les inégalités économiques en leur sein ; et le fait que nos démocraties ne sont finalement pas si démocratiques que cela. Elles sont fondées sur le principe de l’élection et concentrent le pouvoir entres les mains d’une élite socio-économique – un peu renouvelée certes par le non-cumul des mandats – qui prend des décisions au nom des autres. Je pense qu’il faut avoir une exigence beaucoup plus grande à l’égard de l’idéal de la démocratie. Le diagnostic que je fais dans mon livre est qu’il y a un biais non seulement oligarchique mais cognitif introduit par le principe de l’élection qui n’est pas compensé par d’autres formes de participation citoyenne.

Si cette crise démocratique est mondiale, elle se manifeste de manière différente selon les pays. Aux Etats-Unis, elle est très prononcée. Depuis 30 ans, les Etats-Unis ont fait le choix du néolibéralisme à l’extrême : ils se sont exposés à la compétition chinoise notamment, ils ont délocalisé une grande partie de leurs entreprises. Ce sont des choix qu’ils payent très cher : la classe ouvrière américaine a été décimée. Résultat, elle est tentée par le populisme d’un Trump, qui lui-même est tenté par l’autoritarisme. A cela s’ajoute des inégalités économiques énormes qui sont, malgré tout, plus limitées dans les pays européens. Aux Etats-Unis, 82% des gens du Congrès font partie des 10% des gens les plus riches de la population(2). Bien sûr qu’ils répondent aux intérêts des lobbies et des gens qui les financent ; il faudrait être naïf pour penser le contraire. D’après certains politistes(3), il y a exactement zéro corrélation entre ce que veulent les majorités américaines et les politiques publiques une fois que l’on prend en compte les préférences des 10% les plus riches de la population ! Si c’est vrai, c’est tout simplement hallucinant : cela suggère que les majorités n’ont aujourd’hui pas d’influence causale sur la politique publique aux Etats-Unis. Comment peut-on dire qu’il s’agit d’une démocratie ? C’est au mieux une démocratie « par coïncidence » : les majorités obtiennent ce qu’elles veulent quand leurs préférences correspondent à celles de la minorité économique dominante. En Europe, c’est sans doute moins grave, car les inégalités sont moindres et l’argent ne joue pas un rôle aussi grand dans les élections (même si en France la mobilité sociale est plus faible encore qu’aux Etats-Unis). Ce qui me frappe, c’est que l’idéologie dominante masque cela. On se gargarise du mot démocratie, mais en fait, quand on regarde dans le détail, l’opinion du peuple ne compte pas. Autant l’admettre. On vit dans des « éléctocraties » libérales et confortables certes mais où le peuple ne gouverne pas, ni directement ni même indirectement. Il faut reconquérir la radicalité du concept de l’idée de « pouvoir par le peuple » pas juste « du » ou « pour le peuple. »

(1) Hélène Landemore est professeure associée de science politique à l’Université de Yale. Ses recherches portent entre autres sur la théorie démocratique, l’épistémologie politique, les théories de la justice.
(2) Dans un récent article pour Terra Nova, Hélène Landemore revient sur la fatigue d’un système rongé par l’argent et verrouillé au niveau constitutionnel 
(3) « Testing theories of American politics », Martin Gilens et Benjamin Page dans Perspectives On Politics, 2014
"On vit dans des ''éléctocraties'' libérales et confortables certes mais où le peuple ne gouverne pas, ni directement ni même indirectement.

Crédit photo : Stephanie Anestis

Hélène Landemore

Professeure associée de science
politique à l’Université de Yale

Missions Publiques. Vous analysez certains mécanismes de la Convention citoyenne pour le climat(1) et faites notamment allusion à la constitution d’un 6e groupe de citoyens, l’escouade, composé de « leaders naturels ». Ces processus sociaux viennent-ils perturber ou servir les processus délibératifs ?

Hélène Landemore. Dans tout groupe humain, il y a des leaders qui se révèlent. Ce sont eux qui vont dominer la logique de groupe et l’influencer, parfois de manière disproportionnée. Ces gens-là impulsent des dynamiques, ont souvent des bonnes idées, une vision, et sont capables de faire sortir les gens de leur coquille. Leur rôle au sein du groupe est important, il ne faut pas les brimer. Mais il faut faire attention à ce qu’ils soient distribués dans l’ensemble des groupes et sans jamais se retrouver dans une position de dominants. Quand on les concentre dans un groupe, comme ça a été fait par inadvertance dans « l’escouade » de la Convention citoyenne pour le climat(2), c’est problématique. Tous ces leaders naturels qui avaient été distribués de manière aléatoire se sont concentrés dans l’escouade, provoquant des réactions critiques d’une partie des membres de la Convention. Pour éviter toute polémique, le comité de gouvernance, qui l’avait créée, a donc dissout l’escouade au bout de deux sessions. Notez que ce semi-fiasco de l’escouade pose des questions sur la bonne gouvernance de ce type d’assemblée. L’escouade a été créée et dissoute sans véritable consultation avec les citoyens ou vote de leur part sur la pertinence de chaque décision. C’est sans doute compréhensible dans le contexte d’une première expérimentation de ce type, à cette échelle, avec les contraintes de temps et de moyens du moment.

Si les conventions se pérennisaient, cependant, il faudrait repenser la gouvernance de ce type d’assemblée sur le modèle des assemblées d’élus, avec un pilotage qui ne soit pas extérieur à leurs membres et pourrait peut-être là encore être fondé sur la sélection par le sort. Sinon, ça ressemble trop à du paternalisme. La vertu du tirage au sort, c’est de permettre d’éviter l’enkystement des aristocraties naturelles. Le tirage au sort est un rebrassage naturel qui évite en quelque sorte la consanguinité sociale et cognitive.

 

Missions Publiques. Emmanuel Macron a pris l’initiative de cette Convention citoyenne. Diriez-vous qu’il a fait preuve de courage politique, de clairvoyance, d’opportunité ? En faisant fi des imperfections de ce processus, si vous étiez Emmanuel Macron, que diriez-vous à vos collègues lors du prochain G7 au sujet de ces processus ? Y aller ou pas ? Et pourquoi ?

Hélène Landemore. Les trois mais je nuance. Ce qui est décevant, c’est que ce type de processus ne semble pas être si central dans la philosophie du président. Dans un récent entretien sur sa doctrine(3), Emmanuel Macron ne parle pas du tout de démocratie participative ou délibérative. Il parle de rupture du capitalisme, ce qu’il envisage, lui, pour y répondre. Mais il ne dit rien sur le « nous », sauf celui entre dirigeants. Rien non plus sur les limites de la démocratie électorale en tant que telle. Il évoque mai 68 sans mentionner qu’il s’agit aussi des débuts de la démocratie participative. Il n’évoque même pas ses propres réussites sur le sujet comme, dans une certaine mesure, le Grand débat et surtout la Convention citoyenne. Ce n’est pas dans son approche géopolitique globale et pourtant Dieu sait que l’Europe et le monde auraient aussi besoin de délibération et de participation citoyennes. On a le sentiment que la démocratie délibérative et participative reste pour lui reste de l’ordre du tactique et du réactif, et non de l’ordre du stratégique et du long terme. Je pense que c’est une erreur. Il faut que ça devienne une partie intégrante de la philosophie du prochain mandat. C’est une vague qui ne va pas s’arrêter, il faut que tout le gouvernement la surfe avec bonne foi.

Le danger, c’est de ne pas penser à l’après. Dans le cas du Grand Débat et de la Convention citoyenne, il n’y a pas véritablement eu de pensée de l’après claire. La promesse extravagante du sans filtre se heurte aujourd’hui à tous les filtres existants. Alors si Emmanuel Macron devait donner un conseil à ses collègues, je dirais, c’est oui, allez-y, sinon, de toutes façons, c’est le camp populiste qui va l’emporter. Mais allez-y avec encore plus de culot et d’ambition en réfléchissant bien à l’avance à l’impact attendu et à la manière de traduire tout cela. Réfléchissez aussi à une institutionnalisation de ces assemblées citoyennes sur le long terme. Concrètement, cela signifie non seulement mettre de vrais moyens financiers et des compétences au service des conventions citoyennes et prendre un engagement concret et réaliste sur la gestion de l’après (que peut-on faire exactement des recommandations citoyennes) mais aussi offrir des garanties—comme une évaluation indépendante du processus (grande absente de la Convention). Cela signifie aussi forger un vocabulaire nouveau : il vaudrait mieux selon moi parler de « représentation citoyenne » pour caractériser les assemblées tirées au sort plutôt que de maintenir la fausse dichotomie démocratie représentative/démocratie participative. Affronter de face la question de la distribution des rôles entre représentants élus et représentants tirés au sort me semble le challenge conceptuel et pratique des années à venir. Sur ce dernier point, la Convention citoyenne pour le climat aurait peut-être bénéficié d’associer les parlementaires à ses travaux plus en amont, afin de commencer un processus d’apprivoisement mutuel. On peut invoquer à l’infini la « complémentarité » entre les deux groupes mais au fond c’est dans la pratique que celle-ci va se déterminer. Enfin le président devrait conseiller à ses collègues de faire attention au choix des mots. La petite phrase sur les « amish » était maladroite à l’égard des 150.

(1) Cf. chapitre « The democratic legitimacy of self representation »
(2) Les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat étaient répartis en 5 sous-groupes de travail thématiques : se loger, se déplacer, se nourrir, travailler-produire, consommer.
(3) « La doctrine Macron : conversation avec le président français », le Grand Continent, 16 nov.2020

Affronter de face la question de la distribution des rôles entre représentants élus et représentants tirés au sort me semble le challenge conceptuel et pratique des années à venir.

Missions Publiques. La démocratie du 21e siècle doit reposer, selon vous, sur 5 principes : droit à la participation, la délibération, le principe de la majorité, la représentation démocratique et la transparence.  Vous imaginez un scenario où les temps électoraux seraient minorés. Partons en 2040, année où tous vos principes ont été adoptés démocratiquement et sont devenus une pratique courante. Pourriez-vous nous raconter un cycle politique, entre 2040 à 2045, vu par un.e citoyen.ne. ?

Hélène Landemore. Les élections de représentants seraient minorées en un sens mais pas les moments de vote ! Dans ma vision, il y aurait beaucoup plus de droits à la participation qui permettent d’initier un référendum par exemple, non pour choisir des représentants mais pour prendre des décisions. On pourrait envisager par an, disons, 3 à 4 référendums à choix multiples (ou pour cadrer avec le droit français 3 à 4 journées référendaires comprenant des référendums multiples le même jour). Ces référendums pourraient être organisés à la suite de conventions citoyennes, pour valider ou non leurs propositions. On pourrait envisager une maison du peuple avec 150 à 300 représentants lotocratiques, qui organiseraient 3 conventions par an sur des thèmes particuliers. La fonction de ces représentants lotocratiques serait entre autres d’organiser cet agenda, comme en Belgique de l’est[1]. Par ailleurs les citoyens, s’ils en ressentaient la nécessité, auraient la possibilité d’initier eux-mêmes des référendums sur des sujets de leur choix, pourvu que la proposition atteigne un nombre de signatures raisonnable.

Du coup, entre 2040 et 2045, il n’y aurait qu’une seule élection de représentants mais des actes citoyens bien plus nombreux. Si on prend juste les référendums organisés de manière un peu systématique par une Assemblée du Peuple permanente, on peut imaginer au moins 3 à 4 référendums par an à choix multiples sur 3 ou 4 questions… Sur 4 ans, on aurait 12 référendums sur 36 questions d’importance. Si on prend l’hypothèse haute, ce sont 16 référendums, 64 questions. Ça change complètement l’influence des majorités sur les décisions et cela devient impossible de les ignorer. Les thèmes envisagés pourraient être ceux proposés par la Convention citoyenne pour le climat comme la rénovation obligatoire, le crime d’écocide, le moratoire sur la 5 G. Mais ce pourrait être d’autres thèmes comme la décriminalisation de la marijuana, la réintroduction de l’ISF, l’immigration par quota, le régime des retraites, le projet de réforme de l’enseignement supérieur ou tout simplement cet énorme plan de relance sur lequel le gouvernement n’aura, au final, que très peu consulté les citoyens. En 2040, nous avons donc tous ces votes et on va aux urnes au niveau national 3 à 4 fois par an. Plus évidemment, les citoyens décident d’initier eux-mêmes des référendums par le bas pour ainsi dire, mais je soupçonne qu’ils auraient beaucoup moins de raison de le faire dans mon système. Ces votes sont précédés de campagnes, de débats politiques dans les médias, dans les familles etc.

Donner le pouvoir par le hasard à des gens de toutes les catégories sociales, c’est aussi une manière de refaire corps social.

Je considère que cela change considérablement la nature de la démocratie dans laquelle on vivrait. Les gens se sentiraient plus influents, car ils seraient plus influents. Le principe de droit de participation et de majorité seraient respectés. Avec cette incitation à être informés, les citoyens deviennent plus informés : ils parlent politique, le principe de délibération est mieux réalisé et respecté. Comme ils comprennent mieux le système, ce dernier est plus transparent. Dans le même temps, les citoyens attribuent moins la responsabilité de leur mécontentement aux élus… et ça tue dans l’œuf les tendances au complotisme, l’attitude d’opposition systématique, il y a moins de manifestations, moins de violence. Et on aurait en partie résolu cette crise de la démocratie. Pas tout bien sûr, je ne nie pas les autres facteurs comme la mondialisation, les nouvelles technologies, le terrorisme etc. Mais si on a 3 conventions citoyennes par an au niveau national, cela fait au minimum 450 personnes dispersées sur tout le territoire qui polliniseraient, transmettraient de l’information, éduqueraient… Et on peut espérer que les maires de villages aussi adopteraient ces processus, avec des jurys citoyens de 25 personnes par exemple. Imaginez l’énorme levier pour recréer du lien social, mais aussi des emplois ! Donner le pouvoir par le hasard à des gens de toutes les catégories sociales, donner de la voix aussi aux jeunes, un point d’entrée dans le système à tous ces gens qui n’ont pas de réel pouvoir dans le système actuel, c’est aussi une manière de refaire corps social.

(1) Un conseil citoyen tiré au sort est chargé d’organiser 3 conventions par an

L’article « Il faut avoir une exigence beaucoup plus grande à l’égard de l’idéal de la démocratie » est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>
Pourquoi la convention citoyenne pour le climat est une réussite https://missionspubliques.org/pourquoi-la-convention-citoyenne-pour-le-climat-est-une-reussite/ Fri, 26 Jun 2020 15:00:32 +0000 https://missionspubliques.org/?p=2605 L’article Pourquoi la convention citoyenne pour le climat est une réussite est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>

Les propos tenus le week-end de la Convention Citoyenne pour le Climat par certains média ont caricaturé les propositions des 150 citoyens, les réduisant parfois à une mesure opposant les Français les uns aux autres. Ces polémiques n’illustrent ni le travail colossal mené rigoureusement pendant 9 mois ni la complexité d’un sujet qui a été abordé et traité dans sa globalité (réduire de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 10 ans dans un esprit de justice sociale). Nous avons, en partenariat avec Eurogroup Consulting et Res-Publica, accompagné ces citoyens et co-animé la Convention. Nous pouvons donc en témoigner.

Au-delà de ces polémiques, la Convention Citoyenne est un exercice démocratique réussi qui n’est pas considéré par ses acteurs comme une fin en soi. Replaçons la donc dans son contexte et ne lui faisons pas porter une ambition qui n’a jamais été la sienne.

Lier lutte contre le réchauffement climatique et justice sociale

Répondre à des aspirations sociétales

Les 2 millions de personnes, qui ont pris part au Grand débat national en 2019, ont très fortement exprimé le besoin d’un Etat plus proche des citoyens, plus de participations. Parmi leurs demandes : une réforme des institutions et une intensification de la lutte contre le réchauffement climatique.

Répondre à un débat de société majeur…

Le sentiment que les Etats ne prenaient pas la mesure de l’urgence climatique s’est exprimé de plus en plus dans la population ces deux dernières années. La pétition en faveur d’un recours en justice contre l’Etat pour inaction climatique a recueilli 2 millions de signatures en un mois ; la popularité de Greta Thunberg a été un catalyseur de l’inquiétude de la jeunesse sur le sujet et des grèves de l’école pour le climat.

Répondre à l’exigence de justice sociale

En 2018, la crise des Gilets Jaunes provoquée par la taxe carbone a révélé une exigence très forte de justice sociale d’une partie de la population, défiante à l’égard des institutions censées représenter les plus modestes et soupçonnées de collusion d’intérêt envers les acteurs économiques les plus puissants. Les 150 citoyens ont donc eu à cœur que l’effort soit justement réparti au sein de toutes les catégories sociales en fonction des ressources et des capacités, d’où l’exclusion des mesures de la taxe carbone. La Convention a fait le pari d’unir les Français pour une transition écologique, sociale et solidaire.

Miser sur l’intelligence collective

Représenter une diversité de la société française

Le tirage au sort permet de reconnaître à tous les citoyens une égale compétence politique et d’aller chercher des personnes qui n’auraient pas spontanément osé participer. Grâce à ce tirage au sort par génération aléatoire de numéros de téléphone,  la composition de la convention a été vraiment diverse : agriculteurs, artisans, sans-emploi, transporteurs, enseignants, étudiants retraités, de métropole et d’Outre-Mer. Des personnes en situation de grande précarité ont, elles, été  recrutées via l’association les Petits pères des pauvres. La proportion de personnes bénéficiaires de minima sociaux est voisine à celle de la population française. Les débats ont mis en évidence la grande diversité de position par rapport aux sujets discutés.

Permettre une appropriation la plus large et complète possible

Les 149 propositions forment un système de mesures qui permet de prendre la bonne trajectoire de réduction des GES à un rythme raisonnable, en soutenant l’économie, en transformant les modes de vie et de production et en généralisant des mesures déjà adoptées ici et là. Pour les citoyens, toutes les thématiques (se déplacer, se loger, se nourrir, travailler-produire, consommer) sont liées, c’est pourquoi les propositions se complètent. Ce qui est proposé sur la réduction de l’artificialisation des sols a une conséquence sur l’habitat et l’agriculture, ce qui concerne la mobilité permet de repenser l’organisation du travail. Les réflexions sur la consommation et la publicité ont un impact sur la responsabilité des producteurs et nos choix individuels. En isoler une ou trois ne fait pas sens par rapport à l’objectif initial.

Écouter une grande diversité de points de vue

Les travaux de la Convention ont été alimentés par ceux des praticiens, experts et des corps intermédiaires. Les citoyens ont écouté la parole d’un panel impressionnant de personnes impliquées dans les différentes thématiques qu’il s’agisse de ceux qui pensent et de ceux qui font. Ils ont rencontré près de 140 praticiens, porteurs de projets et experts, industriels, militants associatifs, couvrant tous les domaines qui génèrent des émissions de gaz à effet de serre, l’activité économique, la nourriture, les déplacements, les bâtiments, et la consommation. Une palette suffisamment large pour qu’elle ne soit pas considérée aujourd’hui comme partisane ou orientée. Se faire sa propre opinion de manière éclairée ne revient pas à se faire influencer.

Accompagner de manière permanente et rigoureuse

Tout au long des 9 mois, un groupe d’appui (une dizaine de personnes) était au service des citoyens pour comprendre les impacts des sujets discutés sur les émissions de gaz à effet de serre. Une équipe d’une quarantaine d’experts, constituée autour de l’Institut de la transition environnementale Sorbonne Université, vérifiait à la demande des citoyens, les faits et les informations que les groupes de travail utilisaient pour préparer leurs propositions. Six experts en droit ont été chargés de vérifier si les sujets abordés étaient déjà transcrits dans le droit, d’en envisager une éventuelle traduction en loi ou règlement.

Mettre en place un processus transparent

La Convention a été suivie par des centaines de journalistes et une équipe d’une quarantaine de chercheurs en sciences sociales, politiques et sciences du climat. Un comité de gouvernance assurait le bon déroulement de la Convention, avec la participation de citoyens tirés au sort et volontaires (une vingtaine au total). Un collège de garants veillait au respect des formes nécessaires aux expressions de toutes et de tous, sans intervenir sur le fond.

Construire « avec » et pas « contre »

Renouveler la confiance aux élus

Les citoyens ont choisi la confiance et non la défiance à l’égard de leurs représentants. Les citoyens n’ont pas décidé : ils ont présenté leurs propositions aux élus de la République et ont assumé de leur faire confiance pour leur mise en œuvre. Les 150 ont fondé une association pour assurer le suivi de la Convention collectivement.

S’inscrire dans la réforme des institutions représentatives

Cet exercice a vocation à se renouveler dans le cadre notamment de la réforme de CESE. La consultation des citoyens sur les politiques qui les concernent participe à la cohésion sociale. Continuons à inventer des formats de dialogue entre démocratie représentative et démocratie participative, en y intégrant la société  civile organisée, localement et nationalement, avec un impact clair et assumé sur les décisions. Nourrir le débat public par et avec les citoyens rendra notre conversation nationale plus riche.

Penser aux générations futures du monde entier

Conscients de la puissance d’action à une échelle plus large, les citoyens ont pris en compte les générations futures en Europe et partout dans le monde. La question de l’élargissement de la participation citoyenne à toutes les échelles a été abordée. Ils ont pris en compte la dimension européenne chaque fois qu’il le fallait, notamment dans le domaine agricole. Concernant les générations futures, seuls deux objets sont, pour eux, à mettre en débat référendaire : une modification de la constitution pour qu’elle reconnaisse, dans son préambule et son article 1, le respect de l’environnement et du climat au même titre que les droits humains. Le second est une demande de referendum sur l’introduction du crime d’écocide dans le droit pénal. Le respect des équilibres de la nature et des espèces vivantes vise à protéger aussi les générations futures.

La crise sanitaire a accentué cette nécessité à spontanément penser le monde d’après (consommation responsable, respect de la biodiversité, localisme etc…) et le besoin d’écoute citoyenne est encore plus crucial qu’il ne l’était il y a 6 mois. Les citoyens réclament depuis longtemps d’être associés aux processus de décision au-delà des élections. En ce sens, la Convention citoyenne a répondu brillamment à ce besoin, en permettant à 150 citoyens de s’émanciper individuellement et collectivement. Là où elle est allée plus loin, c’est qu’elle a su rattacher ce besoin à des enjeux sociétaux d’aujourd’hui et de demain afin que la société toute entière puisse se saisir de ces questions fondamentales.

L’article Pourquoi la convention citoyenne pour le climat est une réussite est apparu en premier sur Missions Publiques.

]]>